LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que le producteur de l'oeuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par lettre du 3 juillet 2007, la société Pacific promotion Tahiti s'est vue confier par la société Visio concept l'organisation de la production d'une série de quinze émissions consacrées à la Polynésie française et destinées à être diffusées sur des chaînes de télévision de la société Réseau France Outre-mer (la société RFO), que cette dernière a conclu le 14 août 2007 avec la société Visio concept un "contrat de production exécutive" portant sur la fabrication de ces émissions, que la société Pacific promotion Tahiti a fait assigner la société Visio concept, depuis placée en liquidation judiciaire, ainsi que la société RFO, aux droits de laquelle se trouve la société France télévisions, aux fins d'obtenir le remboursement des dépenses engagées en exécution de sa mission ;
Attendu que pour débouter la société Pacific promotion Tahiti de ses demandes à l'encontre de la société France télévisions, l'arrêt, après avoir relevé que les sociétés Visio concept et Pacific promotion Tahiti avaient monté en commun un projet consistant à produire quinze émissions de télévision, dont le financement devait être trouvé localement, qu'elles avaient réalisé ces émissions en sachant qu'elles ne disposaient pas des fonds attendus et que le contrat du 14 août 2007 laissait à la charge de la société Visio concept la responsabilité financière de la production, a retenu que la société RFO n'était que le diffuseur de ces émissions ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la société RFO avait chargé la société Visio concept, en tant que producteur exécutif, de la fabrication de quinze émissions présentant des caractéristiques précisément définies, moyennant une rémunération fixe, ce dont il résultait qu'elle participait au risque de la création de l'oeuvre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société France télévisions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société France télévisions ; la condamne à payer à la société Pacific promotion Tahiti la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Pacific promotion Tahiti.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Pacific Promotion Tahiti de ses demandes tendant à la condamnation de la société France-Télévisions, in solidum avec la société Visio Concept, à lui payer la somme de 61.364 € en remboursement des frais engagés pour la production des 15 émissions sur la Polynésie française ;
AUX MOTIFS QUE, dans le mail en réponse de M. X... à M. Y... en date du 25 juillet 2007, le responsable de Pacific Promotion Tahiti confirme qu'il s'agit d'un projet entre Visio Concept et « nous Pacific Promotion Tahiti », de sorte que même si à cette date, il est certes établi que France-Télévisions-RFO connaît la participation de Pacific Promotion Tahiti à la production, France-Télévisions n'est sollicitée que comme diffuseur des émissions et n'est nullement engagée dans le financement des émissions à produire et l'équilibre financier de cette production, ce que Pacific Promotion Tahiti reconnaît elle-même (…) ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Visio Concept et Pacific Promotion Tahiti ont monté un projet commun consistant à produire 15 émissions de télévision dans lequel France-Télévisions-RFO devait être le diffuseur, qu'elles avaient chiffré le coût de cette production et qu'il était convenu que le financement devait être trouvé localement, qu'à aucun moment dans leurs échanges, il n'a été discuté des recettes de cette production et notamment de celles attendues de la diffusion, qu'elles ont réalisé ces émissions en sachant qu'elles ne disposaient pas des fonds attendus, que France-Télévisions s'étend elle-même engagée à diffuser lesdites émissions sur la demande de Visio Concept et de Pacific Promotion Tahiti, ces dernières ont néanmoins pris la décision de tourner ces émissions, en toute connaissance de cause ; que c'est dans ces circonstances que Visio Concept a conclu avec France-Télévisions-RFO le contrat du 14 août 2007 ; que contrairement à ce que prétend Pacific Promotion Tahiti, il n'est pas démontré par les éléments produits que France-Télévisions-RFO savait au jour où le tournage a commencé ou même au jour où elle a signé avec Visio Concept le contrat du 14 août 2007 que le financement de la production n'était pas assuré ; que certes, Visio Concept le savait mais rien ne justifie qu'elle en ait tenu informée son cocontractant ; que Pacific Promotion Tahiti affirme que France-Télévisions-RFO connaissait le coût effectif des émissions mais n'en apporte aucune preuve ; qu'au demeurant, la question du financement de la production n'apparaît que dans les échanges entre Visio Concept et Pacific Promotion Tahiti, à aucun moment, dans ceux avec France-Télévisions-RFO ; qu'il n'est pas plus établi au vu des mails échangés fin juillet 2007 entre M. X... pour Pacific Promotion Tahiti et M. Y... de France-Télévisions-RFO que cette dernière avait connaissance de la teneur