LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la clause de destination contenue dans l'accord préalable signé entre les parties n'avait pas été reprise dans le bail, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les parties n'avaient pas entendu donner aux locaux une destination à usage exclusif de bureaux, a, sans dénaturation, et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... et Mme Y... à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X... et de Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour Mmes X... et Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les dispositions de l'article R. 145-11 du Code de commerce étaient inapplicables en l'espèce, d'avoir débouté Mesdames X... et Y... de leur demande et d'avoir dit que le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2009 s'établit à la somme de 63. 000 € par an hors taxes et hors charges.
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « les bailleresses invoquent les dispositions de l'article R. 145-11 du Code de Commerce aux termes duquel le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence au prix pratiqué pour des locaux équivalents, sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de références.
Aux termes du renouvellement du bail en date du 30 mai 2002, à effet du 1er avril 2000, la désignation des locaux est la suivante :
1°) tout le rez-de-chaussée moins loge, vestibule d'entrée et courette ; ils se composent d'une boutique en façade sur les rues avec accès sur la rue de Paris et sanitaires,
2°) au premier étage, un logement avec accès par l'escalier principal de l'immeuble, composé d'une entrée, WC, un local « froid », une pièce à office de salle à manger avec coin cuisine, un débarras,
3°) au sous sol :- par accès direct par la boutique une salle de coffres,- par accès principal de l'immeuble une ancienne fosse à usage de chaufferie pour chauffage central, une cave supplémentaire à usage de chaufferie, gaz.
Aux termes des clauses et conditions du bail, il est stipulé au paragraphe 4° :
Il est interdit au preneur :- (...)- de céder en tout ou partie son droit au bail si ce n'est en totalité à son successeur dans son fonds de commerce...- le preneur aura cependant la faculté de sous-louer en tout ou partie des locaux à une société exerçant une activité bancaire et/ ou des activités annexes de banque, à l'exclusion de tout autre.
Il ressort de ce bail qu'il ne comporte pas de clause de destination et qu'il ne mentionne pas que les locaux sont loués pour l'exercice de l'activité bancaire.
Madame X... et Madame Y... se prévalent de la mention d'un usage bancaire dans le protocole d'accord mais cette mention ne figure pas au bail signé entre les parties et ne peut dès lors être prise en considération pour apprécier l'usage des lieux loués aux termes du bail.
Par ailleurs, il est nécessaire de s'en rapporter à la destination contractuelle et non à l'activité effectivement exercée dans les locaux.
En l'espèce, à défaut de restriction contractuelle relative à la nature de l'activité pouvant être exercée dans les lieux loués, il convient dès lors de considérer que les locaux ne sont pas à usage exclusif de bureaux.
Par conséquent les dispositions de l'article R. 145-11 du Code de commerce n'ont pas vocation à s'appliquer et la société CREDIT LYONNAIS est fondée à revendiquer le bénéfice du plafonnement.
Le loyer doit être fixé de la manière suivante, dont le calcul n'est pas contesté par les bailleresses :
42. 685, 72 € : 1080 x 1594 = 62. 999, 99 € par an à compter du 1er avril 2009.
Il convient de dire que les intérêts au taux légal seront dus sur les rappels de loyer à compter du 1er avril 2009 et au fur et à mesure de leur exigibilité.
La capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus au moins pour une année entière.
La demande a été formulée dans le mémoire notifié le 29 juin 2009 par Madame X... et Madame Y... et les conditions de l'article 1154 du Code civil ne sont donc pas remplies en l'espèce » (jugement p. 3 alinéas 3 à 11 des motifs et p. 4 alinéas 1 à 7).
ET AUX MOTIFS QUE « par acte du 16 juin 1999, les consorts X...
