LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 67, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
Attendu que la Cour de justice de l'Union européenne a, par un arrêt du 22 juin 2010 (C-188/10 et C-189/10), dit pour droit que l'article 67, paragraphe 2, du TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/2006 s'opposent à une législation nationale conférant aux autorités de police de l'Etat membre concerné, la compétence de contrôler, uniquement dans une zone définie, l'identité de toute personne, indépendamment du comportement de celle-ci et de circonstances particulières établissant un risque d'atteinte à l'ordre public, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et des documents prévus par la loi, sans prévoir l'encadrement nécessaire de cette compétence garantissant que l'exercice pratique de ladite compétence ne puisse revêtir un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 20 juillet 2010, M. Ali X..., qui voyageait dans un autocar effectuant la liaison Milan-Paris, a fait l'objet d'un contrôle sur le fondement de l'article L. 611-1, alinéa 1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; que ce contrôle ayant révélé que M. Ali X..., de nationalité somalienne, se trouvait en situation irrégulière en France, l'intéressé a été interpellé et placé en garde à vue pour entrée irrégulière sur le territoire national et détention et usage de faux documents ; que, le même jour, le préfet de Haute-Savoie lui a notifié un arrêté de reconduite à la frontière et une décision de placement en rétention administrative ; qu'un juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure de rétention ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'ordonnance relève que l'immatriculation de l'autocar à l'étranger constituait un élément objectif d'extranéité justifiant le contrôle des passagers en application de l'article L. 611-1 du CESEDA ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en ce qu'il confère aux policiers la faculté, sur l'ensemble du territoire national, en dehors de tout contrôle d'identité, de requérir des personnes de nationalité étrangère, indépendamment de leur comportement ou de circonstances particulières établissant un risque d'atteinte à l'ordre public, la présentation des documents au titre desquels celles-ci sont autorisées à circuler ou à séjourner en France, l'article L. 611-1, alinéa 1, du CESEDA ne satisfait pas aux exigences des textes susvisés dès lors qu'il n'est assorti d'aucune disposition de nature à garantir que l'usage de cette faculté ne puisse revêtir un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières, le premier président les a violés par refus d'application ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 juillet 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. Nasir Ali Ali X....
Le moyen reproche à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir validé tant le contrôle des titres de séjour que la garde à vue et le maintien en rétention administrative du requérant pour une durée de quinze jours ;
aux motifs qu'il résulte de la procédure que Monsieur Nasir Ali Ali X... a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et a été placé en rétention administrative le 20 juillet 2010 ; que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de Lyon a prolongé cette mesure pour une durée de 15 jours par ordonnance du 22 juillet 2010 ; que la vérification des documents conduisant à l'appréhension du requérant a eu lieu le 20 juillet 2010 dans la commune de Chamonix, alors que le requérant se trouvait dans un bus de la société Eurolines assurant le trajet Milan-Paris ; qu'il ressort des pièces du dossier que le contrôle des documents des passagers du bus Eurolines Milan – Paris a été effectué au visa de l'article L. 611-1 du CESEDA ; que l'immatriculation du bus à l'étranger constituait un élément objectif d'extranéité justifiant l'intervention des services de police ; que l'ordonnance déférée sera donc confirmée ;
alors que l'article L. 611-1 du CESEDA permet aux services d'opérer une vérification des titres de séjour des étrangers sur tout le territoire français, même au-delà de la zone de 20 kilomètres comprise entre la frontière terrestre de la France et les Etats parties à la convention de Schengen, sans condition préalable liée au comportement de la personne vérifiée ou à des considérations d'ordre public ; que la seule réserve du caractère objectif des éléments susceptibles de révéler l'extranéité de ladite personne, prise en l'espèce de la plaque minéralogique d'un véhicule de transport collectif où se trouvait le requérant en compagnie d'autres passagers, ne constitue pas une garantie suffisante pour encadrer un type de contrôle ayant un effet équivalent aux contrôles aux frontières prohibés par le droit communautaire en vertu de l'article 67 paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 21a) du règlement 562/2006 ; que l'article L. 611-1 du CESEDA est dès lors incompatible avec les dispositions communautaires précitées.