de la lettre de mission de Visio Concept à Pacific Promotion Tahiti et de la réalité des engagements pris entre ces deux sociétés, en particulier, il n'est pas démontré que France-Télévisions-RFO ait pu avoir connaissance qu'en ne concluant le contrat du 14 août 2007 qu'avec Visio Concept qui avait été son interlocuteur depuis l'origine du projet, elle agissait en fraude des droits de Pacific Promotion Tahiti ; qu'en effet, Pacific Promotion Tahiti avait indiqué dans ses courriels à M. Y... fin juillet 2007 qu'il s'agissait d'un projet mené en commun avec Visio Concept et il n'est pas contestable que France-Télévisions-RFO connaissait l'existence de Pacific Promotion Tahiti ; que toutefois, Visio Concept se présentant à France-Télévisions-RFO comme assurant la production exécutive, France-Télévisions-RFO pouvait légitimement considérer que Visio Concept assumait la responsabilité de sous-traiter le cas échéant à Pacific Promotion Tahiti l'exécution de cette mission à Tahiti, suivant des modalités dont France-Télévisions-RFO n'avait pas à connaître ; que France-Télévisions-RFO pouvait donc régulariser un tel contrat le 14 août 2007 sans en informer Pacific Promotion Tahiti ; que la dissimulation du contrat du 14 août 2007 à Pacific Promotion Tahiti est imputable à Visio Concept et non à France-Télévisions-RFO ; (…) que si Pacific Promotion Tahiti a été mise comme elle le prétend devant le fait accompli fin juillet 2007 du déplacement de l'équipe parisienne à Tahiti, alors qu'elle savait ne pas avoir le financement du tournage, c'est par Visio Concept et non par France-Télévisions-RFO : que Pacific Promotion Tahiti manque donc à établir en l'espèce des agissements fautifs, carences, négligences ou imprudences, commis par France-Télévisions-RFO de nature engager à sa responsabilité délictuelle envers elle ; qu'en réalité, comme le prouvent les pièces produites, Pacific Promotion Tahiti n'a recherché la responsabilité de France-Télévisions-RFO qu'à défaut d'obtenir de Visio Concept le paiement des dépenses qu'elle avait avancées dans ce projet et parce que Visio Concept n'avait pas respecté ses engagements contractuels envers elle : qu'aucune preuve d'une réclamation de la société Sofitel n'est apportée qui fonderait un appel en garantie à l'encontre de France-Télévisions-RFO ; que le jugement qui a débouté Pacific Promotion Tahiti de toutes ses demandes à l'encontre de France-Télévisions-RFO sera donc confirmé ;
1°) ALORS QUE, par « contrat de production exécutive » du 14 août 2007, la société France-Télévisions-RFO a chargé la société Visio Concept de la fabrication matérielle de 15 émissions de télévision consacrées à la Polynésie française ; qu'il en résultait que la société France-Télévisions-RFO avait la qualité de producteur ; qu'en estimant néanmoins que la société France-Télévisions-RFO était simplement diffuseur et non producteur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-23 du code de propriété intellectuelle ;
2°) ALORS QUE le producteur d'une oeuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui a la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre et en assume notamment les risques financiers ; que le producteur exécutif n'est qu'un prestataire technique chargé de la fabrication matérielle de l'oeuvre ; qu'il appartenait ainsi à la société France-Télévisions-RFO de répondre de la production de l'oeuvre audiovisuelle et particulièrement de son financement ; qu'elle devait donc assumer le risque financier à l'égard de la société Pacific Promotion Tahiti pour les dépenses engagées par cette dernière au titre de la production exécutive ; qu'en refusant néanmoins de condamner in solidum les sociétés Visio et Concept et France-Télévisions-RFO au motif que « France-Télévisions n'est sollicitée que comme diffuseur des émissions et n'est nullement engagée dans le financement des émissions à produire et l'équilibre financier de cette production », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de la qualité de producteur de la société France-Télévisions-RFO, violant ainsi l'article L. 132-23 du code de propriété intellectuelle ;
3°) ALORS QU' en tout état de cause l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties dès lors que cette situation de fait leur cause un préjudice ; que la société France-Télévisions-RFO, professionnelle de la diffusion et de la production audiovisuelles ayant une parfaite connaissance des usages de la profession, a commis une faute en concluant avec la société Visio Concept un contrat de production exécutive en cours de tournage à un prix dont elle savait pertinemment qu'il ne permettrait pas à son cocontractant d'assurer le financement de la production exécutive, ce qui causerait inéluctablement un préjudice à la société Pacific Promotion Tahiti, mandataire de la société Visio Concept, dont le rôle dans la réalisation matérielle de l'oeuvre lui était parfaitement connu ; que la société France-Télévisions-RFO devait réparation de ce préjudice ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1165 et1382 du code civil.