LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions de ce qu'il se désiste de son pourvoi dirigé contre M. X..., MM. Loïc et Jérémy Y... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 706-5 du code de procédure pénale et 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 21 février 2003, M. X..., conducteur d'une motocyclette, a été blessé dans un accident de la circulation survenu au Sénégal, impliquant le véhicule conduit par M. Z... ; qu'il a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) d'une demande de réparation de ses préjudices ; qu'après plusieurs décisions rendues par le président de la CIVI concernant des demandes de provisions et l'organisation d'une expertise, Mme Y..., compagne de M. X..., agissant notamment en son nom propre, est intervenue volontairement devant la CIVI par conclusions, postérieurement au 11 décembre 2007 ;
Attendu que pour déclarer recevable l'intervention volontaire de Mme Y..., l'arrêt énonce que l'intervention volontaire de la compagne de la victime et de ses enfants qui sollicitent l'indemnisation de leur propre préjudice subi par ricochet présente un lien évident avec les prétentions de la victime et qu' ils ont intérêt à agir ;
Qu'en se prononçant par de tels motifs, sans rechercher, au préalable, comme elle y était invitée, si l'action en indemnisation introduite par Mme Y... par voie d'intervention volontaire n'était pas forclose en application du premier des textes susvisés, la cour d'appel a méconnu les exigences du second ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable les interventions volontaires de Mme Y..., de Loïc et Jérémy Y..., alloué à Mme Y... la somme de 24 000 euros et à Jérémy et Loïc Y... la somme de 8 000 euros chacun, mis ces sommes à la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, ordonné avant dire droit une consultation, l'arrêt rendu le 6 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme Y..., ainsi que d'avoir alloué à cette partie la somme de 24.000 € en réparation de ses préjudices moral et sexuel ;
Aux motifs que « s'il est exact que la procédure applicable devant la CIVIP obéit à des règles propres énoncées par les articles R 50-1 à R 50-28 du Code de Procédure Pénale, par application de l'article 706-4 du Code de Procédure Pénale ces dispositions ne s'appliquent que par dérogation aux règles du Code de Procédure Civile ; que c'est pourquoi dans le silence de ces textes spécifiques, les dispositions du Code de Procédure Civile sont applicables ; qu'en l'espèce, les articles R 50-1 à R 50-28 du Code de Procédure Pénale étant muets en ce qui concerne l'intervention volontaire, celle-ci obéit aux dispositions des articles 325 et suivants du Code de Procédure Civile ; que l'intervention volontaire de la compagne de la victime et de ses enfants qui sollicitent l'indemnisation de leur propre préjudice subi par ricochet de celui de la victime présente un lien évident avec les prétentions de la victime et ils ont intérêt à agir ; que leurs interventions volontaires sont donc recevables ; que Mme Y... compagne de M. X..., a eu sa vie familiale, professionnelle et sociale bouleversée par l'accident de celui-ci ; que les justificatifs versés aux débats permettent de fixer l'indemnisation du préjudice moral de Mme Y... tenant au fait d'être le témoin de la souffrance de son compagnon et de devoir adapter son mode de vie à son état à la somme de 20.000 € ; que par répercussion, elle subit aussi un préjudice sexuel dont l'indemnisation sera fixée à la somme de 10.000 € ; que la victime par ricochet subissant la limitation de l'indemnisation de la victime directe il lui revient 24.000 € » (arrêt attaqué, p. 11, antépénultième § à p. 12, § 5) ;
Alors qu'il résulte de l'article 706-5 du code de procédure pénale que la demande d'indemnité doit, à peine de forclusion, être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction ; qu'au cas présent, dans ses conclusions d'appel signifiées le 15 février 2011 (p. 6, numérotée 5, § 1 à 7), le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions soulevait l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation présentée par Mme Y..., en se prévalant, non seulement de l'impossibilité d'intervenir volontairement par voie de conclusions dans la procédure d'indemnisation des victimes d'infraction, mais aussi de la tardiveté de ladite demande au regard du délai de forclusion de trois ans édicté à l'article 706-5 précité ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter cette fin de non-recevoir, que l'intervention volontaire, dans la procédure d'indemnisation des victimes d'infraction, est soumise aux dispositions de droit commun des articles 325 et suivants du code de procédure civile, la cour d'appel, qui a laissé sans réponse le moyen tiré de la forclusion encourue par Mme Y... en application de l'article 706-5 du code de procédure pénale, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors subsidiairement qu'il ressort des propres constatations de la décision attaquée (p. 3, § 1 à 8), suivant lesquelles Mme Y... n'était intervenue à l'instance que postérieurement à l'arrêt du 11 décembre 2007 ayant confirmé l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise et refusé d'allouer une provision à M. X..., que la demande d'indemnisation de Mme Y... avait été formée plus de trois ans après l'infraction commise le 21 février 2003 ; qu'ainsi, à supposer même que le moyen tiré de la forclusion encourue en application de l'article 706-5 du code de procédure pénale puisse être considéré comme ayant été implicitement réfuté, la cour d'appel, en s'abstenant de déclarer Mme Y... forclose en sa demande d'indemnisation sans pour autant retenir le moindre motif légitime de relevé de forclusion, a violé ledit article 706-5.