LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1134 et 1176 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 octobre 2011), que par acte sous seing privé du 29 décembre 1998, Mme X..., veuve Y..., M. Edgard Y... et Mme Gisèle Y... (les consorts Y...) ont promis de vendre un immeuble à M. Z..., la vente étant soumise à la réalisation de plusieurs conditions suspensives ; que les consorts Y... ayant vendu l'immeuble à un tiers le 5 juillet 2007, M. Z... et la SCI Robert Z... patrimoine les ont assignés en réalisation judiciaire de la vente ;
Attendu que pour débouter M. Z... et la SCI Robert Z... patrimoine de leur demande, l'arrêt retient notamment que la défaillance de la condition suspensive contenue dans la promesse de substitution a fait défaillir la condition suspensive contenue dans le compromis de vente du 29 décembre 1998 relative à l'édification d'une construction à usage commercial d'une surface de 3 600 m ² de SHON, que les conditions suspensives du compromis ont défailli le 23 mai 2000 et qu'il importe peu que, postérieurement, M. Z... ait déclaré renoncer aux conditions suspensives stipulées dans son seul intérêt, une telle renonciation ne pouvant s'effectuer qu'antérieurement à la défaillance des conditions ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs qui ne suffisent pas à établir qu'il était devenu certain que la réalisation de la condition n'aurait pas lieu, et alors que l'acte du 29 décembre 1998 n'avait enfermé la réalisation de celle-ci et la réitération de la vente par acte authentique dans aucun délai, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne solidairement les consorts Y... à payer la somme de 2 500 euros à M. Z... et à la SCI RH patrimoine ; rejette la demande des consorts Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille treize, signé par M. Terrier, président, et par M. Dupont, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. Z... et autre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Z... et la SCI Robert Z... Patrimoine de leurs demandes tendant à voir constater le caractère parfait et définitif de la vente conclue avec les consorts Y... portant sur l'immeuble cadastré section DE, numéro 42, d'une contenance de 48 a 70 ca et situé à Kéranguen moyennant le prix principal de 328. 192, 24 euros TTC,
AUX MOTIFS QUE compte tenu de l'acte qu'il a conclu le 22 novembre 1999 avec la société PORFRANCE, Monsieur Z... ne peut sérieusement soutenir avoir toujours su que la modification du PLU serait nécessaire pour mener à bien son projet de réaliser un ensemble immobilier à usage commercial ; qu'en effet, le 22 novembre 1999 a été conclu entre Monsieur Z..., son épouse et la société Porfrance une promesse de substitution sous les mêmes conditions suspensives que le compromis du 29 décembre 1998 sauf pour la taille de l'ensemble immobilier prévu, très inférieure à celle mentionnée au compromis, puisque la condition est relative à la possibilité d'édifier une construction à usage commercial d'une surface de vente minimum de 800 m ² avec en sous-sol un local de stockage de 1. 000 m ² ; qu'il était cette fois-ci prévu un délai pour la réalisation des conditions suspensives et une demande d'autorisation va être déposée à la CDEC qui le 23 mai 2000 rendra une décision de refus au motif que « l'emplacement choisi par le pétitionnaire pour l'implantation de son projet s'avère inapproprié en ce qui concerne sa desserte routière » ; que ce refus fera défaillir la condition suspensive contenue dans la promesse de substitution et les parties en tireront toutes conséquences quant à sa caducité ; qu'il a toutefois fait aussi défaillir la condition suspensive contenue au compromis de vente du 29 décembre 1998 et relative à l'édification d'une construction à usage commercial d'une surface de 3. 600 m ² de SHON ; qu'en effet, si l'accès routier a été considéré comme insuffisant pour 800 m ² de surface commerciale, a fortiori le serait-il pour une construction de 3. 600 m ², dont les occupants n'obtiendraient jamais l'autorisation d'exploiter, réduisant ainsi à néant tout projet de construction ou toute possibilité d'obtenir « les financements bancaires habituels en matière de promotion immobilière » ; que tel est le motif pour lequel Monsieur Z... ne peut plus justifier de la moindre démarche entre cette date et 2006, soit postérieurement à la modification du PLU, laquelle lui a fait reprendre espoir de mener à bien son projet ; que toutefois, les conditions suspensives du compromis ayant défailli le 23 mai 2000, il ne pouvait les faire renaître postérieurement au prétexte d'une modification de l'environnement économique non envisagée lors de la conclusion du contrat conclu avec les consorts Y... ; que pour leur part, ces derniers avaient eu connaissance de la promesse de substitution puisque Monsieur Z... avait cherché