LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1ère, 28 novembre 2007, pourvoi n° 05-16. 543), que M. X..., victime le 8 janvier 2001 d'un accident de la circulation, a confié son véhicule aux fins de réparation à la société Trans service ; que celle-ci, après lui avoir prêté un premier véhicule de remplacement dont le moteur a explosé, a mis à sa disposition le 1er mars 2001 un second véhicule immatriculé ... ; que M. X...ayant refusé de payer les factures correspondant au coût de la location de ce dernier véhicule, au motif qu'il lui avait été prêté à titre gratuit, la société Trans service l'a fait assigner en paiement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1875 et 1888 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. X...à payer à la société Trans service une certaine somme au titre de la location du véhicule immatriculé ..., l'arrêt, après avoir relevé qu'un premier véhicule lui avait été gracieusement prêté, ainsi qu'il est d'usage, pour une durée de deux mois, outre un mois pour décider de réparer ou non, énonce qu'à compter de l'échéance de ce délai d'usage, soit au 8 avril 2001, la location était devenue la forme juridique normale d'une fourniture de véhicule de remplacement ;
Attendu cependant que l'obligation pour l'emprunteur de rendre la chose prêtée après s'en être servi est de l'essence du commodat ; que lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la société Trans service avait mis fin au prêt du véhicule litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1347 du code civil ;
Attendu que, pour valoir commencement de preuve, l'écrit doit émaner de la personne à laquelle il est opposé et non de celle qui s'en prévaut ;
Attendu que pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt retient que les quatre factures établies par la société Trans service, qui sont explicites quant à leur objet et quant à la nature de la relation juridique entre les parties et qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation précise de la part de M. X..., constituent un commencement de preuve du consentement de celui-ci à l'exécution d'un contrat de louage de chose ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Trans service aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Trans service à payer à la SCP Ortscheidt la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X....
MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a condamné M. X...pour la location du véhicule du véhicule Nissan immatriculé ... et, l'infirmant sur le montant, de l'avoir condamné à payer à la société Trans Service la somme de 20. 462, 14 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Trans Service soutient que M. X...a reconnu, par aveu judiciaire, avoir loué ce véhicule ; que si, en droit, un aveu judiciaire ne peut porter sur un droit, mais uniquement sur des données de fait, il demeure qu'il peut se déduire des aveux de fait l'existence d'un droit et de la nature juridique d'une situation ; que l'aveu d'une situation de location d'un bien comporte celui de données de fait, telles que reconnaissance d'une durée de remise de la chose, d'un prix à payer, d'une obligation d'entretien propre au preneur ; que ce second véhicule remis à M. X...durant les réparations de celui accidenté, a été fourni le 1er mars 2001 ; qu'il a été restitué à l'état d'épave après immobilisation par la gendarmerie, en août 2002, et ayant parcouru quelques 100. 000 km (voir constat d'huissier) ; que la fourniture de ce véhicule, après prêt gracieux du premier véhicule restitué endommagé, et alors que la réparation du véhicule initialement accidenté n'avait pas commencé, du fait des négociations en cours avec la compagnie d'assurances et de l'absence, par suite, de l'ordre de réparer délivré par M. X..., n'a pas donné lieu à un contrat écrit ; qu'à défaut de pouvoir être prouvé ab initio, de ce fait, la location peut résulter des données ultérieures, constitutives éventuellement d'un aveu ou en tout cas probantes, portant sur les éléments desquels se déduit la nature juridique de la relation exécutée et de l'intention des parties ; que la société Trans Service a manifesté son intention de considérer la fourniture de ce véhicule comme une location, assortie d'un prix établi, par la production et l'envoi au bénéficiaire du véhicule, de 4 factures, explicites quant à la désignation du véhicule, visé par sa marque et sa numérotation minéralogique, quant aux périodes de location visées, et quant au prix énoncé, soit les factures : du 30 septembre 2001, pour la période du ler mars au 30 septembre 2001, pour 8. 