LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2011), que M. et Mme X... sont propriétaires d'une parcelle située dans le massif de la Sainte-Baume sur le territoire de la commune de Plan d'Aups et traversée par un sentier forestier ; qu'en 2009, la commune, en vue de prévenir les incendies de forêt, a réalisé des travaux de débroussaillement et d'élargissement du sentier ; que se plaignant d'une atteinte à leur droit de propriété, M. et Mme X... ont assigné la commune devant le juge des référés afin de faire constater la commission d'une voie de fait et obtenir une provision en vue de la remise en état des lieux ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient qu'il est établi que le chemin de l'Ubac est une piste à usage de défense de la forêt contre les incendies, figurant au plan interdépartemental de débroussaillement et d'aménagement forestier, que la commune avait reçu instruction du service d'incendie et de secours du Var, à la suite d'un compte rendu de visite du 2 avril 2002, d'assurer son traitement en priorité en procédant notamment à son débroussaillage et à son élargissement, que la commune ne justifie pas avoir avisé M. et Mme X... du fait qu'elle allait réaliser des travaux sur leur propriété et que ces travaux n'ont pas été exécutés dans le respect de la végétation environnante et de la nature des sols, que cependant ils s'inscrivent à l'évidence dans le cadre des différentes actions de lutte contre l'incendie qu'il appartient à la commune de mener et ne peuvent dès lors être considérés comme insusceptibles de se rattacher à un pouvoir dont disposait l'administration ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que la commune était bénéficiaire d'une servitude de passage et d'aménagement établie par arrêté préfectoral ou avait mis en oeuvre une procédure lui permettant d'engager les travaux en matière de prévention des incendies de forêt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la commune de Plan d'Aups aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Plan d'Aups à payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune de Plan d'Aups ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et rejeté la demande des époux X... tendant à voir dire que la commune de Plan d'Aups avait commis une voie de fait ;
AUX MOTIFS QUE « il n'est plus contesté que la commune de Plan d'AUPS est l'auteur des travaux litigieux qu'elle indique avoir réalisés dans le cadre de ses pouvoirs de police afin d'assurer la sécurité contre les incendies dans une zone sensible ; qu'il est effectivement établi par la production aux débats de très nombreux documents dont un courrier de la direction départementale du Var, service environnement et forêt, adressé à Madame X..., le 3 janvier 2011, que le Chemin de l'UBAC est une piste à usage DFCI, figurant au plan interdépartemental de débroussaillement et d'aménagement forestier (PITAF) ; la commune de PLAN D'AUPS justifie qu'elle avait reçu instruction du Service départemental d'incendie et de secours du Var (SDIS) à la suite d'un compte rendu de visite en date du 5 avril 2002, d'assurer son traitement en priorité en procédant notamment à son débroussaillage et son élargissement ; en application des dispositions de l'article R.321-14-1 du Code forestier relatives aux servitudes DFCI, lorsque des aménagements sont nécessaires, il appartient à la commune, bénéficiaire de la servitude, d'aviser le propriétaire de chacun des fonds concernés au moins dix jours avant le commencement des travaux, par lettre recommandée avec avis de réception ; en l'espèce, la commune de PLAN D'AUPS ne justifie nullement avoir avisé Monsieur Richard X... et Mme Nathalie X... du fait qu'elle allait réaliser des travaux sur la piste traversant leur propriété ; par ailleurs, le rapport établi par la coopérative PROVENCE FORET atteste que pour le moins les travaux n'ont pas été exécutés dans le respect de la végétation environnante et de la nature de sols ; cependant, pour être caractérisée, la voie de fait exige la méconnaissance délibérée du droit de propriété d'autrui dans le cadre de la réalisation d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont disposait l'administration ; les travaux réalisés par la commune de PLAN D'AUPS s'inscrivent à l'évidence dans le cadre des différentes actions de lutte contre l'incendie qu'il lui appartient de mener et ne peuvent dès lors être considérées comme étant insusceptibles de se rattacher à un pouvoir dont elle disposait ; en conséquence, aucune voie de fait n'apparaît caractérisée à l'encontre de la commune du PLAN d'AUPS » ;
