LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis, tels que reproduits en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 mai 2011) qu'à la suite d'un incendie survenu dans un garage ayant endommagé plusieurs véhicules, une expertise a été ordonnée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que l'expert s'est adjoint un sapiteur ; qu'après le dépôt du rapport du sapiteur et du pré-rapport de l'expert, la société Groupe Volkswagen France, devenue Volkswagen Group France (la société VGF) a saisi le juge chargé du contrôle de l'expertise afin qu'il sollicite du sapiteur des explications sur ses constatations et conclusions ;
Attendu que la société VGF fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation de la décision du juge du contrôle des expertises et de sa demande tendant à voir dire et juger que ce juge, saisi sur le fondement de l'article 245 du code de procédure civile, ne pouvait rejeter sa demande d'explication des conclusions de l'expert ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que les parties, qui étaient en possession du rapport du sapiteur et du pré-rapport de l'expert, avaient toute possibilité, avant le dépôt du rapport définitif, de s'adresser directement au sapiteur pour provoquer ses explications complémentaires et de remettre un dire à l'expert, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société VGF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser aux sociétés Vénéri et fils et AXA France IARD la somme globale de 2 500 euros, à la société MAAF la somme de 1 000 euros, à la société Générali IARD la somme de 2 500 euros, à la société Aviva la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société VGF ;
Condamne la société VGF à une amende civile de 2 500 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société Volkswagen Group France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société GROUPE VOLKSWAGEN France de sa demande en annulation de la décision du juge du contrôle des expertises du 3 mai 2010
AUX MOTIFS QUE "sur le fond, le groupe VOLKSWAGEN fait soutenir que la décision du 3 mai 2010 a été prononcée sur la base de documents non remis aux parties et de moyens non contradictoires n'assurant pas le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du CPC et ne garantissant pas une expertise équitable en application de l'article 6 § 1 de la CEDH ;
La Cour constate que dans sa décision en date du 3 mai 2010, le premier juge vise essentiellement une télécopie en date du 12 juillet 2007 dans laquelle Monsieur X..., sapiteur, écrit : "au niveau du faisceau électrique du Touareg, le laboratoire a décelé un court circuit franc qui est vraisemblablement à l'origine du sinistre" (…) "par contre, dans l'écheveau des fils mêlés du faisceau électrique prélevé sous le siège de la batterie, le laboratoire observe un court circuit franc et puissant à l'origine de la perforation du plancher du véhicule" ;
C'est ce document que le groupe VOLKSWAGEN France indique ne jamais avoir eu en sa possession ;
La Cour remarque cependant que dans son pré-rapport en date du 29 juin 2009, soit diffusé aux parties plusieurs mois avant la date de la décision du 1er juge, l'expert a écrit, page 10 : "le 12 mai 2007, Monsieur X... me fait part des observations et de l'avis des spécialistes du laboratoire SERMA à partir des pièces émanant du Touareg (…) dans l'écheveau des fils entremêlés du faisceau (…) ce qui signe sa formation par la préexistence d'un puissant arc de court-circuit" et plus loin : "conclusion : le faisceau électrique à nous confié est porteur d'un courtcircuit puissant" ; dans le même document et page 11, l'expert Y... écrit aussi : "à la date du 12 juillet 2007, par télécopie, Monsieur X... m'informe que l'examen en laboratoire (…)" ;
Il résulte de la communication de ce document, communication non contestée par les parties et notamment par le groupe VOLKSWAGEN France, que celui-ci avait en sa possession tous les éléments invoqués par le premier juge plus d'un an avant la décision entreprise ;
La Cour relève aussi que dans le cadre de ses conclusions, Monsieur X... écrit : "il n'est donc pas exclu que lors du stationnement de ce véhicule (Touareg) qu'un court-circuit ne se soit pas produit lors du freinage pour arrêter le véhicule au niveau du feu arrière stop dont le faisceau présente des meurtrissures. En effet, ce faisceau, qui est alimenté en positif lors de l'action sur la pédale de frein, a pu, au contact de la carrosserie déformée, constituer un courtcircuit à l'origine de l'incendie" ;
La Cour relève enfin qu'il résulte du rapport du laboratoire SERMA et dans ses conclusions que : "ces micro-perles ont été provoquées par cet arc de court-circuit puissant et ne résultent pas des effets liés à la haute température atteinte par le sinistre" ;
La Cour rappellera qu'ainsi qu'indiqué par Monsieur Y..., la télécopie en date du 12 juillet 2007 adressée par Monsieur X... constitue un document échangé entre un sapiteur et l'expert principal ; que ce document n'a pas vocation à constituer un document officiel d'expertise dans la mesure où Monsieur X... a déposé peu après son rapport complet en tant que sapiteur et que ledit rapport a été diffusé à toutes les parties, de même que le rapport du laboratoire SERMA ;