940, 12 F ou 7475, 02 € HT, du 10 juillet 2002, période du 1er octobre 2001 au 21 février 2002, pour 5. 029, 92 € HT, du 11 juillet 2002, période du 22 février 2002 au 11 juillet 2002, pour 4. 855, 27 €, du 31 octobre 2002, période du 11 juillet 2002 au 20 août 2002 pour1. 432, 13 19 € HT ; que ces quatre factures, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été reçues par leur destinataire, et qui sont explicites quant à leur objet et quant à la nature de la relation juridique entre les parties relative au véhicule en cause, n'ont fait l'objet d'aucune contestation précise de la part de M. X...; qu'ainsi est constitué un commencement de preuve du consentement de celui-ci à l'exécution d'un contrat ainsi qualifié de louage de chose pour un prix énoncé, et donc consenti ; que par ailleurs que si les réparations du véhicule initialement accidenté et en remplacement duquel un premier véhicule avait été prêté gracieusement ainsi qu'il est d'usage pour une durée de deux mois, outre un mois pour décider de réparer ou non (selon exposé de l'expert Y...)-, il est à constater qu'en l'espèce, ce n'est qu'en juin 2001 que l'ordre de réparation a été donné par le propriétaire M. X...; que, si l'on retient le motif invoqué par celui-ci pour expliquer cette tardiveté, à savoir des négociations avec l'assureur, force est de constater que le réparateur n'y est pour rien, lesdites négociations étant entre M. X...et l'assureur ; qu'ainsi, à compter, au mieux, de l'échéance du délai d'usage (1 mois + 2 mois), soit au 8 avril 2001, les conditions d'usage de prêt gratuit de véhicule de remplacement n'étaient plus remplies ; qu'une location devenait la forme juridique normale d'une fourniture de véhicule de remplacement ; qu'il est établi, sur la durée, que la réparation du véhicule accidenté a pu être effectuée et que le véhicule a été conservé sans remise, au titre du droit de rétention, compte tenu de ce que la facture totale-frais divers de réparation du premier véhicule prêté (objets des condamnations définitives), et autres frais, dont le prix de la location, n'étaient pas réglés-que dans ces conditions, en complément du commencement de preuve par écrit que constituent les factures, la conservation du véhicule litigieux ne pouvait plus, par nature, dans le cadre d'un litige justifiant l'exercice d'un droit de rétention sur l'autre bien, répondre à une définition de fourniture gracieuse ; qu'à tout le moins, alors qu'existait cette discordance, le véhicule en cause aurait dû être restitué, ne serait-ce que pour circonscrire le litige sur la nature juridique de la possession, à la période antérieure ; que la persistance à conserver ledit véhicule constitue un aveu de fait de l'acceptation par M. X...des conditions exprimées sans ambiguïté, dès la première facture de location, par la société Trans Service ; qu'ainsi M. X...a reconnu sa qualité de preneur de la chose moyennant paiement d'un prix par périodes, ce qui se qualifie de louage de chose ; que la société Trans Service est loueur, M. X...locataire ; que la chose et le prix étaient déterminés ; que l'exécution du contrat confirme, dans ses modalités et comme l'avait énoncé et rappelé le jugement que tel était l'objet du contrat, la durée et le kilométrage venant, s'il en est besoin, alors même qu'ils ne suffisent pas à caractériser un contrat de location, confirmer de facto et surabondamment, une telle qualification ; qu'ainsi la facture de location est-elle due, avec cependant une nuance à apporter à son calcul, compte tenu de ce qui est dit ci-dessus sur la date à compter de laquelle une qualification de location est justifiée, à savoir le 8 avril 2001 ; qu'ainsi n'est-ce pas à compter du ler mars que le prix est dû, mais 1 mois et 8 jours plus tard, d'où le calcul à faire à partir de la facture du 30 septembre 2001 : 7. 475, 02 € divisé par 9 = 830, 55 € HT par mois, soit ; (830, 55 € x 7) + 55/ 4 soit : 5. 813, 90 € + 207, 63 € = 6. 021, 53 € HT au lieu de 7. 475, 02 € HT ; différence 1. 453, 49 € ; d'où un total dû de 21. 935, 63 €-1. 453, 49 € = 20. 482, 14 € ;
ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES QUE M. X...ne saurait sérieusement soutenir que la société Trans Service aurait accepté de lui prêter à compter du 1er mars 2001, une fois encore gracieusement, un second véhicule pour une durée indéterminée, alors même que le véhicule de courtoisie avait été ramené le moteur cassé ; que la demanderesse n'avait obtenu à ce moment là aucune indemnisation du préjudice subi à l'occasion du prêt de ce premier véhicule ; que M. X...est d'autant moins à même à contester ces frais de location qu'il ne les avait jamais critiqués au moins jusqu'à la sommation interpellative du 15 mai 2002 et alors même que des factures lui avaient été adressées dès le 30 septembre 2001 ; qu'il est d'autant moins fondé à nier l'existence d'une location qu'il demandait par la voie de son conseil le 29 mai 2002 la prise en charge des frais réclamés par la SARL Trans Service par sa compagnie Groupama et ce afin de lui permettre de récupérer son véhicule ; qu'en outre il sera observé que M. X...a circulé avec ce second véhicule sur une distance de 100. 000 kilomètres ; qu'un tel kilométrage exclut l'existence d'un prêt de courtoisie ;
1) ALORS QUE lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable ; qu'en fixant le terme du délai d'usage du véhicule de remplacement prêté par la société Trans Service à M. X..., quand seul le prêteur pouvait y mettre fin moyennant un délai de préavis raisonnable, la cour d'appel a violé les articles 1875 et 1888 du code civil ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le prêteur est tenu de restituer la chose après s'en être servi ; qu'en liquidant le terme du prêt à usage du véhicule litigieux à trois mois sans expliquer en quoi le délai de trois mois constituait un délai d'usage au-delà duquel le commodat ne pouvait plus se poursuivre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1875 et 1888 du code civil ;
3) ALORS QUE selon l'article 1347 du code civil, le commencement de preuve par écrit, qui permet, par dérogation à l'article 1341 du même code, d'établir par présomptions ou témoignages l'existence d'une convention portant sur une somme excédant 800 € au 1er mars 2001, doit émaner de celui à l'égard duquel on l'invoque et rendre vraisemblable le fait allégué ; qu'en jugeant que les quatre factures adressées par la société Trans Service à M. X..., non contestées par ce dernier, valaient commencement de preuve par écrit du contrat de louage de chose pour un prix énoncé, sans relever l'existence d'un commencement de preuve par écrit émanant de M. X...et rendant vraisemblable le contrat de louage allégué, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil ;
4) ALORS QUE faute de commencement de preuve par écrit, les présomptions ne constituent pas un mode de preuve admissible, aux termes de l'article 1341 du code civil, pour prouver l'existence de l'accord d'une partie sur l'exécution d'un contrat ; qu'en jugeant que la présomption résultant du silence de M. X...constituait un aveu de fait de son acceptation des conditions exprimées sans ambiguïté, dès la première facture de location, par la société Trans Service, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil ;
5) ALORS SUBSIDIAREMENT QUE la preuve complémentaire doit établir que le débiteur avait connaissance de son engagement ; qu'en jugeant que le kilométrage parcouru et la durée de conservation du véhicule litigieux ne pouvaient plus, par nature, dans le cadre d'un litige justifiant l'exercice d'un droit de rétention sur l'autre bien, répondre à une définition de fourniture gracieuse, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des circonstances qui n'étaient pas de nature à établir le consentement de M. X...à l'exécution du contrat de louage de chose, a violé l'article 1347 du code civil.