LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la société bretonne d'aménagement foncier et d'établissement rural (la SBAFER) avait motivé sa décision en considération de la nécessité de conforter et d'améliorer la répartition parcellaire des exploitations agricoles voisines ayant leur siège et leurs terres contiguës ou très proches, dans un secteur où la demande d'aménagement des exploitations était forte et où existait une concurrence entre agriculteurs et non agriculteurs et que la décision de préemption comportait des éléments précis faisant référence à une exploitation identifiable et tenant compte des caractéristiques de la parcelle préemptée et de son classement au plan local d'urbanisme, la cour d'appel a pu en déduire que cette décision était fondée sur des données concrètes, rappelant la consistance et la situation du bien, permettant de vérifier la réalité des objectifs poursuivis et répondant aux exigences légales ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'exploitation de M. X... avait été donnée pour exemple des exploitations agricoles ayant vocation à présenter leur candidature à une future rétrocession, que rien ne laissait entendre que le bien devait lui être rétrocédé, qu'une mention explicite indiquait que l'orientation du projet d'aménagement ne pouvait "être considérée comme définitive" et que l'appel à candidature à la rétrocession réglementaire avait été publié, M. Y... se voyant rappeler aux termes de la notification de préemption qui lui avait été adressée le 30 mars 2005 qu'il ne lui était pas interdit de présenter sa candidature dans ce contexte nouveau pour obtenir « l'attribution de partie de ce bien dans le cadre d'un aménagement parcellaire éventuel » la cour d'appel a pu en déduire que M. Y... n'était pas fondé à soutenir que la SBAFER avait commis un détournement de pouvoir en n'exerçant son droit de préemption qu'au seul profit de M. X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à la Société bretonne d'aménagement foncier et d'établissement rural la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement attaqué, débouté M. Y... de sa demande tendant à l'annulation de la décision de préemption prise par la SBAFER et notifiée le 30 mars 2005 ;
AUX MOTIFS QUE le premier juge a rappelé le motif de la préemption et les raisons pour lesquelles l'intimé avait décidé d'exercer son droit de préemption : « dans un secteur où la demande d'aménagement des exploitations et forte et où la concurrence entre agriculteurs et non agriculteurs existe une intervention de la SAFER devrait permettre de conforter et d'améliorer la répartition parcellaire des exploitations agricoles voisines ayant leur siège et leurs terres contiguës ou très proches de superficie, l'une par exemple de 74 ha. Ces exploitations pourraient également bénéficier d'une amélioration intéressante de leur parcellaire » ; que telle que concrètement motivé sur deux plans, soit d'une part la nécessité d'arbitrer entre les désirs exprimés par les agriculteurs et les non-agriculteurs, et d'autre part, la perspective vérifiée d'améliorer le parcellaire d'une exploitation voisine, et le souci d'atteindre, ainsi, un résultat conforme à l'objectif légal visé (amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes), la motivation exprimée dans la décision de préemption sans être exhaustive est explicite et concrètement motivée et elle répond donc aux exigences de la loi et de la jurisprudence ; que l'amélioration parcellaire étant un motif légal autonome, la seule désignation d'une exploitation dont le parcellaire est susceptible d'être amélioré suffit à caractériser au-delà de la qualité physique des terres et de leur classement, que la motivation est concrète, explicite, et répond à l'objectif visé dans la décision ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QU'il ressort des plans communiqués par l'intimée que la parcelle AL n° 39 se trouve située au coeur d'un ensemble de parcelles cultivées par M. X... (pièce 30 – îlot 11 : 9.83 ha) ; qu'il est tout aussi évident que la parcelle AL n° 39, qu'elles cernent est classée au POS de 1993 en emplacement réservé et que son classement au P.L.U. n'a pas été modifié à ce jour : « cette servitude doit permettre la réalisation