à la leur faire approuver ainsi que de sa caducité ultérieure puisque l'autorisation du juge commissaire à la liquidation judiciaire de Monsieur Edgar Y... avait été accordée et que les fonds de sa quote-part étaient attendus pour désintéresser les créanciers ; que dès lors, sachant que la création d'une surface commerciale ne serait pas autorisée sur leur propriété et qu'ainsi, la principale condition suspensive du compromis avait défailli, les consorts Y... pouvaient sans faute, vendre leur bien à un tiers plusieurs années plus tard, n'ayant pas à mettre préalablement en demeure l'acquéreur de réaliser une vente dont ils savaient les conditions impossibles à mettre en oeuvre ; qu'enfin, il importe peu que postérieurement, lors de la délivrance de l'assignation, Monsieur Z... ait déclaré renoncer aux conditions suspensives stipulées dans son seul intérêt, une telle renonciation ne pouvant s'effectuer qu'antérieurement à la défaillance des conditions, lesquelles, ainsi qu'il a déjà été spécifié, ne pouvant renaître ensuite ;
1°- ALORS QUE les consorts Y..., qui demandaient la confirmation du jugement de première instance, ne soutenaient en aucune façon que la promesse de vente serait devenue caduque à la date du 23 mai 2000 à raison de la défaillance consommée à cette date de la condition suspensive dont la promesse était assortie, mais soutenaient seulement que cette condition ne s'était pas réalisée par la faute de l'acquéreur, qui n'avait pas fait les démarches nécessaires pour que les conditions puissent être satisfaites ; qu'en relevant d'office que la condition suspensive relative à la construction d'une surface commerciale avait irrémédiablement défailli le 23 mai 2000 et entraîné dans le même mouvement la caducité de la promesse à cette date, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile ;
2°- ALORS QUE lorsqu'une condition est stipulée dans l'intérêt exclusif de l'une des parties, seule celle-ci peut se prévaloir des conséquences juridiques de la défaillance de cette condition ; qu'en décidant que les consorts Y... étaient fondés à se prévaloir de la défaillance des conditions suspensives stipulées à la promesse sans rechercher si, comme il était soutenu, ces conditions n'avaient pas été stipulées dans le seul intérêt de l'acquéreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1176 du Code civil ;
3°- ALORS QUE lorsqu'aucun terme n'est fixé pour la réalisation de la vente, la défaillance d'une condition suspensive stipulée dans l'intérêt du seul acquéreur n'entraîne pas de plein droit caducité de la promesse, l'acquéreur pouvant toujours y renoncer et la renonciation pouvant intervenir après que la condition a défailli ; qu'en déboutant les acquéreurs de leur demande tendant à voir ordonner la réitération de la vente, au motif qu'il « importait peu que postérieurement, lors de la délivrance de l'assignation, Monsieur Z... ait déclaré renoncer aux conditions suspensives stipulées dans son seul intérêt, une telle renonciation ne pouvant s'effectuer qu'antérieurement à la défaillance des conditions », la cour d'appel a violé l'article 1176 du code civil ;
4°- ALORS au surplus QUE lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps non fixe, la condition peut toujours être accomplie et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas ; que la circonstance qu'une condition ne peut être réalisée à une certaine date n'implique pas qu'il est certain qu'elle ne se réalisera jamais ; qu'en se bornant à constater qu'à la date du 23 mai 2000, une autorisation d'urbanisme avait été refusée à raison du caractère insuffisant de la desserte du terrain, pour en déduire que la condition afférente avait défailli le même jour, sans rechercher si, comme il était soutenu, la révision en cours du plan local d'urbanisme, finalement approuvée en 2005 et qui avait effectivement permis la création d'un giratoire indispensable à la desserte du terrain, ne permettait pas d'espérer que se concrétise la condition suspensive relative à cette desserte, la cour d'appel qui n'a pas constaté non plus qu'il était certain que ladite condition ne réaliserait jamais, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1176 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Z... et la SCI Robert Z... Patrimoine à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 5. 000 euros à Madame Thérèse Y..., la somme de 3. 000 euros à Madame Gisèle Y... et la somme de 3. 000 euros à Monsieur Edgar Y... ;
AUX MOTIFS QUE l'assignation délivrée par Monsieur Z... et la SCI RH Patrimoine a été publiée, engendrant une immobilisation du bien des défendeurs, qui justifient ainsi du préjudice que leur a causé l'action des appelants ;
ALORS QU'en statuant par ces seuls motifs, sans caractériser une faute qu'auraient commis les demandeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.