LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Germain X...et Augusta Y..., mariés sous le régime légal de communauté, sont décédés respectivement le 31 décembre 1995 et le 21 mars 2005, laissant pour leur succéder leurs deux fils, Michel et Guy X...; que M. Michel X...a assigné M. Guy X...aux fins de compte, liquidation, et partage de l'indivision successorale ;
Sur le pourvoi principal :
Sur les premier et second moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le pourvoi incident :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 860 du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, le rapport ne se fait qu'à la succession du donateur ;
Attendu qu'après avoir énoncé que M. Michel X...devait rapporter à la succession, une certaine somme représentant la valeur de parts de SCI données par son père, la cour d'appel le condamne à rapporter cette somme aux successions ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le textes susvisé ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 778 du code civil ;
Attendu que, pour décider que M. Michel X...n'aurait droit à aucune part sur la même somme, par application de la sanction du recel successoral, la cour d'appel a relevé que celui-ci n'a pas spontanément signalé qu'il était débiteur de la valeur des parts ;
Qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser l'intention frauduleuse de M. Michel X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Michel X...à rapporter la somme de 3 234, 04 euros sans pouvoir y prendre part, l'arrêt rendu le 5 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Guy X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Guy X...et le condamne à payer à M. Michel X...la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. Guy X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR ordonné la vente à la barre du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, aux clauses et conditions du cahier des charges dressé par maître A..., avocat au Barreau d'Aix-en-Provence, d'une maison à usage d'habitation, située ..., à Miramas figurant au cadastre rénové de ladite commune section C, n° 639 pour 5 ares 50 centiares, lieudit ..., pour une contenance de 72 ca en nature de sol, sur la mise à prix de 150. 000 euros et d'une parcelle de terre située ..., à Miramas, figurant au cadastre rénové de ladite commune, section B, n° 859, pour 16 ares 83 centiares, sur la mise à prix de 5. 000 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il ne peut être fait droit à la demande de partage en nature des deux immeubles de la succession formulée par Guy X..., et ce sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise préalable, dans la mesure où, contrairement à ce qu'il soutient, les deux lots de superficie quasi équivalente qu'il propose, se rapportant à l'immeuble de la ..., n'ont pas une valeur identique dès lors qu'une expertise amiable, dont les conclusions ne sont pas remises en question, fixe une valeur significativement différente pour chacun des deux logements (respectivement 192. 150 euros et 91. 500 euros) et, où par ailleurs, comme le fait valoir Michel X..., la réalisation de ces deux lots nécessiterait la mise en oeuvre de travaux (notamment de clôture et d'assainissement) relativement importants, dont le financement n'est pas envisagé par Guy X..., et où enfin ce dernier ne prévoit pas de possibilité du paiement d'une soulte, ni enfin le partage en nature du seul terrain situé à ...» (arrêt, p. 3) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « par application de l'article 827 du code civil, si les immeubles dépendant de la succession ne peuvent être commodément partagés ou attribués, il doit être procédé à la vente par licitation devant le tribunal, sauf aux parties majeures de consentir à la licitation devant un notaire sur le choix duquel elles s'accordent ; que conformément aux articles 838 et 839 du code civil, lorsque tous les héritiers ne sont pas présents, la licitation ne peut être faite qu'en justice avec les formalités prescrites pour l'aliénation des biens mineurs, c'est-à-dire à la barre du tribunal ; que monsieur Guy X...estime que le partage peut s'opérer en nature ; qu'au soutien de cette affirmation, il verse ses courriers au notaire chargé de la succession, ainsi qu'un plan fait de sa main, conduisant à la division en deux terrains d'une part, et du terrain supportant la maison d'habitation d'autre part, impliquant la création pour chacun d'un chemin d'accès sur l'une des parcelles résultant de la division ; qu'il propose le partage des biens immobiliers soit moyennant le paiement d'une soulte, soit en deux parts égales ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1686 alinéa 1er que le partage doit pouvoir s'opérer en nature sans perte ; qu'en l'espèce, la proposition sur plan de monsieur Guy X...conduirait à un partage inégal, l'un des indivisaires conservant l'immeuble bâti, alors que l'autre se trouverait propriétaire de parcelles de même surface mais non bâties ; or, monsieur Guy X...n'expose nullement comment il pourrait parvenir à une égalité en valeur par le paiement d'une soulte qu'il n'offre pas de verser ; que de plus, cette proposition implique la création d'un passage et d'une servitude sur deux des parcelles résultant de la division et, s'agissant de la maison d'habitation, la priverait de son jardin, réduisant considérablement la valeur vénale ; quant à la proposition littérale de monsieur Guy X..., elle implique que soient réalisés des travaux sur la maison d'habitation, scindée en deux partie séparée par une simple cloison, ainsi que l'expose le défendeur, configuration qui ne pourrait qu'une fois encore être difficilement mise en oeuvre, moyennant la réalisation de travaux et qui conduirait à la dépréciation du bien ; qu'en raison des dépréciations et inconvénients excessifs résultant d'une éventuelle division en nature, la règle tendant à l'application d'un partage en nature, à supposer celui-ci possible en l'absence d'élément sur le versement éventuel d'une soulte, ne peut être commodément mise en oeuvre en l'espèce, et son principe doit être écarté au profit de la licitation des biens indivis ; que la licitation des immeubles sera donc ordonnée » (jugement, p. 3 et 4).