La Cour rappellera enfin et en droit que l'avis d'un sapiteur doit être traité comme toutes les autres informations recueillies par l'expert désigné au cours de ses opérations d'expertise dont il conserve seul la maîtrise et c'est l'exploitation faite par ce dernier du travail du sapiteur qui est soumis à la contradiction et au débat judiciaire ;
En conséquence, la Cour dira qu'en retenant des éléments de citation contenus dans une télécopie adressée par le sapiteur X... à l'expert Y..., télécopie dont le groupe VOLKSWAGEN connaissait l'existence depuis près d'un an des éléments d'information émanant tant du pré-rapport Y... que des rapports X... et SERMA, le 1er juge n'a pas violé le principe du contradictoire puisque rappelant seulement au requérant des éléments d'information en sa possession depuis un an et dont il avait pu et pouvait encore discuter le bien fondé technique par l'envoi de dires à l'expert principal lui-même (…)
En conséquence, la Cour déboutera le groupe VOLKSWAGEN France de ses demandes"
ALORS, D'UNE PART, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dès lors, en omettant de répondre aux conclusions de l'exposante qui faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la décision de Mme le juge du contrôle des expertises du 3 mai 2010 faisait référence à deux documents qui ne lui avaient pas été communiqués, à savoir une télécopie du 12 juillet 2007 et une note du 12 mai 2007, en se prononçant uniquement sur le défaut de communication de la télécopie sans à aucun moment rechercher si la note du 12 mai 2007 ou même son contenu avait été communiquée aux parties, ce qui l'aurait conduit à constater un manquement au principe du contradictoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le principe du contradictoire exige que les parties soient mises en mesure de discuter des résultats et conclusions de l'expertise avant le dépôt du rapport ; que cette exigence requiert que les parties aient communication de l'ensemble des éléments sur lesquels l'expert s'est basé pour établir son rapport ; que dès lors, en estimant, pour écarter toute violation du contradictoire, que la télécopie en date du 12 juillet 2007 adressée par le sapiteur à l'expert n'avait pas vocation à constituer un document officiel d'expertise et n'avait donc pas à être communiquée aux parties dans la mesure où le sapiteur a peu après déposé son rapport, qui a été communiqué aux parties, la Cour d'appel a violé le principe du contradictoire, ensemble les articles 16, 160 du Code de Procédure Civile, 6 § 1 et 13 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
ALORS DE SURCROÎT QUE le principe du contradictoire exige que les parties soient mises en mesure de discuter des résultats et conclusions de l'expertise avant le dépôt du rapport ; que cette exigence requiert que les parties aient communication de l'ensemble des éléments sur lesquels l'expert s'est basé pour établir son rapport, la seule connaissance de l'existence de ces éléments ne suffisant pas à assurer le respect du contradictoire ; que dès lors, en écartant toute violation du contradictoire aux motifs inopérants que la société GVF avait connaissance "depuis près d'un an des éléments d'information émanant tant du pré-rapport Y... que des rapports X... et SERMA" et pouvait déposer des dires à cet égard, cependant que ces circonstances ne dispensaient pas l'expert de communiquer la télécopie du 12 juillet 2007 ainsi que la note du 12 mai 2007, dès lors que celles-ci avaient eu une incidence sur son opinion, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire, ensemble les articles 16, 160 du Code de Procédure Civile, 6 § 1 et 13 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
.Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société GROUPE VOLKSWAGEN France de sa demande tendant à voir dire et juger que le juge du contrôle des expertises, saisi sur le fondement de l'article 245 du CPC, ne pouvait rejeter sa demande d'explication des conclusions de l'expert,
AUX MOTIFS QUE "la cour rappellera aussi que le groupe VOLKSWAGEN France avait toute possibilité de s'adresser directement à Monsieur X... pour provoquer ses explications complémentaires s'il relevait une contradiction entre les conclusions du sapiteur et celle de l'expert, ce qui manifestement n'a pas été fait ;
En conséquence, la Cour déboutera le groupe VOLKSWAGEN France de ses demandes"
ALORS QU'il appartient au juge du contrôle des expertises, lorsque l'expertise judiciaire qui a été ordonnée apparaît insuffisamment précise ou présente certaines incohérences, d'interroger le technicien désigné à l'occasion du litige ou, le cas échéant, d'ordonner un complément d'expertise ; que dès lors, en rejetant la demande de GVF en annulation de la décision du juge du contrôle des expertises du 3 mai 2010 au motif qu'elle "avait toute possibilité de s'adresser directement à Monsieur X... pour provoquer ses explications complémentaires s'il relevait une contradiction entre les conclusions du sapiteur et celle de l'expert" cependant qu'il incombait au juge du contrôle des expertises de solliciter les explications du sapiteur au vu des incohérences résultant du rapprochement entre le pré-rapport de l'expert et le rapport déposé par le sapiteur, la Cour d'appel a violé l'article 245 du CPC.