LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1849, alinéa 1, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 décembre 2010), que la société civile immobilière Le Jardin (la SCI), nue-propriétaire d'une maison sise à..., et les consorts X..., en leur qualité d'usufruitiers, ont signifié à Mme Y..., à laquelle avait été consenti un bail d'habitation, un congé de reprise pour vente ; que Mme Y... n'ayant ni accepté l'offre ni quitté les lieux, ceux-ci l'ont assignée aux fins notamment de voir ordonner son expulsion ;
Attendu que pour déclarer nul ce congé et débouter les propriétaires de leurs demandes, l'arrêt retient qu'en raison de la nature d'acte de disposition du congé comportant offre de vente, un tel congé pour être accompli par le gérant au nom de la SCI requiert l'autorisation des associés et que la maison d'habitation..., constituant le seul et unique immeuble de la SCI, son seul actif, sa vente excède incontestablement les pouvoirs reconnus au gérant d'une société civile ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure que le congé de reprise pour vente entre dans l'objet social, et alors qu'elle avait relevé qu'au paragraphe " Pouvoir des gérants ", les statuts de la SCI stipulaient que " de convention expresse, ne nécessiteront pas l'autorisation des associés, les achats, les ventes, l'apport ou l'échange d'immeubles ", la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, la société Le Jardin et les consorts X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 7 mars 2007 à Mme Jeannette Y... veuve X... et débouté la S. C. I. LE JARDIN et les consorts X... de l'intégralité de leurs prétentions,
AUX MOTIFS PROPRES QUE le congé comportant une offre de vente doit être donné par les nus-propriétaires s'agissant d'un acte de disposition dans la mesure où l'acceptation de l'offre par le locataire vaut vente ; qu'en l'espèce, le congé pour vendre du 7 mars 2007 a bien été délivré à Mme Jeannette Y... veuve X... à la requête de la S. C. I. LE JARDIN, nue-propriétaire de la maison située... consécutivement à la transmission qui lui a été faite de cette nue-propriété par les époux Fernand X.../ Yvette Z... et M. Richard X... suivant acte authentique des 6 et 10 mars 1998, ainsi que par M. Fernand X..., Mme Yvette Z... épouse X... et M. Richard X..., demeurés usufruitiers de ce même immeuble ; que la S. C. I. LE JARDIN a été représentée en cet acte par son gérant en exercice, M. Fernand X... ; que Mme Y... dénie toute capacité à M. Fernand X... pour représenter en l'état la société civile immobilière faute de mandat délivré par les associés ; que tenant la nature d'acte de disposition du congé comportant une offre de vente, un tel congé pour être accompli par le gérant au nom de la société civile immobilière requiert l'autorisation des associés consentants ; que si les statuts de la société civile immobilière LE JARDIN font apparaître en leur page 9 au paragraphe Pouvoir des gérants que « De convention expresse... ne nécessiteront pas l'autorisation des associés,... : les achats, les ventes, l'apport ou l'échange d'immeubles », il n'en demeure pas moins que la maison d'habitation... constitue le seul et unique immeuble de la S. C. I. LE JARDIN, son seul actif et que sa vente excède incontestablement les pouvoirs reconnus au gérant d'une société civile ; que la S. C. I. LE JARDIN ne communique pas aux débats un procès-verbal d'assemblée générale portant autorisation donnée au gérant Fernand X... par les associés pour délivrer congé comportant une offre de vente et donc en cas d'acceptation de l'offre par le locataire valant vente ; que si l'on peut admettre que M. Richard X..., tout à la fois usufruitier de la maison d'habitation occupée par Mme Jeannette Y...- X... et associé de la S. C. I. LE JARDIN tant pour les parts résultant de la transmission de son usufruit (sic) sur l'immeuble occupé nue-propriété de la S. C. I. que pour les parts que ses parents lui ont cédés suivant la donation-partage du 23 mai 2003, qui a délivré congé en sa qualité d'usufruitier aux côté de la S. C. I. LE JARDIN, a effectivement autorisé le gérant de la S. C. I. LE JARDIN, société nue-propriétaire, à délivrer un tel congé, aucun élément ne permet d'accréditer le consentement des autres associés ou porteurs de parts ; qu'en effet, suivant donation-partage du 23 mai 2003, M. Fernand X... et Mme Yvette Z..., son épouse, ont cédé à leurs cinq enfants, Daniel, Pierre, Chantal, Richard et Thierry X... les 192 parts dont ils étaient titulaires dans la S. C. I. LE JARDIN ; que si la S. C. I. LE JARDIN s'interroge sur la qualité d'associés des quatre enfants de M. Pierre X..., venant en représentation de leur père décédé le 25 octobre 2005, il n'en demeure pas moins d'une part, que ces enfants sont toujours propriétaires des parts dans la société, d'autre part, en tout état de cause, que l'autorisation des associés Daniel X..., Thierry X... et Chantal X... épouse B... n'a pas été sollicitée et en tout cas n'est pas produite ; que dès lors, il ne peut être considéré que le gérant Fernand X... avait capacité à représenter, faute de justifier d'un mandat des associés, la S. C. I. LE JARDIN pour délivrer congé avec offre de vente à Mme Jeannette Y... épouse X... ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a, en l'absence de preuve rapportée du consentement de l'ensemble des détenteurs de parts sociales de la S. C. I. LE JARDIN, déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 7 mars 2007 à Mme Jeannette Y... épouse X... ;
ET AUX MOTIFS, REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE Mme Jeannette Y... veuve X... est locataire d'un immeuble sis ...
