LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 septembre 2010), que Mme X... a assigné les consorts Y... et Z... en revendication de l'assiette du passage situé entre le pignon nord de sa maison et le mur de clôture de leur propriété ; que les consorts Y... et Z... ont revendiqué la propriété de cette portion de chemin ; que Mme A... est intervenue volontairement à l'instance pour se voir reconnaître la propriété de la partie du chemin allant de l'impasse de Nominoë jusqu'à la limite de propriété de Mme X... ainsi qu'une servitude de passage sur le fonds de cette dernière ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles 691 et 695 du code civil ;
Attendu que les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titre ; que le titre constitutif de servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fonds asservi ;
Attendu que pour faire interdiction aux consorts Y... et Z... d'implanter tout obstacle sur la portion de chemin située dans la partie sud de leur parcelle BZ 289, soit entre le mur pignon nord de la parcelle X... et le mur de clôture de leur jardin, l'arrêt retient qu'il résulte de différentes attestations qu'en 1948-1949, M. B..., auteur des consorts Y... et Z..., a concédé un droit de passage aux riverains sur la partie sud de sa parcelle et qu'ils ne sont pas fondés à supprimer unilatéralement ce droit ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une servitude de passage ne peut s'établir que par un titre constitutif ou par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fonds asservi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens du pourvoi incident qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fait interdiction aux consorts Y... et Z... d'implanter tout obstacle sur la portion de chemin située dans la partie sud de leur parcelle BZ 289, soit entre le mur pignon nord de la parcelle X... et le mur de clôture de leur jardin, l'arrêt rendu le 28 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne Mmes X... et A... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mmes X... et A..., in solidum, à payer aux consorts Y... et Z... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mmes X... et A... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit, au pourvoi principal, par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour M. Y... et Mme Z...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait interdiction à Monsieur Y... et Madame Z... d'implanter tout obstacle sur la portion de chemin située dans la partie sud de leur parcelle DZ 289, soit entre le mur pignon nord de la parcelle X... et le mur de clôture de leur jardin, et de les avoir condamnés in solidum à payer à Madame A... une somme de 1. 000. à titre de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE
« Il ressort des attestations rédigées par Madame Gisèle D..., belle-fille des auteurs des consorts Y.../ Z..., et par Monsieur Gilbert E..., auteur de Madame A..., qu'il n'existait aucun passage pour accéder de la rue du Colonel Driant aux parcelles à usage de jardins situées à l'ouest de cette vois publique, qu'en vertu d'un accord conclu entre voisins dans le courant des années 1948/ 1949 Monsieur B..., auteur des consorts Y.../ Z..., a concédé un droit de passage sur sa propriété afin qu'il soit aménagé un chemin, qu'en dédommagement il avait été convenu que le chemin serait aménagé et entretenu par les riverains et que ces derniers assumeraient les frais d'édification d'un mur isolant le jardin de Monsieur B... du passage ainsi concédé.
Les dires de ces témoins sont confirmés par Madame A... qui rappelle l'accord intervenu entre riverains en page 3 de ses conclusions...
Madame A... demande encore à voir condamner Monsieur Y... et Madame Z... à supprimer tout obstacle de nature à boucher le chemin.
Il résulte des différentes attestations susmentionnées qu'en 1948/ 1949 Monsieur B..., auteur des consorts Y.../ Z... a concédé un droit de passage aux riverains sur la portion sud de sa parcelle actuellement cadastrée BZ 289 et qu'en contrepartie les bénéficiaires de ce passage ont assumé les frais d'aménagement et d'entretien du chemin ainsi que ceux relatifs à l'édification du mur clôturant le jardin de Monsieur B....
Dès lors, Monsieur Y... et Madame Z... ne sont pas fondés à supprimer unilatéralement ce droit de passage qui avait été concédé par leur auteur moyennant une contrepartie de sorte qu'il leur sera fait interdiction d'installer tout obstacle sur le chemin situé dans la partie sud de leur parcelle BZ 289, entre le mur pignon nord de la parcelle X... et le mur de clôture de leur jardin »,
ALORS QUE
Les servitudes discontinues ne peuvent s'établir que par titre, ou par un titre recognitif de la servitude et émanant du propriétaire du fonds servant ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'Appel a donc violé les articles 691 et 695 du Code Civil.
Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mmes X... et A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté Madame X... de son action en revendication et de sa demande de suppression d'un empiètement de forme triangulaire correspondant à une partie de l'atelier édifié par Monsieur Y... et Madame Z..., et d'AVOIR dit que Monsieur Y... et Madame Z... sont propriétaires de la portion de terre située entre le pignon nord de l'immeuble appartenant à Madame X... et le mur de clôture de leur jardin, soit l'extrémité ouest du chemin partant de la rue du colonel Driant et longeant les parcelles cadastrées commune de DOUARNENEZ section BZ 288 et BZ 289 et dit que les limites de leurs fonds sont celles qui figurent au cadastre actuel ;
AUX MOTIFS QUE les consorts Y.../ Z... et Madame X... revendiquent une portion de terre correspondant à l'extrémité ouest d'une parcelle à usage de chemin située entre les fonds cadastrés BZ 288, appartenant à Madame X..., BZ 289 appartenant à Monsieur Y... et Madame Z... et aboutissant à la parcelle BZ 303 appartenant à Madame A... ; qu'il convient de rechercher laquelle des parties justifie du droit le meilleur et le plus probable ; que Madame X... considère qu'elle est propriétaire par l'effet de la prescription trentenaire ; qu'en application des articles 2229, 2262 et 2235 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, pour pouvoir prescrire il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire et, pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur ; que, pour justifier de sa possession Madame X... soutient qu'elle-même et ses auteurs ont utilisé depuis plus de trente ans la bande de terre litigieuse à usage de passage pour accéder à leur fonds ; que cet usage est démontré à l'aide d'attestations aux termes desquelles les témoins certifient que depuis plus de trente ans la parcelle litigieuse a servi de lieu de passage pour accéder, dans un premier temps à des lopins de terre, dans un second temps, suite à l'urbanisation du site, aux maisons d'habitation ; qu'en outre, Madame X... justifie utiliser régulièrement ledit passage puisque sa maison d'habitation est composée de deux logements indépendants dont l'un n'est accessible qu'à partir dudit chemin ; que, toutefois, des faits de passage ne sauraient constituer des actes matériels de possession, de détention ou d'occupation ; qu'en outre, les actes de passage étant exercés par plusieurs riverains, ils ne révèlent pas de la part de Madame X... une volonté de se conduire en propriétaire exclusif, de sorte que la possession alléguée est équivoque ; que le rapport d'expertise officieux dressé le 4 février 1991 par Monsieur Michel F..., géomètre expert, à la demande de Madame X..., n'établit pas des faits de possession puisqu'il se limite à en affirmer l'existence sans que ces dires soient étayés par des faits concrets et objectifs ; que Monsieur Y... et Madame Z... soutiennent qu'ils sont titrés ; que, contrairement à ce qu'ils affirment, aucune mention de leur titre ne permet de rattacher la portion de terre litigieuse à leur fonds ; que, par ailleurs, ils ne démontrent par aucune pièce qu'en l'absence d'un tel rattachement la superficie de leur propriété ne correspondrait pas à celle de 224 m ² énoncée dans leur titre ; qu'enfin la contenance mentionnée à leur titre ne résulte pas d'un arpentage mais de données cadastrales de sorte qu'il ne peut en être tiré aucune conséquence ; qu'en revanche, il ressort des attestations rédigées par Madame Gisèle D..., belle-fille des auteurs des consorts Y.../ Z..., et par Monsieur Gilbert E..., auteur de Madame A... qu'il n'existait aucun passage pour accéder de la rue du colonel Driant aux parcelles à usage de jardins situées à l'ouest de cette voie publique ; qu'en vertu d'un accord conclu entre voisins dans le courant des années 1948/ 1949, Monsieur B..., auteur des consorts Y.../ Z..., a concédé un droit de passage sur sa propriété afin qu'y soit aménagé un chemin ; qu'en dédommagement il avait été convenu que le chemin serait aménagé et entretenu par les riverains et que ces derniers assumeraient les frais d'édification d'un mur isolant le jardin de Monsieur B... du passage ainsi concédé ; que les dires de ces