1°) ALORS QUE la prise de possession sans titre par une commune d'un terrain privé porte une atteinte grave aux droits du propriétaire du terrain, est manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration et constitue une voie de fait ; que la servitude permettant l'aménagement des pistes de défense des forêts contre les incendies n'existe pas tant que n'est pas pris un arrêté préfectoral l'instaurant ; qu'en énonçant, pour écarter la voie de fait et dire n'y avoir lieu à référé, que les travaux réalisés sur la parcelle des époux X... par la commune du PLAN D'AUPS l'avaient été en vertu d'une servitude légale et qu'ils « s'inscrivent à l'évidence dans le cadre des différentes actions de lutte contre l'incendie qu'il lui appartient de mener », sans rechercher, comme elle y était invitée, si un arrêté préfectoral était intervenu pour instaurer au profit de la commune une servitude lui donnant un titre pour réaliser ses travaux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 809 du Code de procédure civile et 544 et 545 du Code civil ;
2°) ALORS QUE les juges du fond ne sauraient dénaturer l'objet du litige, tel qu'il est défini par les conclusions des parties ; que dans ses conclusions, la commune du PLAN D'AUPS se bornait à soutenir, pour contester la qualification de voie de fait aux travaux qu'elle a entrepris, qu'elle était titulaire d'une servitude légale ; qu'en énonçant cependant qu'elle indiquait avoir réalisé les travaux litigieux « dans le cadre de ses pouvoirs de police», la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent, sans méconnaître le principe du contradictoire soulever un moyen d'office sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point ; que dans ses conclusions, la commune du PLAN D'AUPS se bornait à soutenir, pour contester la qualification de voie de fait aux travaux qu'elle a entrepris, qu'elle était titulaire d'une servitude légale ; qu'en énonçant, pour écarter la voie de fait, et dire n'y avoir lieu à référé, que « les travaux réalisés par la commune de PLAN D'AUPS s'inscrivent à l'évidence dans le cadre des différentes actions de lutte contre l'incendie qu'il lui appartient de mener », la Cour d'appel s'est appuyée non pas sur la seule servitude invoquée par la commune mais sur l'ensemble des pouvoirs lui permettant de procéder à l'aménagement et l'entretien des pistes de défense des forêts contre les incendies, soulevant ainsi d'office un moyen de droit, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, et a ainsi violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la prise de possession sans titre par une commune d'un terrain privé porte une atteinte grave aux droits du propriétaire du terrain, est manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration et constitue une voie de fait ; qu'une Commune ne peut réaliser des travaux sur les pistes de défense des forêts contre les incendies constituant des parcelles privées qu'en vertu d'une servitude légale créée par arrêté préfectoral ou d'une déclaration d'utilité publique de tels travaux ; qu'en énonçant, pour écarter la voie de fait, et dire n'y avoir lieu à référé, que le chemin de l'UBAC est une piste à usage DFCI figurant au plan départemental de débroussaillement et d'aménagement forestier et que la commune avait reçu instruction du service départemental d'incendie et de secours du Var de 2002 d'assurer son traitement en priorité en procédant à son débroussaillage et son élargissement, et que « les travaux réalisés par la commune de PLAN D'AUPS s'inscrivent à l'évidence dans le cadre des différentes actions de lutte contre l'incendie qu'il lui appartient de mener », la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants à justifier, par un titre, la réalisation des travaux entrepris sur la parcelle des époux X... par la commune du PLAN D'AUPS et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 545 du Code civil et 809 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'une décision ou son exécution entachées d'une irrégularité grossière ; que la Cour d'appel a relevé que le rapport établi par la coopérative PROVENCE FORET atteste que pour le moins les travaux n'ont pas été exécutés dans le respect de la végétation environnante et de la nature de sols et qu'en outre la commune de PLAN D'AUPS ne justifie nullement avoir avisé Monsieur Richard X... et Madame Nathalie X... du fait qu'elle allait réaliser des travaux sur la piste traversant leur propriété ; qu'en considérant néanmoins qu'aucune voie de fait n'était caractérisée, la Cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 544 et 545 du Code civil et 809 du Code de procédure civile.