LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1315 du code civil et 678 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sonzogni ayant assigné le Syndicat mixte pour l'industrialisation de la Matheysine et des environs (SMIME) en paiement d'une somme sur le fondement de l'enrichissement sans cause, un jugement a rejeté cette demande ; que l'appel interjeté le 11 mai 2004 contre ce jugement signifié à partie le 7 avril 2004 a été jugé recevable et l'action fondée ; que, sur renvoi après cassation de cette décision (1re Civ., 28 mai 2008, pourvoi n° T 06-17.313, B. n° 152), l'appel a été, à nouveau, jugé recevable et la demande accueillie ;
Attendu que, pour dire la signification du jugement nulle et l'appel non tardif, l'arrêt retient que, si Mme X..., huissier de justice, qui a procédé, le 7 avril 2004, à la signification à partie, indique dans son acte que le jugement a été notifié à avocat le 7 avril 2004, elle ne formule pas pour autant dans cet acte une énonciation irréfragable du caractère préalable de la signification au représentant et que, du fait même de l'aveu de Mme X..., qui s'est fiée aux seules indications de l'avocat du SMIME, la preuve par simple déduction du caractère préalable de la notification au représentant de la partie n'est donc pas rapportée ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'acte de signification à partie mentionnait que le jugement avait été notifié à avocat, sans toutefois que l'huissier de justice instrumentant ait indiqué qu'il aurait lui-même procédé à cette notification ou que celle-ci lui aurait été présentée, ce dont il se déduisait, sauf preuve contraire, que cette notification avait été faite préalablement, de sorte qu'il incombait à la partie qui contestait la réalité de cette notification d'en rapporter la preuve contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit besoin de statuer sur le surplus des griefs du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Sonzogni aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils pour le Syndicat mixte pour l'industrialisation de la Matheysine et des environs, demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la notification du jugement du 1er avril 2004 à la société Sonzogni était nulle et, en conséquence, D'AVOIR déclaré l'appel de cette société recevable ;
AUX MOTIFS QUE le jugement du 1er avril 2004 du tribunal de grande instance de Grenoble a été signifié à la société Sonzogni selon un acte d'huissier de justice du 7 avril 2004 ; qu'il est justifié également que, selon acte de signification à avocat, le jugement a également été notifié au représentant le 7 avril 2004 ; que mention de cette notification est indiquée dans la signification à partie ; que les deux significations ont donc été effectuées le même jour mais par deux études d'huissiers différentes ; que si l'antériorité de la notification au représentant de la partie est un préalable obligatoire, l'article 678 du code de procédure civile n'impose cependant aucun délai entre la première notification et la seconde notification faite à la partie, les deux notifications pouvant donc être effectuées le même jour ; que la preuve du caractère préalable de la notification au représentant résulte de la mention de son accomplissement portée dans l'acte de notification destiné à la partie ; que, dans le cas d'espèce, si Me X..., huissier de justice, qui a procédé à la signification à partie indique dans son acte que le jugement a été notifié à avocat le 7 avril 2004, elle ne formule pas pour autant dans cet acte une énonciation irréfragable du caractère préalable de la signification au représentant ; que la mention telle que portée ne permet pas en effet de dire que l'huissier a effectivement procédé à la vérification de l'antériorité de l'acte signifié par son confrère, Me Z... ; qu'en conséquence si, de cette mention il peut être tiré certaines déductions, elle ne vaut pas pour autant jusqu'à inscription de faux, s'agissant d'une simple énonciation ; qu'en conséquence, et à défaut de précision sur la réalité de l'antériorité, la preuve de la notification et de son caractère préalable incombe donc à la partie qui a procédé à la notification, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce ; que selon procès-verbal de constat dressé le 2 juillet 2008, la société Sonzogni démontre quant à elle que l'huissier de justice qui devait procéder à la signification à la partie, n'avait pas en sa possession la notification préalable effectuée à l'avocat, qu'il s'est simplement contenté de porter la mention de son existence sans vérification formelle préalable, et ce au vu du seul courrier daté du 6 avril 2007 que lui avait dressé le conseil SMIME lui demandant de procéder à la signification du jugement à la société Sonzogni ; qu'en effet, interrogée sur les modalités de sa signification, Me X... a confirmé qu'elle n'était pas en mesure de fournir la signification faite au représentant et qu'elle n'avait à sa disposition que la lettre de l'avocat qui précisait : « Je vous invite à signifier au débiteur (la société Sonzogni, la copie de la grosse du jugement que vous trouverez sous ce pli.Je précise que la signification à avocat a été effectuée au Palais de Justice le 7 avril 2004 » ; que dès lors et du fait même de l'aveu de Me X..., qui s'est fiée aux seules indications de l'avocat du SMIME la preuve par simple déduction du caractère préalable de la notification au représentant de la partie n'est donc pas rapportée ; que cette signification à partie étant nulle, l'appel n'est pas tardif et est donc recevable ;