... selon bail verbal ; que le 7 mars 2007, les demandeurs lui ont notifié un congé pour vendre ; que Mme Y... veuve X... n'ayant pas répondu dans le délai de deux mois pour se porter acquéreur de l'immeuble, les consorts X... lui ont délivré une assignation aux fins de voir valider le congé et de voir prononcer son expulsion ; qu'aux termes des statuts de la société civile immobilière (S. C. I.) LE JARDIN, en date des 6 et 10 mars 1998, il est indiqué que cette société sera propriétaire du bien apporté à compter du jour où elle aura acquis la personnalité morale par son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, mais n'en aura la jouissance qu'à compter du jour du décès des apporteurs qui se réservent leur vie durant l'usufruit de tous les biens apportés ; que, cependant, un acte de donation est intervenu les 23 mai et 13 juin 2003 aux termes duquel M. Fernand X... et Mme Yvette Z... épouse X... ont fait donation à leurs enfants des parts sociales détenues dans diverses sociétés immobilières (S. C. I.) ; que, dans l'acte de donation, il est mentionné en page 9 qu'il est attribué à M. Pierre Louis Albert X... 192 parts de la société civile immobilière (S. C. I.) LE JARDIN ; que M. Pierre Louis Albert X... est décédé le 25 octobre 2005, laissant quatre enfants, dont deux mineurs ; que les enfants de ce dernier ont donc hérité des parts de leur père dans la société civile immobilière (S. C. I.) LE JARDIN ; que le congé pour vente doit être considéré comme un acte de disposition qui devait en conséquence être accompli avec le consentement de l'ensemble des détenteurs de parts sociales de la société civile immobilière (S. C. I.) LE JARDIN, soit les demandeurs, mais également les enfants majeurs et mineurs de M. Pierre Louis Albert X... ; qu'en conséquence, il convient de déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 7 mars 2007 à Mme Y... veuve X... ; qu'il convient de débouter les demandeurs de l'intégralité de leurs prétentions ;
ALORS, D'UNE PART, QUE dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social ; qu'en déclarant le congé pour vendre nul et de nul effet, à la demande de la locataire, après avoir constaté que « les statuts de la société civile immobilière LE JARDIN font apparaître en leur page 9 au paragraphe Pouvoir des gérants que ‘ De convention expresse... ne nécessiteront pas l'autorisation des associés,... : les achats, les ventes, l'apport ou l'échange d'immeubles', sans rechercher s'il n'en résultait pas que les ventes d'immeubles entraient dans l'objet social de la société civile immobilière LE JARDIN, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1849 du Code civil ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'en déclarant le congé pour vendre nul et de nul effet, à la demande de la locataire, après avoir relevé que « les statuts de la société civile immobilière LE JARDIN font apparaître en leur page 9 au paragraphe Pouvoir des gérants que ‘ De convention expresse... ne nécessiteront pas l'autorisation des associés,... : les achats, les ventes, l'apport ou l'échange d'immeubles'», en ce que la vente de l'immeuble considéré, constituant le seul actif de la S. C. I, aurait excédé les pouvoirs reconnus au gérant d'une société civile, la Cour d'appel a méconnu la force obligatoire des statuts de la société civile immobilière LE JARDIN et, par suite, violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1849 du même Code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 7 mars 2007 à Mme Jeannette Y... veuve X... et débouté la S. C. I. LE JARDIN et les consorts X... de l'intégralité de leurs prétentions,
AUX MOTIFS PROPRES QUE si l'on peut admettre que M. Richard X..., tout à la fois usufruitier de la maison d'habitation occupée par Mme Jeannette Y...- X... et associé de la S. C. I. LE JARDIN tant pour les parts résultant de la transmission de son usufruit (sic) sur l'immeuble occupé nue-propriété de la S. C. I. que pour les parts que ses parents lui ont cédés suivant la donation-partage du 23 mai 2003, qui a délivré congé en sa qualité d'usufruitier aux côté de la S. C. I. LE JARDIN, a effectivement autorisé le gérant de la S. C. I. LE JARDIN, société nuepropriétaire, à délivrer un tel congé, aucun élément ne permet d'accréditer le consentement des autres associés ou porteurs de parts ; qu'en effet, suivant donation-partage du 23 mai 2003, M. Fernand X... et Mme Yvette Z..., son épouse, ont cédé à leurs cinq enfants, Daniel, Pierre, Chantal, Richard et Thierry X..., les 192 parts dont ils étaient titulaires dans la S. C. I. LE JARDIN ; que l'autorisation des associés Daniel X..., Thierry X... et Chantal X... épouse B... n'a pas été sollicitée et en tout cas n'est pas produite ; que dès lors, il ne peut être considéré que le gérant Fernand X... avait capacité à représenter, faute de justifier d'un mandat des associés, la S. C. I. LE JARDIN pour délivrer congé avec offre de vente à Mme Jeannette Y... épouse X... ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a (...) déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 7 mars 2007 à Mme Jeannette Y... épouse X... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'acte de donation partage du 23 mai 2003 énonce (p. 8) qu'« il est attribué à Monsieur Pierre X..., qui accepte expressément, le lot suivant, ainsi composé … 192 parts numérotées de 1 à 192 d'une valeur de 150, 85 euros chacune de la SCI dénommée « Le Jardin » ; qu'il résulte clairement et sans ambiguïté de cet acte qu'à cette date, antérieure au congé pour vendre, les époux X... avaient fait don à leur fils Pierre X... de la totalité des 192 parts sociales de la S. C. I. LE JARDIN qui leur appartenaient ; qu'en énonçant, à l'appui de sa décision, que « suivant donation-partage du 23 mai 2003, M. Fernand X... et Mme Yvette Z..., son épouse, ont cédé à leurs cinq enfants, Daniel, Pierre, Chantal, Richard et Thierry X..., les 192 parts dont ils étaient titulaires dans la S. C. I. LE JARDIN », et que « l'autorisation des associés Daniel X..., Thierry X... et Chantal X... épouse B... n'a pas été sollicitée et en tout cas n'est pas produite », la Cour d'appel a dénaturé l'acte de donation-partage du 23 mai 2003, violant par suite l'article 1134 du Code civil ;
AUX MOTIFS PROPRES, EGALEMENT, QU'aucun élément ne permet d'accréditer le consentement des porteurs de parts autres que M. Richard X... ; que, spécialement, si la S. C. I. LE JARDIN s'interroge sur la qualité d'associés des quatre enfants de M. Pierre X..., venant en représentation de leur père décédé le 25 octobre 2005, il n'en demeure pas moins que ces enfants sont toujours propriétaires des parts dans la société ; que dès lors, il ne peut être considéré que le gérant Fernand X... avait capacité à représenter, faute de justifier d'un mandat des associés, la S. C. I. LE JARDIN pour délivrer congé avec offre de vente à Mme Jeannette Y... épouse X... ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a, en l'absence de preuve rapportée du consentement de l'ensemble des détenteurs de parts sociales de la S. C. I. LE JARDIN, déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 7 mars 2007 à Mme Jeannette Y... épouse X... ;
ET AUX MOTIFS, REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE, dans l'acte de donation, il est mentionné en page 9 qu'il est attribué à M. Pierre Louis Albert X... 192 parts de la société civile immobilière (S. C. I.) LE JARDIN ; que M. Pierre Louis Albert X... est décédé le 25 octobre 2005, laissant quatre enfants, dont deux mineurs ; que les enfants de ce dernier ont donc hérité des parts de leur père dans la société civile immobilière (S. C. I.) LE JARDIN ; que le congé pour vente doit être considéré comme un acte de disposition qui devait en conséquence être accompli avec le consentement de l'ensemble des détenteurs de parts sociales de la société civile immobilière (S. C. I.) LE JARDIN, soit les demandeurs, mais également les enfants majeurs et mineurs de M. Pierre Louis Albert X... ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés ; que les statuts d'une société civile peuvent subordonner la qualité d'associé des héritiers d'un associé décédé à leur agrément ; que les héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés ont droit à la valeur des parts sociales de leur auteur déterminée au jour du décès mais ne participent ni aux bénéfices ni aux décisions sociales ; que les statuts de la S. C. I. LE JARDIN stipulent en ce sens qu'en cas de décès d'un associé, les héritiers ou légataires qui n'ont pas déjà la qualité d'associé doivent solliciter leur agrément et, à défaut de devenir associé, n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1852 du Code civil, ensemble les articles 1134, 1870 et 1870-1 du même Code.