LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 24 février 2011), que M. X..., dont les droits à pension de retraite auprès du Régime social des indépendants (RSI) avaient été liquidés à effet du 1er mars 2005, a poursuivi une activité indépendante en application de l'article L. 634-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 15 II de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; que constatant qu'en 2007, le plafond du cumul des ressources prévu par ce texte avait été dépassé, la caisse RSI de Dijon (la caisse) lui a notifié une suspension de sa retraite du 1er décembre 2008 au 28 février 2010 ; que se fondant sur l'article 88-V- de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, M. X... a demandé la reprise du service de sa retraite au 1er janvier 2009 ; que s'étant vu opposer un refus, il a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de rétablir la pension de M. X... au 1er janvier 2009, alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 telles que codifiées à l'article L. 634-6, alinéa 4, du code de la sécurité sociale ne permettent, par dérogation au principe général, que d'appliquer de nouvelles conditions de cumul de la pension de retraite avec une activité salariée à compter du 1er janvier 2009, et non la régularisation rétroactive de décisions de suspensions de pensions de vieillesse prononcées antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en retenant pourtant que cette loi était applicable "lorsque la pension de Charles X... a été suspendue", tout en constatant que cette suspension avait été notifiée à l'intéressé le 17 décembre 2008, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte susvisé ainsi que de l'article 2 du code civil, qu'elle a donc violés par fausse application ;
2°/ qu'en rétablissant, dans ces conditions, M. X... "dans ses droits à pension à compter du 1er janvier 2009", la cour d'appel a violé derechef l'article L. 634-6, alinéa 4, ensemble l'article 2 du code civil ;
3°/ que pour les assurés travailleurs indépendants, le cumul intégral sans prise en compte des revenus a été introduit par le décret n° 2009-1738 du 30 décembre 2009 qui a créé l'article D. 634-11-5 du code de la sécurité sociale lequel a prévu un nouveau dispositif de cumul emploi retraite à compter du 1er janvier 2010 pour les artisans et commerçants titulaires d'une pension avec effet antérieur au 1er janvier 2009 ; que la durée de la suspension prévue par cet article ne peut excéder le nombre de mois civils d'exercice effectif d'une activité artisanale ou commerciale postérieure à l'entrée en jouissance de la retraite soit au maximum douze mois en cas d'exercice d'une ou plusieurs activités professionnelles de janvier à décembre ; que l'article 7 du décret limite son effet aux périodes postérieures à sa publication au cours desquelles les assurés titulaires d'une pension poursuivent ou reprennent une activité ; qu'en faisant application au profit de M. X..., professionnel indépendant, des dispositions d'une circulaire interministérielle du 10 février 2009 qui ne vise que l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale régissant les assurés du régime général, la cour d'appel a violé par fausse application la circulaire susvisée, par fausse interprétation l'article L. 634-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2008, et par refus d'application l'article D. 634-11-5 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L. 634-6 du code de la sécurité sociale, issues de l'article 88-V- de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, par dérogation aux trois précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle : a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ; b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa ;
Qu'aucune disposition de cette loi ne subordonne l'application de cette modification à un texte réglementaire et que l'article 88, inséré dans la quatrième partie de la loi, intitulée "dispositions relatives aux dépenses pour 2009", est entré en vigueur le 1er janvier de l'année concernée ; qu'il résulte de ce texte qu'une pension ayant pris effet depuis le 1er janvier 2004 ne peut plus être suspendue, ou maintenue en cet état, pour dépassement d'un plafond de ressources cumulées, quand les conditions de liquidation et d'âge prévues sont remplies ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'intéressé remplissait toutes les conditions ouvrant droit à la libéralisation du cumul emploi-retraite et ayant relevé que le décret du 30 décembre 2009 dont se prévalait la caisse était postérieur à la décision de la commission de recours amiable contestée et que la circulaire d'accompagnement de ce décret ne pouvait remettre en cause une disposition législative, la cour d'appel en a exactement déduit que l'intéressé devait être rétabli dans son droit à pension de retraite dès le 1er janvier 2009 ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse RSI aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Héderer, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du onze octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour le Régime social des indépendants
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement, infirmé la décision prise par la Commission de recours amiable de la caisse du RSI BOURGOGNE le 15 juin 2009, et rétabli Monsieur Charles X... dans ses droits à pension de retraite à compter du 1er janvier 2009 ;