d'un espace vert de loisirs. Cet aménagement aux abords de la carrière dite « Le Signal » n'est pas en opposition avec la possibilité d'exploiter l'emprise foncière qui se situe sur la parcelle qui pourrait notamment être destinée à du maraîchage… La parcelle AL n° 39 fait l'objet d'une servitude au titre des 100517 BP espaces boisés classés afin de préserver les boisements, les talus et la carrière qui y sont implantés » (pièce n° 28 : lettre du 23 février 2007 de M. Bruno Z... – Maire- Direction du développement – Service économique et urbain de la ville de SAINT BRIEUC à la société SBAFER) ; que s'il est donc exact que la parcelle n'est pas, au jour de l'exercice du droit de préemption, constituée de terres immédiatement labourables sans des investissements importants, il reste que l'objectif légal visé dans la décision de préemption demeure accessible et que l'intimée ne l'a pas méconnu dès lors ; que telle que située, la parcelle AL n° 39 dans la mesure où elle serait attribuée à M. X..., rendrait homogène l'entier tènement qu'il cultive, lequel passerait à plus de 12 ha d'un seul tenant, la communication entre les parcelles le bordant de tous côtés étant susceptible d'en être grandement améliorée dans le cadre d'une exploitation agricole rationnelle, qu'elle soit ou non maraîchère au demeurant, ce qui permet de dire que l'amélioration du parcellaire et le confortement de l'exploitation X... est un objectif concret et sérieux que l'intimée a pu valablement évoquer aux termes de sa décision ; que la présence d'une carrière inondée participe au même titre des atouts que recèle la parcelle AL n° 39 dans le cadre d'une exploitation strictement agricole, alors même que M. X... s'abstiendrait de la défricher dans la limite des autorisations requises pour ce faire, le déclassement de la parcelle restant possible (conf. Lettre du 16 février 2007 : « dans le cadre de l'élaboration du Plan Local d'Urbanisme, par délibération du Conseil municipal en date du 23 novembre 2004, la Ville étudiera l'opportunité du maintien ou non de ce projet et de l'emplacement réservé ») ; que la prétention de M. X... (sa lettre du 14 juin 2005 à la société SBAFER : pièce 31) à exploiter le plan d'eau de la carrière comme réserve d'eau, rapportée à sa situation centrale, n'apparaît que très naturelle et il participe aussi des paramètres qui, facilitant la culture des parcelles environnantes occupées par des cultures légumières, constituent un facteur confortant l'exploitation au même titre que la réalisation des chemins ou voies carrossables parcourant la parcelle AL n° 39 et permettant de créer un pôle central rassemblant les matériels selon le projet évoqué par M. X.... (« Certains bâtiments érigés sur cette parcelle peuvent me servir à loger le matériel d'exploitation puisqu'actuellement, je ne possède pas de hangar à matériel » ) ; au-delà de ces données qui caractérisent que la décision de préemption est bien intervenue dans le cadre légal qu'elle visait et qu'elle permettait effectivement de satisfaire l'objectif visé, il n'y a pas lieu en revanche d'examiner si l'activité sylvicole de l'appelant serait susceptible de constituer une modalité tout aussi sérieuse de mise en valeur de la parcelle AL n° 39 ; que le juge judiciaire n'est pas juge départiteur chargé d'apprécier la valeur comparée de projets de mise en valeur conçus par les candidats à la rétrocession des terres et ne saurait davantage apprécier la validité des motifs de la préemption sur la base de l'intérêt comparé desdits projets, raison pour laquelle il ne sera pas entré dans la discussion de mérites, capacités, qualités et intentions, réelles ou fictives, de M. Gérard Y... de développer son exploitation sylvicole sur la parcelle AL n° 39 et d'y cultiver sur 2 ha de jeunes plants de sapins destinés à la coupe pour Noël ;
