LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 7 mars 2011), que Jean X... a, par acte du 24 mars 2003, consenti à Mme Y... " l'autorisation d'exploiter et céder le terrain et la parcelle n° 136 à titre gracieux pour une durée à vie ", parcelle dont il était, pour moitié, propriétaire et, pour le surplus, usufruitier, comme bénéficiant d'un usufruit sur l'universalité des biens de la succession de son épouse ; qu'à la suite de son décès, survenu le 5 juin 2006, ses quatre enfants, Mmes Véronique X..., Valérie X..., épouse Z..., Virginie X... et M. Jean-François X... (les consorts X...), ont fait assigner Mme Y... en nullité de la convention, en expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes des consorts X... alors, selon le moyen :
1°/ que le commodat est le contrat par lequel une partie livre une chose à l'autre pour qu'elle puisse s'en servir, à charge de la lui rendre après usage ; qu'en considérant que le contrat du 24 mars 2003 ne constituait pas un commodat, cet acte, consenti par Jean X..., « propriétaire », ayant pourtant conféré gratuitement à Mme Y... un droit d'exploitation de parcelles dont la propriété ne lui était pas transférée, motif pris qu'il évoquait aussi « un droit conféré par Jean X... à Mme Y... de disposer de la parcelle en cause », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1875 du code civil ;
2°/ que l'usufruitier, qui ne peut pas disposer du bien, peut en revanche en concéder l'usage ; qu'en considérant que M. X... ne pouvait pas autoriser l'exploitation de la parcelle litigieuse par Mme Y..., bien qu'il ne s'agisse ni d'un bail, ni d'un acte de disposition, et que les règles de l'indivision ne pouvaient pas faire échec à l'exercice de ses droits par l'usufruitier, la cour d'appel a violé les articles 578 et 595 du code civil, ensemble, par fausse application, l'article 815-3 du code civil ;
3°/ que la nullité d'une stipulation qui n'est ni déterminante du consentement des parties pour le tout, ni indivisible des autres, laisse subsister les autres stipulations licites du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la stipulation par laquelle Mme Y... s'était vue reconnaître le droit de céder la parcelle était indivisible des autres stipulations ou déterminante du consentement des parties au contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que l'usufruitier peut, sans exigence de forme particulière, valablement accorder le droit à un tiers d'user d'un terrain relevant de son usufruit ; que Jean X... a donné, jusqu'à son décès, l'usage à titre gracieux des parcelles litigieuses à Mme Y... de sorte qu'en considérant pourtant que celle-ci était occupante sans droit ni titre depuis le 24 mars 2003 et en la condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que la convention litigieuse conférait à Mme Y... le droit de disposer de la parcelle en cause, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que, faute d'obligation de restitution, la qualification de prêt à usage devait être écartée ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé que Jean X... était propriétaire de la moitié et usufruitier pour le surplus, les juges du second degré ont retenu à bon droit que celui-ci ne pouvait autoriser Mme Y... ni à céder la parcelle ni à l'exploiter à vie, s'agissant d'actes de disposition requérant l'accord des nu-propriétaires, de sorte que l'acte du 24 mars 2003 devait être annulé ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, comme étant nouvelle et mélangée de fait, ainsi qu'en sa quatrième branche, contraire aux conclusions d'appel de Mme Y..., est pour le surplus mal fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la totalité de l'acte sous seing privé conclu le 24 mars 2003 entre feu M. Jean X... et Mme Y..., dit que Mme Y... était occupant sans droit ni titre depuis le 24 mars 2003, fixé à 300 € par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme Y... aux consorts X... à compter de cette date et jusqu'à libération effective des lieux et condamné Mme Y... à remettre les lieux en état à nu ;
AUX MOTIFS QUE le libellé de la convention parle bien d'un droit conféré par Maître Jean X... à Mme Y... de disposer de la parcelle en cause ; qu'il ne peut en conséquence être question d'un prêt à usage ou commodat : que la parcelle n° 136 faisait partie indivisément de la succession de Mme B... de sorte que M. X... père, propriétaire de la moitié et usufruitier pour le surplus, ne pouvait ni céder la parcelle, ni autoriser l'exploitation à vie, sans l'accord des indivisaires, s'agissant d'actes de dispositions, et ce, en application de l'article 815-3 du Code civil, dont l'application a à tort été écartée par les premiers juges ; que l'acte du 24 mars 2003 doit en conséquence être déclaré nul et de nul effet ; que l'expulsion de Mme Y... et la remise en état des lieux doivent être ordonnées ; qu'occupante sans droit ni titre depuis le 24 mars 2003, Mme Y... est nécessairement redevable d'une indemnité d'occupation, laquelle peut être chiffrée à 300 € par mois au vu de l'attestation du notaire Maître Edwige A... produite en appel ;
1°) ALORS QUE le commodat est le contrat par lequel une partie livre une chose à l'autre pour qu'elle puisse s'en servir, à charge de la lui rendre après usage ; qu'en considérant que le contrat du 24 mars 2003 ne constituait pas un commodat, cet acte, consenti par feu M. X..., « propriétaire », ayant pourtant conféré gratuitement à Mme Y... un droit d'exploitation de parcelles dont la propriété ne lui était pas transférée, motif pris qu'il évoquait aussi « un droit conféré par Maître Jean X... à Mme Y... de disposer de la parcelle en cause », la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1875 du Code civil ;
2°) ALORS QUE l'usufruitier, qui ne peut pas disposer du bien, peut en revanche en concéder l'usage ; qu'en considérant que M. X... ne pouvait pas autoriser l'exploitation de la parcelle litigieuse par Mme Y..., bien qu'il ne s'agisse ni d'un bail, ni d'un acte de disposition, et que les règles de l'indivision ne pouvaient pas faire échec à l'exercice de ses droits par l'usufruitier, la cour d'appel a violé les articles 578 et 595 du Code civil, ensemble, par fausse application, l'article 815-3 du Code civil ;
3°) ALORS QUE la nullité d'une stipulation qui n'est ni déterminante du consentement des parties pour le tout, ni indivisible des autres, laisse subsister les autres stipulations licites du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la stipulation par laquelle Mme Y... s'était vue reconnaître le droit de céder la parcelle était indivisible des autres stipulations ou déterminante du consentement des parties au contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'usufruitier peut, sans exigence de forme particulière, valablement accorder le droit à un tiers d'user d'un terrain relevant de son usufruit ; que M. Jean X... a donné, jusqu'à son décès, l'usage à titre gracieux des parcelles litigieuses à Mme Y... de sorte qu'en considérant pourtant que celle-ci était occupante sans droit ni titre depuis le 24 mars 2003 et en la condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.