ALORS, D'UNE PART, QU'en retenant, pour rejeter la demande de monsieur Guy X...tendant au partage en nature de chacun des deux immeubles de la succession, à savoir l'immeuble situé ... et le terrain situé à ..., que monsieur Guy X...aurait lié le sort de ces deux immeubles et exclu ainsi le partage en nature du seul terrain situé à ..., cependant qu'au contraire, dans ses conclusions d'appel (conclusions p. 5, § 3, p. 11, § 3), monsieur Guy X..., qui n'avait pas demandé que le sort de ces deux immeubles soit lié, s'était en réalité borné à solliciter le partage en nature pour chacun de ceux-ci, la cour d'appel a dénaturé les écritures de monsieur Guy X...et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le partage en nature est la règle, la licitation ne devant être ordonnée que si les immeubles ne peuvent être facilement partagés ; qu'en se bornant à énoncer, pour ordonner la licitation du terrain situé à ..., que monsieur Guy X...n'aurait pas envisagé le partage en nature de ce seul terrain, sans rechercher si ce terrain était facilement partageable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1377 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur Guy X...de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre des diligences qu'il a effectuées et des frais qu'il a exposés pour le compte de la succession ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « monsieur Guy X...ne peut réclamer une rémunération pour sa gestion des indivisions, qu'il a cru devoir assurer alors que son frère lui avait expressément indiqué qu'il ne l'y autorisait pas (son courrier du 5 janvier 2007) et qu'il ne justifie d'aucune nécessité qui aurait pu l'amener à passer outre ; qu'il doit en outre être débouté de sa prétention à se voir dire créancier de la succession du fait qu'il a rendu visite à sa mère et géré ses affaires pendant ses derniers moments, une telle action étant par nature gratuite et alors qu'il ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait pu faire l'objet d'une convention à titre onéreux, et dans ses prétentions financières relatives au paiement sur ses deniers personnels (et non sur ceux des indivisions) des frais d'obsèques, et à des dépenses de conservation ou d'amélioration des biens indivis, dont il ne rapporte pas suffisamment la preuve par des factures portant des indications manuscrites de paiement par chèques, mais sans fourniture des relevés bancaires correspondants (en ce qui concerne les frais d'obsèques) et par de simples devis pour les autres dépenses » (arrêt, p. 3) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la rémunération et l'indemnisation sollicitées par monsieur X...: conformément aux dispositions de l'article 815-12 du code civil, l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis a droit à la rémunération de son activité dans les conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice ; qu'en application des dispositions de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; qu'il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés ; que monsieur X...affirme avoir exposé des frais, en s'occupant notamment de la location du logement adjacent à l'habitation de la défunte dans lequel il avait préalablement fait réaliser des travaux, et en procédant à l'entretien du terrain rentrant dans la succession ; qu'il n'est pas prétendu que les dépenses sur lesquelles monsieur Guy X...entend se fonder aient été nécessaires à la conservation des biens indivis ; que l'article 815-13 aliéna 1er du code civil impose que les dépenses faites par l'indivisaire soit utiles au bien indivis, de sorte que puisse être accordé, selon l'équité une indemnité à l'indivisaire en fonction de l'amélioration apportée ; que monsieur X...n'établit nullement les dépenses qu'il aurait faites au profit de l'indivision, leur utilité au regard des biens indivis, ni de surcroît l'amélioration qui en résulterait et permettrait de fixer une éventuelle indemnité ; que de fait, et contrairement à ses écritures qui les qualifient de factures, il se contente de produire un document en date du 1er octobre 2007 portant un montant de 1. 