A... et Y... aux droits desquels se trouvent aujourd'hui les bailleresses ont fait signifier congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer de 260. 000 francs à compter du 1er avril 2000 ;
Par mémoire subséquent du 25 juin 1999, les bailleurs, ayant saisi le juge des loyers du Tribunal de grande instance de Créteil, ont demandé à voir appliquer les dispositions de l'article 23-9 du décret du 30 septembre 1953 devenu l'article R. 145-11 du code de commerce à la fixation du prix du loyer et voir déplafonner le prix du loyer du bail renouvelé, la société Crédit lyonnais plaidant au contraire le plafonnement ;
Le juge des loyers retenant que le bail du 16 avril 1991 ne comportait aucune clause de destination mais contenait une clause autorisant la Société CREDIT LYONNAIS à céder son bail ou sous louer tout ou partie des locaux « à toute personne de bonne vie et moeurs quelque soit le commerce et l'industrie qu'elle proposera d'y exercer à la condition toutefois que le commerce et l'industrie ne puisse donner lieu à de mauvaises odeurs, ou bruits, notamment de boucherie, charcuterie, poissonnerie, marchand de vins et fumisterie – tôlerie » a estimé que cette clause était incompatible avec la notion d'usage exclusif de bureaux, même si c'est la seule activité de la Société CREDIT LYONNAIS ;
Il a donc été jugé par décision du 31 mars 2000 que le prix du loyer du bail renouvelé le 1er avril 2000 devait être fixé en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction ;
Après avoir relevé appel de cette décision, les bailleurs ont exercé leur droit d'option et délivré congé avec refus de renouvellement et paiement d'une indemnité d'éviction par acte des 9 et 13 février 2001 ;
Un expert a été désigné par ordonnance de référé du 5 juin 2001 en la personne de Madame D...
B... pour donner tous éléments permettant de fixer l'indemnité d'éviction, sa mission étant ensuite par ordonnance du 4 décembre 2001 étendue à l'évaluation de l'indemnité d'occupation.
Après que l'expert ait organisé un premier rendez vous, les parties ainsi qu'il résulte de leur procès-verbal de transaction du 30 mai 2002 ont convenu de se rapprocher et de convenir de renouveler le bail pour une durée de neuf années à compter du 10 avril 2000, de fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 42. 685, 72 € ;
La transaction prévoit en son article 3 que l'activité autorisée est celle de banque et ses activités annexes, que le Crédit lyonnais aura la faculté de sous louer tout ou partie des locaux, que le bail est renouvelé aux clauses et conditions du bail antérieur à l'exception de la clause 4° concernant la cession ou sous location, le preneur ayant la faculté de sous louer tout ou partie des locaux à une société exerçant une activité bancaire et/ ou des activités annexes de banque, à l'exclusion de tout autre.
Les parties vont signer le même jour un acte de renouvellement du bail intitulé encore « nouveau bail » ;
Or, cette convention fait désormais la loi des parties et prévaut, s'agissant de définir les caractéristiques du bail et les droits et obligations des parties sur le procès-verbal de transaction emportant accord, nécessairement préalable, des parties pour le renouvellement du bail après l'exercice du repentir par les bailleresses ;
Il n'y a lieu à interprétation et à la recherche de la commune intention des parties que si une convention contient des dispositions obscures ou ambiguës ;
Le fait que les parties n'ont pas repris dans ladite convention la clause de destination contenue dans leur accord préalable n'autorise pas, dans le silence de la convention, une interprétation et à dire ce que les parties n'ont pas exprimé, en retenant qu'elles ont nécessairement entendu restreindre l'usage des locaux à celui du commerce de banque et ses annexes ;
La circonstance extérieure à la convention que le bail de locaux annexes est à usage exclusif d'agence bancaire est au surplus sans portée sur la convention de bail qui lie les parties, s'agissant de locaux distincts et dissociables ;
La circonstance encore que deux avenants de révision de 1994 et 1997 ont précisé que l'activité exercée dans les locaux est celle de banque et activités annexes ne constitue que le constat de l'utilisation effective des locaux.
Le fait que la convention de bail comporte une clause de cession en faveur du seul successeur dans le fonds de commerce est une clause usuelle qui ne permet pas de déduire que les lieux ne sont destinés qu'à un usage de banque et le fait encore que la convention de bail n'autorise la sous location que pour des activités bancaires ne saurait suppléer la clause destination qui se distingue de celle concernant l'activité exercée et permet seule de retenir que les parties ont entendu restreindre les locaux à usage de bureaux ;
La destination des locaux à usage exclusif de bureaux ne peut davantage être considérée comme étant la suite naturelle que l'usage, l'équité ou la loi donne au bail, s'agissant de locaux qui s'étendent sur tout le rez-de-chaussée de l'immeuble, le premier étage et le sous sol et alors que les parties sont libres de donner à leur convention la destination qui convient dans le respect des lois et règlements.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu, faute par les parties d'avoir convenu de donner aux locaux une destination à usage exclusif de bureaux, à application des dispositions de l'article R. 145-11 du Code de commerce pour la détermination du prix du bail renouvelé ;
La Société CREDIT LYONNAIS convient que le prix du bail renouvelé au 1er avril 2009 s'élève à la somme de 63. 000, 96 € et non à celle de 62. 999, 99 € les intérêts dus sur les rappels éventuels de loyers à compter du 1er avril 2009 sont dus à compter de chaque échéance ainsi qu'il a été exactement jugé » (arrêt p. 5 alinéas 1 à 3 des motifs, p. 6 et p. 7 alinéas 1 à 5).
