LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 avril 2011), que le tribunal civil de Port-au-Prince (Haïti), par deux jugements du 6 août 2007, a homologué les actes d'adoption par les époux X... des mineures Kenia et Djevelin Y..., nées respectivement le 3 juin 2004 et le 12 octobre 2001 ; que ces jugements ont été transcrits, le 10 septembre 2007, au bureau de l'état civil à Port-au-Prince ; que, par requête du 25 février 2009, les parents adoptifs ont saisi le parquet afin que celui-ci transmette au tribunal leur demande de conversion en adoption plénière des adoptions simples prononcées en Haïti ; que, par jugement du 14 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Besançon, constatant notamment que les actes de recueil des consentements des parents biologiques n'avaient pas fait l'objet d'une légalisation par les autorités haïtiennes compétentes, de sorte que ces actes ne pouvaient être utilisés comme moyen de preuve réguliers en France, a rejeté leur requête ;
Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la Cour de cassation :
Attendu que la déclaration de pourvoi est dirigée notamment contre le procureur général près la Cour de cassation ; que ce dernier n'étant pas partie à l'instance d'appel et n'ayant pas qualité pour représenter les procureurs généraux près les cours d'appel, le pourvoi formé contre lui est irrecevable ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de confirmer ce rejet, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article 370-5 du code civil l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant ; qu'elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause ; que ces conditions sont nécessaires mais suffisantes ; que dès lors, en se fondant sur le défaut de légalisation par les autorités haïtiennes du consentement donné par les parents biologiques pour refuser de prononcer la conversion sollicitée, la cour d'appel a ajouté une condition à l'article 370-5 du code civil et l'a violé ;
2°/ que le 21 septembre 2006, les parents biologiques des enfants Djeveline et Kenia Y..., qui avaient confié ces dernières, à la crèche " Nid des enfants de Marie ", depuis le 20 septembre 2005, en vue de leur adoption, ont déclaré devant le juge de paix, qu'ils donnaient leur consentement éclairé à l'adoption de leurs filles, précisant, pour chacune d'elles, que " de par cette adoption les liens biologiques antérieurs de l'enfant se trouvent complètement rompus et se créé un lien de filiation adoptive " ; qu'en décidant néanmoins que ce consentement ne faisait pas mention de la connaissance, par les parents biologiques, du caractère irrévocable de la rupture des liens de filiation préexistants, le terme " complet " n'ayant pas le sens de " irrévocable ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du consentement des parents des adoptées et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, constatant que les consentements des parents biologiques devant le juge de paix n'avaient fait l'objet d'aucune légalisation par les autorités haïtiennes compétentes, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de rejeter la requête, les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits devant les juridictions françaises devant au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, être légalisés pour y recevoir effet ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE le pourvoi irrecevable en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la Cour de cassation ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la requête de Monsieur et Madame X... aux fins de conversion des adoptions simples des enfants Djeveline et Kenia Y... prononcées en Haïti, en adoptions plénières ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 370-5 du Code civil, l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant ; qu'à défaut, elle produit les effets de l'adoption simple ; qu'elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause ; qu'au surplus, les documents officiels provenant de pays étrangers doivent faire l'objet d'une légalisation ; qu'en l'espèce, les consentements des parents biologiques à l'adoption n'ont fait l'objet d'aucune légalisation par les autorités haïtiennes : ministre de la justice et ministre des affaires étrangères ; qu'au surplus, les consentements des parents biologiques ne font pas mention de la connaissance, par ceux-ci, du caractère irrévocable de la rupture des liens de filiation préexistants ; que le terme « complet » n'a pas le sens de « irrévocable » ;
ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article 370-5 du Code civil l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant ; qu'elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause ; que ces conditions sont nécessaires mais suffisantes ; que dès lors, en se fondant sur le défaut de légalisation par les autorités haïtiennes du consentement donné par les parents biologiques pour refuser de prononcer la conversion sollicitée, la Cour d'appel a ajouté une condition à l'article 370-5 du Code civil et l'a violé ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le 21 septembre 2006, les parents biologiques des enfants Djeveline et Kenia Y..., qui avaient confié ces dernières, à la crèche « Nid des enfants de Marie », depuis le 20 septembre 2005, en vue de leur adoption, ont déclaré devant le Juge de paix, qu'ils donnaient leur consentement éclairé à l'adoption de leurs filles, précisant, pour chacune d'elles, que « de par cette adoption les liens biologiques antérieurs de l'enfant se trouvent complètement rompus et se créé un lien de filiation adoptive » ; qu'en décidant néanmoins que ce consentement ne faisait pas mention de la connaissance, par les parents biologiques, du caractère irrévocable de la rupture des liens de filiation préexistants, le terme « complet » n'ayant pas le sens de « irrévocable », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du consentement des parents des adoptées et violé l'article 1134 du Code civil.