ALORS, 1°), QUE lorsque la représentation est obligatoire, la notification du jugement à partie est nulle si le jugement n'a pas été préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocat ; qu'en considérant que la preuve de l'antériorité de la signification à avocat n'était pas rapportée après avoir constaté que l'acte de signification à partie mentionnait la notification à avocat, ce dont il se déduisait que celle-ci avait été faite préalablement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 678 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°) et subsidiairement, QUE la mention de la notification à avocat sur l'acte de signification à partie fait présumer son caractère préalable de sorte qu'il appartient la partie qui entend tirer profit du défaut de cette antériorité de rapporter la preuve contraire , qu'en imposant au SMIME de faire la preuve de l'antériorité de la notification à avocat quand elle avait constaté que l'acte de signification à partie mentionnait l'existence de cette notification, la cour d'appel a, en tout état de cause, inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et 678 du code de procédure civile ;
ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article117 du code de procédure civile ; qu'en prononçant la nullité de la signification à partie d'un jugement en raison de l'absence de notification préalable à avocat, sans constater que ce vice avait causé un grief à la société Sonzogni, cependant que ladite irrégularité ne figure pas au nombre de celles énumérées par l'article 117 du code de procédure civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114, 117 et 678 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné le Syndicat mixte pour l'environnement de la Matheysine et des environs à payer à la société Sonzogni la somme de 241.527,01 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de son arrêt avec capitalisation de ces intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la société Sonzogni entend obtenir la condamnation du SMIME sur le fondement de l'article 1371 du code civil et des principes qui régissent l'enrichissement sans cause ; qu'il est constant que la société Sonzogni a entrepris une prestation au profit de la société Sauvagnat aux termes d'un contrat à titre onéreux conclu en avril 2001 pour un montant de 3.322.300 francs HT, outre travaux supplémentaires ; que du fait de la liquidation judiciaire de la société Sauvagnat, la société Sonzogni n'a pas été réglée de cette prestation et que sauf l'obligation de produire sa créance au passif de ladite liquidation, elle est privée de toute action en recouvrement contre son cocontractant du fait de son insolvabilité ; que la créance de la société Sonzogni a été définitivement admise à la liquidation de la société Sauvagnat à hauteur de sa déclaration, soit pour la somme de 601.963,24 euros et est donc opposable aux tiers notamment le SMIME quant à son montant ; qu'il n'est pas contestable que l'appauvrissement de la société Sonzogni est avéré ; qu'inversement l'intérêt de la plate-forme et l'importance des travaux effectués sur le terrain appartenant au SMIME ont été reconnus par le syndicat lui même, qui dans un courrier adressé le 29 octobre 2001 au liquidateur judiciaire de la société Sauvagnat a écrit : « Dans le cadre d'un plan de continuation ou de reprise de l'activité de la société Sauvagnat, le SMINE est d'accord pour céder les terrains aux mêmes conditions… Cette plate-forme de stockage permettra à cette entreprise de réaliser des économies très importantes au niveau du transport et du stockage. Par ailleurs il s'avère que l'entreprise Sonzogni de Saint Georges de Commiers a réalisé d'importants travaux d'aménagement, commandés par Sauvagnat, d'un coût de 3.948.620,00 francs ht. Il importe également que ces travaux puissent être réglés par la future entité » ; qu'elle ne peut donc soutenir que les travaux réalisés pour cette plate-forme seraient insuffisants, incomplets et inutiles pour la nouvelle société exploitante qui l'utilise également comme aire de stockage ; que les différents constats établis en 2003, 2004, 2006 mettent en évidence l'utilisation importante de la plate forme ; que si l'utilité est démontrée, il est nécessaire pour constater l'enrichissement du tiers de rechercher également si le SMIME a été ou non dans l'obligation d'effectuer des travaux de réaménagement de la plate-forme pour permettre son utilisation, dès lors que les travaux effectués initialement par la société Sonzogni se seraient avérés défectueux et insuffisants comme soutenus ; qu'il résulte du rapport du cabinet Douar-Dunand, intervenant dans le cadre d'un contrat de conduite d'opérations concernant la réalisation de bâtiments de stockage par la société Dral, la nouvelle société preneuse, que les aménagements existants ne sont pas aux normes pour ce qui est des écoulements des eaux de surface et des eaux usées, de la tenue de l'enrobée et des contraintes imposées par la construction de nouveaux bâtiments ; qu'il résulte également du cabinet Arche que la plate forme existante n'a été bénéfique que pour servir de sous-couche isolante au terrain marécageux ; que selon décompte général définitif du lot VRD établi le 28 avril 2004 par le maître d'oeuvre, le montant des travaux incombant au maître de l'ouvrage, le SMIME, s'est élevé à la somme de 241.527,01 euros HT ; qu'il est dès lors démontré, même si des travaux de réaménagement ont du être effectués, l'existence d'un enrichissement pour le SMIME à concurrence de 360.436,23 euros, au motif que le propriétaire du terrain a bien bénéficier des travaux effectués par la société Sonzogni et donc de la structure existante pour lui permettre de relouer à la nouvelle société et de modifier les structures de stockage ; que l'indemnité due au titre de l'enrichissement sans cause ne peut excéder la plus faible des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement du débiteur, l'autre de l'appauvrissement du créancier ;
