LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 4, 9 et 10 du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 relatif aux droits des cotisants et au recouvrement des cotisations et contributions sociales et modifiant le code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte du premier et du troisième de ces textesque ce n'est qu'à compter du 1er septembre 2007 que l'article R. 243-59 ducode de la sécurité sociale a prévu, sur l'avis de passage, la mention du droit pour la personne contrôlée de se faire assister du conseil de son choix pendant le contrôle ; que, selon le deuxième de ces textes, les opérations de contrôle et de mise en recouvrement sont restées soumises aux dispositions du code de la sécurité sociale dans leur rédaction antérieure, pour celles de ces opérations ayant fait l'objet d'un avis de passage adressé avant cette date ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portantsur la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, l'URSSAFdes Bouches-du-Rhône a délivré le 27 juin 2007 à la société Marseille façades une mise en demeure de payer des cotisations correspondant à plusieurs chefs de redressement ;
Attendu que pour dire que cette mise en demeure était de nul effet, l'arrêt énonce que le décret du 11 avril 2007 n'avait fait que confirmer la nécessité de préciser à l'employeur qu'il avait, lors du contrôle, la possibilité de se faire assister par un avocat et retient que cette faculté ne figurait ni sur l'avis de passage ni dans la lettre d'observations ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la mise en demeure avait été délivrée le 27 juin 2007, ce dont il se déduisait que l'avis de passage et la lettre d'observations avaient été nécessairement adressés à la société avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Marseille façades aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Marseille façades ; la condamne à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé le jugement entrepris et la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF et d'AVOIR dit que la mise en demeure de la société Marseille Façades portant sur la somme de 15 096 € était de nul effet ;
AUX MOTIFS QUE « ce n'est que dans une période récente que l'exigence d'un droit à l'information et à une réelle transparence s'est réellement imposée dans le champ du droit de la sécurité sociale; que cette avancée a suivi celle du droit administratif, qui, avec la loi du 17 juillet 1978, a créé les conditions d'une évolution « vers une démocratie administrative» ; qu'ainsi, depuis 1979les organismes de sécurité sociale sont tenus d'une obligation de motiver leurs décisions refusant le bénéfice de prestations ; qu'ensuite, l'exigence d'information et de transparence a envahi progressivement tous les secteurs du droit de la protection sociale; que la jurisprudence est tout d'abord venue encadrer les pouvoirs des inspecteurs de l'URSSAF, en introduisant diverses règles fondées sur le principe du contradictoire ; que les solutions prétoriennes ainsi dégagées dans un premier temps ont été ensuite consacrées par le pouvoir réglementaire, d'abord dans un décret du 31 janvier 1996, puis dans le décret du 28 mai 1999 ; que le principe majeur régissant la régularité du contrôle URSSAF est le respect très strict du caractère contradictoire du contrôle, et des droits de la défense, constamment sanctionné par le juge qui, a ainsi conféré aux formalités prévues par l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale un caractère substantiel ; que l'omission de formalités substantielles telles que précisément le respect du contradictoire et des droits de la défense rappelé ci-dessus, a été sanctionnée par des décisions de principe constituant une jurisprudence jamais remise en cause, évoquée plus haut, et bien antérieure au décret du 28 mai 1999 ayant institué l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, et par conséquent au décret du 11 avril 2007 allégué dans la présente instance par l'URSSAF ; que ce dernier texte n'a fait que confirmer la nécessité, notamment, de préciser à l'employeur qu'il a la possibilité de se faire assister d'un conseil ; que ces textes successifs ne sont donc venus que formaliser la jurisprudence établie ; que l'omission de ces formalités substantielles, ainsi qualifiées par le juge puis par des textes postérieurs, entraîne la nullité du redressement; qu'elle affecte la régularité tant de la procédure subséquente que des opérations de contrôle et de redressement elles mêmes; que les mises en demeure délivrées à la suite du contrôle sont donc nulles et de nul effet ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté par l'URSSAF qu'effectivement la possibilité de se faire assister par un conseil ne figure ni dans l'avis de passage ni dans la lettre d'observation; qu'ainsi la nullité du redressement ne pourra être que constatée ».
ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif; qu'en l'espèce, pour annuler la totalité du redressement, la cour d'appel a considéré que la possibilité de se faire assister par un conseil ne figurait ni dans l'avis de passage ni dans la lette d'observation, en violation du décret du 11 avril 2007 ; qu'en appliquant ainsi rétroactivement un décret entré en vigueur le 1er septembre 2007 à une procédure de contrôle terminée en mars 2007 et portant sur les années 2004 et 2005, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'époque du contrôle et l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.