témoins sont confirmés par Madame A... qui rappelle l'accord intervenu entre riverains en page 3 de ses conclusions ; qu'il ressort de ces attestations que Monsieur B..., auteur des appelants, possédait l'assiette du chemin litigieux, qu'il s'est limité, en 1949, à y concéder à l'amiable un droit de passage et que le mur édifié depuis plus de trente ans ne vaut pas reconnaissance des limites du fonds mais a simplement pour fonction d'isoler le jardin de Monsieur B... de l'assiette du droit de passage accordé aux riverains ; que sur l'ancien cadastre figure une parcelle sans numéro, partant de la voie publique et aboutissant au fonds cadastré D 864 (l'actuelle parcelle BZ 303) ; qu'en revanche, au cadastre rénové de 1979 la portion de terre litigieuse fait partie intégrante de la parcelle 1071 (actuellement BZ 289) ; qu'au nouveau cadastre la partie du chemin en litige est également intégrée à la parcelle BZ 289 appartenant aux appelants même s'il y figure une ligne pointillée représentant selon toute vraisemblance le chemin ; que les énonciations de l'acte de partage E.../ G... en date du 13 août 1959 selon lesquelles la parcelle E n° 1035 (actuellement BZ 303) joint à l'est un chemin confirment l'existence du passage créé en 1949 mais ne sont pas de nature à apporter la moindre précision quant au droit de propriété ; que les documents datant de l'année 1948 relatifs à un avertissement adressé par l'ingénieur des Ponts et Chaussées à Monsieur B... pour occupation illégale du terrain situé entre les parcelles alors cadastrées D 860 et D 861 (actuellement BZ 288 et BZ 289) ne permettent pas d'affirmer que l'occupation illicite concernait précisément l'extrémité ouest du chemin comprise entre l'actuel mur de clôture de la maison Y.../ Z... et le pignon Nord de la construction X... ; qu'il ressort enfin d'un courrier adressé le 17 janvier 2008 par la mairie de DOUARNENEZ aux consorts Y.../ Z... que la commune ne s'estime propriétaire que d'une portion du chemin litigieux à l'exclusion de son extrémité ouest intégrée par le cadastre à la parcelle BZ 289 ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment des attestations des auteurs des parties et données cadastrales, Monsieur Y... et Madame Z... bénéficient des présomptions de propriété les meilleures et les plus probables tandis que Madame X... ne rapporte pas la preuve d'une possession trentenaire ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé et les consorts Y.../ Z... seront déclarés propriétaires de l'extrémité ouest du chemin partant de la rue colonel Driant, les limites de leur parcelle étant celles qui figurent au cadastre actuel de la commune de DOUARNENEZ ;
1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, pour débouter Madame X... de ses demandes, la Cour d'appel a retenu qu'elle n'était pas propriétaire du chemin litigieux ; qu'en statuant ainsi, quand Madame X... soutenait avoir prescrit l'assiette du droit de passage et non sa propriété, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, les juges du fond doivent se décider en faveur des présomptions les meilleures et les plus caractérisées lorsque plusieurs parties sont susceptibles d'être propriétaires d'un même bien ; qu'en retenant que Monsieur Y... et Madame Z... bénéficiaient du droit le meilleur et le plus probable, sans répondre aux conclusions d'appel de Madame X... (p. 9, dernier §), dans lesquelles elle soutenait, à titre subsidiaire, que le jugement devait être confirmé en ce qu'il avait reconnu la propriété de la commune de DOUARNENEZ sur le passage litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la fermeture du passage litigieux, AUX MOTIFS QU'échouant en cause d'appel, Madame X... ne justifie pas d'un préjudice ouvrant droit à réparation ;
ALORS QU'en déboutant Madame X... de sa demande de dommages et intérêts à réparation du préjudice causé par la fermeture du passage litigieux au motif inopérant qu'elle n'établirait pas en appel être propriétaire, tout en relevant que les riverains du passage litigieux bénéficiaient d'un droit de passage accordé par l'auteur de Monsieur Y... et de Madame Z..., la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de cette constatation a violé l'article 382 du Code civil.