ET ENFIN AUX MOTIFS QU'il ne ressort pas des pièces versées aux débats que l'intimée a exercé son droit de préemption en considérant les seuls intérêts particuliers de M. X..., dirigeant de l'exploitation agricole de 74 ha donnée « pour exemple » des entreprises agricoles du secteur ayant vocation à présenter leur candidature à une future rétrocession ; que l'intimée a exprimé la volonté d'exercer le droit de préemption au début du mois de mars 2005 ainsi que cela apparaît de la pièce 4 par elle communiquée (Avis du commissaire du gouvernement faisant état d'une communication du dossier aux services de la DRAF le 4 mars 2005 et rapport du technicien de la société SBAFER : pièce 5) ; qu' à cette date, M. X... avait, certes, fait acte de candidature, ce dernier rapport donnant toutes informations utiles sur son exploitation et la situation de la parcelle AL n° 39 au regard de celle-ci (pièce 5) mais rien dans la décision de préemption ne laisse entendre que le bien devait lui être rétrocédé et au bénéfice d'une mention explicite évoquant que l'orientation du projet d'aménagement ne pouvait « être considérée comme définitive », l'appel à candidature à la rétrocession réglementaire a été publié, l'appelant se voyant rappeler aux termes de la notification de préemption qui lui a été adressée le 30 mars 2005 (pièce 7) qu'il ne lui était pas interdit de présenter sa candidature dans ce contexte nouveau pour obtenir « l'attribution de partie de ce bien dans le cadre d'un aménagement parcellaire éventuel », M. Gérard Y... ne soutenant pas qu'il a présenté sa candidature à la rétrocession de partie de la parcelle AL n° 39 et que celle-ci a été écartée sous de vains prétextes démontrant quelle était l'intention réelle de la société SBAFR, il ne saurait être ni supputé ni a fortiori présumé que les mentions portées dans la décision de préemption cidessus rappelées ne sont que « clauses de style » n'ayant d'autre objet que de cacher une intention bien arrêtée de ne satisfaire que la demande de M. X... par pure connivence, ce qui révélerait alors un détournement de pouvoir ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le contrôle nécessaire de la motivation de l'acte de préemption impose que, à peine de nullité, la SAFER fournisse des données concrètes permettant de vérifier la réalité de l'objectif allégué ; qu'en l'espèce, la SAFER avait justifié sa décision de préemption par des considérations générales qui ne permettaient pas de vérifier que son choix répondait à l'objectif assigné par l'article L. 143-2-2° du Code rural ; que dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la motivation était concrète et explicite et répondait à l'objectif visé dans la décision de préemption , la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 143-2, L. 143-3 et R. 143-6 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'exercice du droit de préemption de la SAFER a pour objet, dans le cadre d'objectifs définis par la législation, notamment l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes ; que la SAFER a pour mission d'améliorer les structures foncières ; qu'il appartient au juge, dans le cadre de son contrôle de légalité des décisions des SAFER, de vérifier que les objectifs visés par leur décision sont bien réalisables ; qu'en l'espèce, M. Y... avait fait valoir que la parcelle en cause, cadastrée AL 39 était classée au PLU de SAINT BRIEUC en zone NDS, de sorte que le bien préempté était grevé d'une servitude d'espaces boisés à conserver et d'une réserve pour équipements publics, ce qui était incompatible avec une mise en valeur à des fins agricoles, de sorte que seule une activité sylvicole de la nature de celle envisagée par l'acquéreur évincé était possible ; que dès lors en se déterminant comme elle l'a fait, pour statuer comme elle l'a fait, la Cour d'appel a méconnu les articles L. 141-1, L. 143-1 et R. 143-6 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, ENFIN, QUE la SAFER commet un détournement de pouvoir entachant sa décision d'illégalité, lorsqu'elle exerce son droit de préemption dans l'intérêt d'un agriculteur déterminé à l'avance ; qu'en l'espèce, M. Y... avait établi qu'avant même d'exercer son droit de préemption, la SAFER avait fait savoir dans un rapport technique du 5 mars 2005 que la parcelle en cause était destinée à être rétrocédée à M. X... et avait une valeur de convenance importante pour l'exploitation de ce dernier ; que dès lors, en se déterminant encore comme elle l'a fait, pour écarter la demande de nullité de la décision de préemption de la SBAFER, la Cour d'appel a méconnu les articles L. 143-3 et R. 143-6 du Code rural et de la pêche maritime.