AUX MOTIFS QUE la loi n°2008- 1330 du 17 décembre 2008 a libéralisé les possibilités de cumuler, sous certaines conditions, une retraite et un revenu professionnel, à compter du 1er janvier 2009 ; qu'ainsi, l'article L. 634-6 du code de la sécurité sociale, modifié par l'article 88 la loi susvisé, est rédigé en son alinéa 4 comme suit : « Par dérogation aux trois précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle : - à partir de l'âge prévu au 1°de l'article L.351-8, - à partir de l'âge prévu au 1eralinéa de l'article L.351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au 2ème alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa » ; que cette loi, de caractère général, applicable lorsque la pension de retraite de Charles X... a été suspendue, n'opère pas de distinction entre salarié et non salarié quant à la mise en oeuvre des nouvelles dispositions sur le cumul d'une retraite et d'un revenu professionnel ; que, par ailleurs, il est constant que l'intéressé remplit toutes les conditions ouvrant droit au régime modificatif ; que la caisse RSI invoque vainement le décret n° 2009/1738 du 30 décembre 2009 et la circulaire n° 2010/013 du 18 mars 2010 ; qu'en effet, le premier texte a été publié postérieurement à la suspension de la pension de retraite de Charles X... et ne s'applique pas à sa situation ; que le second ne saurait remettre en cause une disposition législative ; que, dans ces conditions, il convient de confirmer la décision des premiers juges qui ont rétabli l'intimé dans ses droits à pension, à compter du 1er janvier 2009 ; qu'en application de l'article 1153 du code civil, la caisse RSI devra des intérêts moratoires, à compter de la mise en demeure du 21 avril 2009, formalisée par lettre recommandée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application du dispositif du cumul emploi retraite antérieur au 1er janvier 2009, le R. S. I. Bourgogne a suspendu le service de la retraite de M. X... pendant quinze mois à compter du 1 décembre 2008 ; que la loi du 17 décembre 2008 a libéralisé les possibilités de cumuler une retraite et un revenu professionnel à compter du 1er janvier 2009 ; qu'une circulaire interministérielle du 10 février 2009 relative à ces nouvelles règles indique, p 8 § 3 que les assurés dont la pension a pris effet avant le 1er janvier 2009, et qui a été suspendue avant cette date par application du troisième alinéa de l'article L 161-22 du Code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 sont rétablis dans leur droit au 1er janvier 2009 s'ils respectent à cette date les conditions applicables à la libéralisation du cumul emploi retraite ; que ces conditions concernent l'âge (au moins 60 ans si la retraite peut être allouée au taux plein, 65 ans dans le cas contraire) et le fait d'avoir obtenu toutes les retraites personnelles pour lesquelles le droit est ouvert ; que cette circulaire n'opère aucune distinction entre travailleurs salariés et non salariés comme le fait le R. S. I. Bourgogne dans son interprétation sur les conditions dans lesquelles le passage de l'ancien au nouveau dispositif doit s'effectuer ; que dès lors, dans la mesure où M. X... remplit toutes les conditions ouvrant droit au nouveau régime, et où la circulaire ne mentionne aucune restriction à la reprise du versement au 1er janvier 2009 en cas de suspension préalable, il sera fait droit à la demande ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les dispositions de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 telles que codifiées à l'article L 634-6 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale ne permettent, par dérogation au principe général, que d'appliquer de nouvelles conditions de cumul de la pension de retraite avec une activité salariée à compter du 1er janvier 2009, et non la régularisation rétroactive de décisions de suspensions de pensions de vieillesse prononcées antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en retenant pourtant que cette loi était applicable « lorsque la pension de Charles X... a été suspendue », tout en constatant que cette suspension avait été notifiée à l'intéressé le 17 décembre 2008, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte susvisé ainsi que de l'article 2 du code civil, qu'elle a donc violés par fausse application ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en rétablissant, dans ces conditions, Monsieur X... « dans ses droits à pension à compter du 1er janvier 2009 », la cour d'appel a violé derechef l'article L.634-6 alinéa 4, ensemble l'article 2 du code civil;
ALORS, ENFIN, QUE pour les assurés travailleurs indépendants, le cumul intégral sans prise en compte des revenus a été introduit par le décret n° 2009-1738 du 30 décembre 2009 qui a créé l'article D.634-11-5 du code de la sécurité sociale lequel a prévu un nouveau dispositif de cumul emploi retraite à compter du 1er janvier 2010 pour les artisans et commerçants titulaires d'une pension avec effet antérieur au 1er janvier 2009 ; que la durée de la suspension prévue par cet article ne peut excéder le nombre de mois civils d'exercice effectif d'une activité artisanale ou commerciale postérieure à l'entrée en jouissance de la retraite soit au maximum 12 mois en cas d'exercice d'une ou plusieurs activités professionnelles de janvier à décembre ; que l'article 7 du décret limite son effet aux périodes postérieures à sa publication au cours desquelles les assurés titulaires d'une pension poursuivent ou reprennent une activité ; qu'en faisant application au profit de Monsieur X..., professionnel indépendant, des dispositions d'une circulaire interministérielle du 10 février 2009 qui ne vise que l'article L 161-22 du Code de la sécurité sociale régissant les assurés du régime général, la cour d'appel a violé par fausse application la circulaire susvisée, par fausse interprétation l'article L 634-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2008, et par refus d'application l'article D.634-11-5 du code de la sécurité sociale.