LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 145-15 et L. 145-47 du code de commerce ;
Attendu que sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L. 145-47 ; que le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 janvier 2011), que par acte du 19 février 1996, la société SEPPI, aux droits de laquelle viennent les sociétés Autoplex Etrembières (la société Autoplex) et Arve Etrembières (la société Arve), a donné à bail à la société Midas France (la société Midas) des locaux commerciaux, la société Midas s'engageant à ne pas exercer l'activité de pneumatique et le bailleur lui garantissant l'exclusivité et la non-concurrence des activités de vente et pose de tous éléments concernant l'échappement et l'amortisseur autorisées par le bail; que par un second acte du même jour, intitulé contrat de concession d'emplacement commercial, la société Autoplex a mis à la disposition de la société Midas un emplacement commercial situé dans le même ensemble immobilier regroupant plusieurs activités dans le domaine automobile, la société Midas s'engageant à respecter son activité spécialisée dans le domaine de la réparation et du service automobile, cette spécialisation lui étant réservée en exclusivité, aucun autre occupant de l'ensemble immobilier n'étant autorisé par le concédant à l'exercer, la société Midas reconnaissant en contrepartie l'exclusivité des autres concurrents et s'interdisant de leur porter concurrence; que les sociétés Autoplex et Arve ayant refusé la demande d'extension de l'activité de la société preneuse à la vente, pose et réparation de pneumatiques, la société Midas les a assignées ;
Attendu que pour dire fondé le refus opposé par les bailleresses à la demande de déspécialisation présentée par la société Midas, l'arrêt relève que la volonté commune du bailleur/concédant et des preneurs/concessionnaires, lors de la signature des contrats, a été de garantir à chacun des exploitants l'exercice exclusif de l'activité autorisée par son bail et de lui interdire de concurrencer celle des autres, et retient que la société Midas ne peut, sans mauvaise foi ni faute de sa part, créer un déséquilibre entre les obligations et les droits de chacune des parties en violant l'engagement de non concurrence qu'elle a souscrit, dont les autres locataires sont parfaitement en droit d'exiger le respect et que, dans le contexte particulier, accepté par elle et dont elle bénéficie, de l'exercice par chacun des exploitants d'activités spécialisées et exclusives dans le cadre d'un centre dédié à l'automobile, elle ne saurait valablement qualifier de connexe ou complémentaire à la sienne l'activité de pneumatiques ;
Qu'en se fondant ainsi, non sur le caractère objectivement connexe ou complémentaire des activités dont l'adjonction était demandée, mais exclusivement sur la clause de non-concurrence figurant au bail liant les parties, alors qu'une telle clause ne peut avoir pour effet d'interdire au preneur de solliciter la despécialisation partielle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne les sociétés Autoplex Etrembières et Arve Etrembières aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés Autoplex Etrembières et Arve Etrembières à payer la somme de 2 500 euros à la société Midas France ; rejette la demande des sociétés Autoplex Etrembières et Arve Etrembières ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour la société Midas France
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société Midas France de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « dans le bail commercial qu'elle a signé le 19/02/1996, la société Midas s'est engagée à ne pas exercer les activités de pneumatiques, vitrerie, toit ouvrant, autoradio, alarme, téléphone, contrôle technique, le bailleur lui garantissant l'exclusivité et la non concurrence des activités de vente et pose de tous éléments concernant l'échappement et l'amortisseur autorisées par le bail ; / que le contrat de concession qu'elle a signé le même jour dispose qu'elle s'engage, afin d'assurer le succès du centre Autoplex et de ses occupants, à respecter son activité spécialisée dans le domaine de la réparation et du service automobile, cette spécialisation lui étant réservée en exclusivité, aucun autre occupant du centre n'étant autorisé par le concédant à l'exercer, étant précisé qu'en contrepartie, elle reconnaît l'exclusivité des autres occupants et s'interdit de leur porter concurrence ; / attendu que les 2 autres occupants du centre Autoplex, dont la société Pneu 74, qui exerce une activité de pneumatiques, ont signé des contrats comportant des clauses similaires ; / attendu que la volonté commune du bailleur/concédant et des preneurs/concessionnaires, lors de la signature des contrats, a donc été de garantir à chacun des exploitants l'exercice exclusif de l'activité autorisée par son bail et de lui interdire de concurrencer celle des autres ; / attendu que la société Midas ne peut, sans mauvaise foi ni faute de sa part, créer un déséquilibre entre les obligations et les droits de chacune des parties en violant l'engagement de non concurrence qu'elle a souscrit, dont les autres locataires, notamment la société Pneu 74, sont parfaitement en droit d'exiger le respect ; / que, dans le contexte particulier, accepté par elle et dont elle bénéficie, de l'exercice par chacun des exploitants d'activités spécialisées et exclusives dans le cadre d'un centre dédié à l'automobile, elle ne saurait valablement qualifier de connexe ou complémentaire à la sienne l'activité de pneumatiques ; /attendu, par conséquent, que la société Midas ne peut bénéficier de la déspécialisation qu'elle sollicite ; / que le jugement entrepris sera donc entièrement confirmé » (cf. arrêt attaqué, p. 