376 euros pour le nettoyage d'un terrain qui non seulement ne constitue qu'un simple devis mais qui en plus ne localise pas autrement le terrain concerné qu'en indiquant qu'il se situe à Miramas et trois autres devis relatifs à des travaux de clôture, qui ne justifient nullement des dépenses que monsieur Guy X...prétend avoir exposées » (jugement, p. 4) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE chacun des indivisaires est investi du pouvoir d'accomplir les actes nécessaires pour assurer la conservation des biens indivis sans avoir besoin d'y être autorisé par ses coindivisaires ; qu'en retenant au contraire, pour débouter monsieur Guy X...de ses demandes indemnitaires au titre des actes qu'il avait accomplis pour la conservation des biens indivis, qu'il n'avait pas obtenu l'autorisation de son frère, coindivisaire, la cour d'appel a violé l'article 815-2 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à énoncer que monsieur Guy X...ne justifiait d'aucune nécessité qui aurait pu l'amener à assurer la gestion de l'indivision, sans analyser, fut-ce sommairement, ni même mentionner les différents éléments de preuve que ce dernier lui avait pourtant soumis pour établir que les diligences qu'il avait entreprises étaient nécessaires à la conservation des biens indivis, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils pour M. Michel X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que monsieur Michel X...devait rapporter aux successions une somme de 3. 234, 04 euros ;
AUX MOTIFS QUE Michel X...doit rapporter à la succession une somme de 3. 234, 04 euros, représentant la valeur, à une date proche de sa dissolution, de parts de SCI qui lui avaient été données par son père, laquelle dissolution a dû conduire au règlement de cette valeur à son profit, sachant qu'il lui appartient, et non à son frère, de rapporter la preuve inverse (arrêt, p. 4, alinéa 2) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le rapport d'un bien donné n'est dû que dans la succession du donateur ; qu'en retenant, après avoir constaté que les parts de SCI avaient été données à monsieur Michel X...par son père, que monsieur Michel X...devait rapporter une somme de 3. 234, 04 euros à la succession de ses deux parents, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 850 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en cas d'aliénation d'un bien donné à un héritier, le rapport n'est dû que de la valeur dudit bien à l'époque de l'aliénation ; qu'en se bornant à retenir que monsieur Michel X...devait rapporter la somme de 3. 234, 04 euros représentant la valeur, à une date proche de sa dissolution, de parts de SCI qui lui avaient été données par son père, par la considération que la dissolution de la SCI avait « dû conduire au règlement de cette valeur à son profit ». cependant qu'au demeurant monsieur Michel X...avait soutenu (conclusions p. 8, alinéa 2) n'avoir perçu aucun prix à la dissolution de la SCI en raison de l'affectation des sommes versées par la mairie au passif de la société de sorte que ses parts n'avaient aucune valeur., la cour d'appel s'est déterminée par un motif hypothétique et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que monsieur Michel X...devait rapporter aux successions une somme de 3. 234, 04 euros sans pouvoir y prendre part ;
AUX MOTIFS QUE Michel X...doit rapporter à la succession une somme de 3. 234, 04 euros, représentant la valeur, à une date proche de sa dissolution, de parts de SCI qui lui avaient été données par son père, laquelle dissolution a dû conduire au règlement de cette valeur à son profit, sachant qu'il lui appartient, et non à son frère, de rapporter la preuve inverse ; que Guy X...est fondé dans sa réclamation à voir dire que Michel n'aura droit à aucune part sur cette somme en vertu de la sanction applicable en cas de recel successoral, ce dernier n'ayant pas spontanément signalé qu'il était débiteur du rapport de ces parts ou de leur contre-valeur, permettant de prouver qu'il en avait été le dernier porteur, et tenté en dernier lieu devant la cour d'échapper à son obligation de rapport en se contentant d'affirmer, sans preuve, qu'il aurait laissé liquider la SCI sans obtenir le règlement de la valeur de se parts (arrêt, p. 4, alinéa 2) ;
ALORS QUE le recel successoral suppose l'intention frauduleuse de l'héritier qui le commet ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que monsieur Michel X...ne pourrait prendre part à la somme de 3. 234, 04 euros qu'il était condamné à rapporter à la succession, que ce dernier n'avait pas spontanément signalé être débiteur du rapport de ces parts ou de leur contre-valeur, et qu'il avait tenté en dernier lieu en cause d'appel d'échapper à son obligation de rapport en se contentant d'affirmer sans preuve avoir laissé liquider la SCI sans obtenir le règlement de la valeur de ses parts, et en ne constatant pas l'intention frauduleuse de monsieur Michel X..., laquelle aurait supposé une dissimulation volontaire de la donation dans le but de porter atteinte à l'égalité du partage, cependant que monsieur Michel X...contestait avoir été animé d'une telle intention puisqu'il faisait valoir (conclusions d'appel du 14 décembre 2010, p. 8) que compte tenu de l'ancienneté de l'opération, il n'avait pu retrouver les justificatifs de l'affectation des sommes que la SCI aurait éventuellement distribuées aux porteurs de parts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 778 du code civil.