ALORS, 1°) QUE l'entrepreneur n'est fondé à solliciter une indemnité au propriétaire de la parcelle sur laquelle il a édifié des constructions que s'il démontre que les constructions ont apporté une plus-value au terrain, dont le propriétaire a pu tirer profit ; qu'en relevant, pour accueillir en partie la demande la société Sonzogni, que le SMIME avait profité de la structure qu'elle avait réalisée, après avoir constaté que le SMIME avait dû procéder à d'importants travaux de réaménagement dans la mesure où les travaux réalisés par la société Sonzogni s'étaient révélés inadéquats, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe suivant lequel nul ne peut s'enrichir au détriment d'autrui ;
ALORS, 2°), QUE l'indemnité due au titre de l'enrichissement sans cause ne peut excéder la plus faible des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement du débiteur, l'autre de l'appauvrissement du créancier ; que, dès lors qu'elle avait constaté que les travaux réalisés par la société Sonzogni avaient seulement été utilisés comme sous-couche isolante au terrain, la cour d'appel ne pouvait condamner le SMIME qu'à verser à la société Sonzogni la somme représentant le coût de réalisation d'une telle prestation, seule économie qu'il avait retirée des travaux que l'entreprise avait exécutés ; qu'en condamnant le SMIME à payer à la société Sonzogni la somme de 241.527,01 euros HT, correspondant, selon ses propres constatations, à l'ensemble des travaux qu'il avait dû faire réaliser au titre du lot VRD, ce qui excédait le montant de l'économie réalisée par le SMIME, la cour d'appel a, de nouveau, violé le principe suivant lequel nul ne peut s'enrichir au détriment d'autrui.Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour la société Sonzogni, demanderesse au pourvoi incident
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 241.527, 01 € HT la condamnation du SMIME à payer à la Société SONZOGNI au titre de l'enrichissement sans cause,
AUX MOTIFS QU'
"il est dès lors démontré, même si des travaux de réaménagement ont du être effectués, l'existence d'un enrichissement pour le Syndicat mixte pour l'environnement de la Matheysine –SMIME- à concurrence de 360.436,23 euros, au motif que le propriétaire du terrain a bien bénéficier des travaux effectués par la Société SONZOGNI et donc de la structure existante pour lui permettre de relouer à la nouvelle société et de modifier les structures de stockage ; (…) que l'indemnité due au titre de l'enrichissement sans cause ne peut excéder la plus faible des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement du débiteur, l'autre de l'appauvrissement du créancier ; qu'il convient en conséquence de condamner le Syndicat mixte pour l'environnement de la Matheysine – SMIME- à payer à la Société Sonzogni la somme de 241.527, 01 euros HT, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,"
ALORS D'UNE PART QUE l'action de in rem verso tend à procurer à la personne appauvrie une indemnité égale à la moins élevée des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement, l'autre de l'appauvrissement, de sorte qu'en limitant à la somme de 241.527, 01 € HT la condamnation du Syndicat mixte pour l'environnement de la Matheysine –SMIME- à payer à la Société SONZOGNI au titre de l'enrichissement sans cause, tout en constatant l'existence d'un enrichissement pour le Syndicat mixte pour l'environnement de la Matheysine –SMIME- à concurrence de 360.436, 23 €, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et ainsi violé le principe suivant lequel nul ne peut s'enrichir au détriment d'autrui,
ALORS D'AUTRE PART QUE la contradiction entre les motifs équivaut à une absence de motifs, de sorte qu'en énonçant d'une part qu' "il est démontré (…) l'existence d'un enrichissement pour le Syndicat mixte pour l'environnement de la Matheysine –SMIME- à concurrence de 360.436, 23 euros"(arrêt page 7, § 1er), et d'autre part, après avoir rappelé que l'indemnité due au titre de l'enrichissement sans cause ne peut excéder la plus faible des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement, l'autre de l'appauvrissement "qu'il convient, en conséquence, de condamner le Syndicat mixte pour l'environnement de la Matheysine –SMIME- à payer à la société Sonzogni la somme de 241.527, 01 euros HT, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt" (arrêt page 7, § 3), la Cour d'appel a énoncé des motifs contradictoires sur le montant de la somme représentative de l'enrichissement du SMIME résultant des travaux réalisés par la Société SONZOGNI et, partant, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.