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« il est constant que lorsqu'une clause de non concurrence a été insérée dans les baux conclus entre un bailleur et plusieurs locataires, cette clause ne résiste pas au temps lorsque les nouveaux contrats ne contiennent plus cette clause. Le locataire se trouve donc délié de son obligation de non concurrence à l'égard des tiers contractants du bailleur initial et retrouve toute faculté de demander une déspécialisation qui n'aurait pas été possible avant la conclusion de nouveaux baux ne comportant pas de clause de non concurrence. / Il s'ensuit que si la clause n'a pas disparu des contrats de bail postérieurs, alors le locataire ne pourra pas demander la résolution de la clause de non concurrence et devra la respecter, ce qui implique qu'il ne pourra pas bénéficier de la déspécialisation si l'activité envisagée est contraire à la clause de non concurrence et devra la respecter, ce qui implique qu'il ne pourra pas bénéficier de la déspécialisation si l'activité envisagée est contraire à la clause de non concurrence initiale ; en effet, les autres locataires du bailleur pourraient en exiger le respect de cette clause. / En l'espèce, aux termes d'une concession d'emplacement commercial consentie le 10 juillet 1990 à la société Pneu 74 par la société Autoplex, il était stipulé au profit de la société Pneu 74 que la spécialisation décrite dans les conditions particulières est réservée en exclusivité au preneur et qu'aucun occupant du centre Autoplex ne sera autorisé par le concédant à l'exercer et qu'en contrepartie le preneur reconnaît l'exclusivité des autres occupants et s'interdit de leur porter concurrence. / De plus, le contrat de bail consenti par la société Autoplex à la société Midas le 19 février 1999 définit la destination autorisée en ces termes : " Exclusive : vente et pose de tous les éléments concernant l'échappement et l'amortisseur, Non exclusive : entretien et réparation automobile et vente de toutes pièces auto à l'exception de pneumatique, vitrerie, toit ouvrant, autoradio, alarme, téléphone, contrôle technique ". / Or, la demande de déspécialisation partielle présentée par la société Midas concernant la vente, la pose et réparation de pneumatiques apparaît concurrentielle avec l'activité de la société Pneu 74, liée par une clause de non concurrence et ce, dans un même lieu géographique qui regroupe des activités liées à l'automobile à Etrembières. / La société Autoplex est tenue de faire respecter les engagements pris avec la société Pneu 74 en 1990, soit antérieurement au bail consenti à la société Midas tenue également de respecter l'obligation de non concurrence vis-à-vis notamment de la société Pneu 74 et le refus opposé par la société Autoplex à la demande de déspécialisation partielle de la société Midas concernant la vente, la pose et la réparation de pneumatiques est parfaitement justifié. / Il convient, en conséquence, de débouter la société Midas de ses demandes, fins et conclusions » (cf., jugement entrepris, p. 4 et 5) ;
ALORS QUE, de première part, sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements, figurant dans les conventions conclues entre le preneur à bail commercial et le bailleur et dans les conventions qui en sont inséparables, qui ont pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L. 145-47 du code de commerce ; qu'en se fondant, dès lors, pour débouter la société Midas France de ses demandes, sur les obligations de non concurrence stipulées, à la charge de la société Midas France, dans le contrat de bail commercial conclu, le 19 février 1996, entre la société Midas France et la société européenne de participation et de promotion immobilière, aux droits de laquelle viennent la société Autoplex Etrembières et la société Arve Etrembières, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 145-15 et L. 145-47 du code de commerce ;
ALORS QUE, de deuxième part, sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements, figurant dans les conventions conclues entre le preneur à bail commercial et le bailleur et dans les conventions qui en sont inséparables, qui ont pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L. 145-47 du code de commerce ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas constaté que le contrat de concession d'emplacement commercial conclu, le 19 février 1996, entre la société Midas France et la société Autoplex Etrembières était inséparable du contrat de bail commercial conclu, le 19 février 1996, entre la société Midas France et la société européenne de participation et de promotion immobilière, aux droits de laquelle viennent la société Autoplex Etrembières et la société Arve Etrembières ; qu'en se fondant, par conséquent, pour débouter la société Midas France de ses demandes, sur les obligations de non concurrence stipulées, à la charge de la société Midas France, dans le contrat de concession d'emplacement commercial conclu, le 19 février 1996, entre la société Midas France et la société Autoplex Etrembières, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 145-15 et L. 145-47 du code de commerce ;
ALORS QUE, de troisième part, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent point aux tiers ; qu'en se fondant, dès lors, pour débouter la société Midas France de ses demandes, sur les stipulations des conventions conclues entre la société Autoplex Etrembières et deux occupants, dont la société Pneu 74, autres que la société Midas France, du centre Autoplex, quand ces conventions n'avaient pas d'effet à l'égard de la société Midas France et ne pouvaient nuire à cette dernière, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1165 du code civil.