LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société AGF ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., titulaire dans les livres de la société Banque de la Réunion (la banque) d'un compte ouvert le 21 août 2002, s'est vu consentir, en vertu d'offres préalables acceptées les 26 septembre 2002 et 3 novembre 2003, deux prêts, le premier personnel, d'un montant de 10 000 euros, le second affecté, d'un montant de 47 000 euros, remboursables tous deux par prélèvements mensuels sur ce compte lequel, ne comportant pas d'autorisation expresse de découvert, a fonctionné en situation définitivement débitrice à compter du 4 août 2004 ; qu'assigné, le 29 novembre 2006, en paiement des soldes exigibles des prêts après déchéance des termes prononcée le 9 août 2006 et du solde débiteur du compte clôturé à cette même date, M. X... a opposé à chacune des demandes de la banque, une fin de non-recevoir prise de l'expiration du délai biennal de forclusion ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir prise de la forclusion biennale et condamner M. X... à payer à la banque les sommes qu'elle réclamait au titre du prêt du 3 novembre 2003, l'arrêt retient que cette opération, dont le montant excède la somme de 21 500 euros, n'étant pas soumise de droit au régime de protection défini par le code de la consommation, ne l'est pas davantage par une manifestation de volonté non équivoque des parties laquelle ne saurait résulter du seul visa, dans les conditions générales jointes à ce contrat, au chapitre "contentieux", des dispositions relatives à ce régime de protection ;
Attendu qu'en statuant ainsi quand la clause "IV- Contentieux" des conditions générales du prêt, laquelle ne présente pas de discordance avec les conditions particulières qui s'y se réfèrent, stipulait "le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à raison de la défaillance du débiteur sont engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de prêt du 3 novembre 2003 ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, applicable en la cause ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le dépassement du montant maximum d'un découvert autorisé, même tacitement, doit être tenu pour un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion ;
Attendu que, pour accueillir l'action en recouvrement du solde débiteur du compte, l'arrêt relève que M. X... ne disconvenait pas avoir bénéficié d'une autorisation tacite de découvert pour en déduire que la forclusion n'avait pu commencer à courir avant le 9 août 2006, date de la clôture du compte, de sorte que la demande de la banque, introduite le 29 novembre suivant, était recevable ;
Qu'en se déterminant ainsi, quand elle avait constaté que le montant du découvert autorisé était limité à 4 000 euros, que le compte de dépôt de M. X... avait fonctionné en position débitrice à compter du mois d'août 2004 et que le montant de cette position débitrice avait invariablement dépassé le montant du découvert autorisé à compter du 30 septembre 2004, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la Banque de la Réunion les échéances impayées, le capital restant dû après la déchéance du terme, l'indemnité conventionnelle et les frais de contentieux dus au titre du prêt du 3 novembre 2003 ainsi que le découvert en compte, l'arrêt rendu le 17 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Banque de la Réunion aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, condamne la société Banque de la Réunion à payer à la SCP Roger et Sevaux la somme de 3 000 euros ;
Vu l'article 700 du code de procédure, rejette la demande de la société Banque de la Réunion ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à la Banque de la Réunion au titre du prêt en date du 3 novembre 2003 la somme de 14.836,50 euros au titre des échéances impayées, celle de 26.362,89 euros au titre du capital restant dû, outre les intérêts au taux conventionnel de 4,12 % jusqu'au complet paiement dont le montant s'élève à 931,72 euros au 9 août 2006 et enfin les sommes de 1.186,92 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de 8 % et de 296,13 euros au titre des frais de contentieux ;
Aux motifs que le prêt consenti à Monsieur X... le 3 novembre 2003 portant sur une somme de 45.000 euros en capital n'est pas de droit soumis aux dispositions du Code de la consommation, dès lors qu'il est d'un montant supérieur à 21.500 euros ; qu'il ne l'est pas davantage en vertu d'un accord des parties alors qu'il ne résulte en rien de la lecture du contrat de prêt produit, que les parties aient entendu soumettre volontairement cette opération au régime de protection définie par le Code de la consommation, le seul visa dans les conditions générales jointes à ce contrat au chapitre « contentieux » des dispositions relatives à ce régime de protection ne pouvant valoir manifestation de volonté dépourvue d'équivoque de la part des parties en ce sens ; que l'action en paiement de la Banque de la Réunion au titre de ce prêt n'est donc pas forclose ;
Alors, de première part, qu'il résulte des termes clairs et précis des conditions générales jointes au contrat de prêt que les parties avaient entendu que les dispositions issues du Code de la consommation et notamment le délai de forclusion de deux ans prévu à l'article L.331-37 du Code de la consommation soient applicables dans leurs relations ; qu'en déniant l'existence d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque de la part des parties de soumettre le contrat de prêt à dispositions des articles L.331-1 et suivants du Code de la consommation, la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
Et alors, subsidiairement, d'autre part qu'ayant ainsi constaté que les parties avaient visé les dispositions des articles L.331-1 et suivants du Code de la consommation dans les conditions générales jointes au contrat de prêt, la Cour d'appel ne pouvait refuser de faire application de celles-ci sans méconnaître la portée de ses propres constatations, ensemble les articles 1134 du Code civil et L.331-37 du Code de la consommation ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à la Banque de la Réunion au titre du solde débiteur du compte de dépôt la somme de 24.272,52 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2006 ;
Aux motifs que le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'ainsi, en cas de crédit tacitement consenti sous forme de découvert en compte, le point de départ du délai biennal de forclusion est la date à laquelle le solde débiteur est devenu exigible et donc … la date de la clôture du compte ; que d'ailleurs Monsieur X... ne disconvient pas, soutenant seulement, sans aucune justification d'aucune sorte et sur des moyens qui, n'étant nullement fondés en droit, doivent être rejetés, que dès lors que ce découvert dépassait « le plafond légal et d'ordre public assigné à tout crédit à la consommation par l'article L.311-1 du Code de la consommation » ( ?) soit si la Cour a bien compris, si le découvert dépassait la somme de 21.500 euros, ce dépassement marquait le point de départ du délai de forclusion et justifiait tout le moins que la banque soit déchu e de son droit à intérêts ; qu'or en l'espèce, la clôture du compte était intervenue le 9 août 2006 ; que l'action en paiement de la Banque de la Réunion au titre du solde débiteur du compte débiteur n'est donc pas forclose ; que Monsieur X... ne discutant pas plus avant le montant des sommes dont le paiement lui est demandé au titre de ce solde débiteur et qui sont justifiées par les documents produits, il sera condamné à verser à la Banque de la Réunion la somme de 24.272,52 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2006, date de la clôture du compte ;
Alors que, lorsque les parties sont convenues d'un découvert en compte d'un montant limité, le dépassement de ce découvert manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion ; que la Cour d'appel qui, à propos du contrat de prêt du 26 septembre 2002, a constaté que le montant du découvert autorisé était limité à 4.000 euros, que le compte de dépôt de Monsieur X... a fonctionné en position débitrice à compter du mois d'août 2004 et que le montant de cette position débitrice dépassera invariablement le montant du découvert autorisé à compter du 30 septembre 2004, ce dont il se déduisait que le délai de forclusion a couru à cette date, ne pouvait, alors qu'il résulte également de ses énonciations que l'assignation en paiement était du 29 novembre 2006, estimer que l'action de la banque n'était pas frappée de forclusion sans méconnaître la portée de ses propres énonciations et violé l'article L.331-37 du Code de la consommation ;