ALORS QUE, D'UNE PART, après qu'un expert eut été nommé pour évaluer l'indemnité d'éviction due au CREDIT LYONNAIS, les Consorts X...-Y...et le CREDIT LYONNAIS se sont rapprochés pour signer le même jour, soit le 30 mai 2002, une transaction et un nouveau bail, ces deux actes étant indivisibles ; que la transaction signée par les parties en même temps que le bail énonçait en son article 3 que « l'activité autorisée par le bail sera celle de banque et activités annexes à la banque » et précisait en son article 5 que « le preneur aura la faculté de sous-louer tout ou partie des locaux à une société exerçant une activité bancaire et/ ou des activités annexes de banque, à l'exclusion de toute autre » ; que c'était donc dans la perspective de la seule exploitation d'une agence bancaire que les deux conventions indivisibles avaient été conçues, signées et exécutées ; que dès lors en énonçant que le fait que les parties n'aient pas repris dans ladite convention la clause de destination contenue dans leur accord préalable n'autorisait pas, dans le silence de la convention, une interprétation et à dire ce que les parties n'avaient pas exprimé, en retenant qu'elles avaient nécessairement entendu restreindre l'usage des locaux à celui du commerce de banque et ses annexes, quand il résultait des termes clairs et précis de la transaction et du bail signés le même jour, soit le 30 mai 2002, qu'ils formaient un tout indivisible de sorte que le bail ne pouvait être lu sans la transaction qui stipulait expressément que l'activité autorisée par le bail était celle de banque et activités annexes à la banque, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la transaction et du bail signés le même jour, soit le 30 mai 2002, et qui formaient un tout indivisible, et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil.
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en toute occurrence, en présence de locaux à usage exclusif de bureaux, le loyer est déplafonné ; qu'en l'absence de clause de destination contractuelle et lorsque la commune intention des parties n'est pas décelable il convient de se référer à l'affectation matérielle des lieux et à l'utilisation effective des locaux par le locataire ; que pour considérer que les dispositions de l'article R. 145-11 du Code de commerce n'avaient pas vocation à s'appliquer et que la Société CREDIT LYONNAIS était fondée à revendiquer le bénéfice du plafonnement, la Cour d'appel a considéré, par motifs adoptés, qu'il était nécessaire de s'en rapporter à la destination contractuelle et non à l'activité effectivement exercée dans les locaux, avant d'en déduire qu'à défaut de restriction contractuelle relative à la nature de l'activité pouvant être exercée dans les lieux loués, il convenait dès lors de considérer que les locaux n'étaient pas à usage exclusif de bureaux ; qu'en se fondant ainsi sur la destination contractuelle des lieux loués, sans se référer à l'affectation matérielle des lieux et à l'utilisation effective des locaux par le CREDIT LYONNAIS concrétisées, notamment, par le protocole d'accord et les précédents avenants de révision, expressément invoqués, la Cour d'appel a violé l'article R. 145-11 du Code de commerce.
ALORS ENFIN QUE, lorsque l'affectation des locaux prévus par le bail est celle d'exploitation du commerce de banque, bourse, change et toutes activités annexes et que l'activité bancaire est essentiellement d'ordre comptable, administratif ou juridique et s'exerce dans des locaux à usage de bureaux sans être affectée par la réception de clients ni par l'usage d'une boutique, il y a lieu de déplafonner le loyer ; qu'il n'était pas contesté par les parties que l'activité du CREDIT LYONNAIS était celle de banque, en conséquence essentiellement d'ordre comptable, administratif ou juridique et s'exerçant dans des locaux à usage de bureaux ; que dès lors en ne recherchant pas si l'activité de la Société CREDIT LYONNAIS étant essentiellement d'ordre comptable, administratif ou juridique et s'exerçant dans des locaux à usage de bureaux sans être affectée par la réception de clients ni par l'usage d'une boutique, il n'y avait pas lieu de déplafonner le loyer, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 145-11 du Code de commerce.