LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que MM. X... et Y..., qui avaient reçu l'investiture du Front national pour les élections régionales de mars 1992 et mars 1998, se sont engagés, par contrats des 20 décembre 1991 et 4 février 1992, dans le cas où ils seraient élus, à rembourser au parti la quote-part des dépenses non directement liées à la campagne dans leur circonscription mais engagées au plan national par le Front national relativement aux élections à venir s'élevant respectivement à 324 000 francs et 180 000 francs, remboursables sous forme de règlements mensuels ; qu'après avoir exécuté ces engagements jusqu'en janvier 1999, ils ont invoqué la nullité des contrats pour cause illicite et ont sollicité le remboursement des sommes versées ;
Sur le premier moyen :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que le Front national fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser les sommes versées par MM. X... et Y..., alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a dénaturé les contrats litigieux dont il résultait clairement que la cause de l'engagement des candidats n'était pas leur investiture par le Front national mais leur participation aux dépenses engagées par ce parti au plan national pour permettre leur élection et qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, l'association Front national a fait valoir, en produisant des attestations du secrétaire général du parti, qu'aux dates des contrats conclus avec MM. Y... et X..., ceux-ci avaient déjà officiellement reçu l'investiture du Front national qui ne pouvait donc pas constituer la cause de ces contrats et qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°/ que la loi civile et la loi fiscale s'appliquent toutes deux à des faits, toute qualification juridique se définissant à partir de la réunion d'éléments de fait, que le juge civil doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; qu'en l'espèce, il a été mis fin aux contrats litigieux presque immédiatement après leur conclusion et il leur a été substitué une contribution volontaire présentant le caractère d'un don, dès lors que les versements mensuels donnaient lieu à la délivrance par l'association Front national de reçus fiscaux de dons, qu'ils étaient enregistrés comme tels dans la comptabilité de l'association et qu'ils ont été interrompus en 1999 lorsque MM. Y... et X... ont quitté le Front national, que MM. Y... et X... ne sauraient donc, en conséquence de la nullité prétendue des contrats litigieux, se voir accorder la restitution des sommes ainsi versées à titre de don sans méconnaître le principe de l'irrévocabilité des donations et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 894 et 1134 du code civil ;
4°/ que même en considérant que les sommes versées l'avaient été en exécution des contrats litigieux prétendument entachés de nullité, MM. Y... et X... ayant ainsi bénéficié de la réduction d'impôt sur le revenu attaché aux dons faits par à une association de financement électoral prévue par l'article 200, 2 bis, du code général des impôts, ils ne pouvaient se voir accorder le remboursement de ces sommes par l'association Front national sans bénéficier d'un enrichissement sans cause, que sous déduction des réductions d'impôts obtenues, que MM. Y... et X... ayant refusé de produire leurs « déclarations de revenus et avertissements fiscaux » de 1992 à 1999 malgré la sommation de communiquer qui leur a été délivrée par l'association Front national, ceux-ci devaient être déboutés de l'intégralité de leur demande de restitution et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a, à tout le moins, violé les articles 1235 et 1376 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes des conventions des 20 décembre 1991 et 4 février 1992 rendait nécessaire, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que la cause déterminante de ces conventions, et des versements les accompagnant, n'était pas la participation des candidats aux dépenses électorales engagées au plan national par le Front national mais leur investiture à une élection politique ; qu'elle en a déduit à bon droit qu'une telle cause était illicite comme portant sur un objet hors du commerce, peu important que les versements litigieux aient pu être qualifiés de « dons » par le Front national ;
Attendu, ensuite, que les déductions fiscales dont ont pu bénéficier MM. Y... et X..., qui ne valent que dans leurs rapports avec l'administration fiscale, sont sans incidence sur l'obligation à restitution des sommes versées, conséquence directe de la nullité des conventions litigieuses ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Le Front national aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour l'association Le Front national.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Messieurs Y... et X..., aux motifs que « c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que M. François Y... et M. Christian X... invoquant non pas un vice du consentement, mais l'illicéité de la cause des conventions, nullité absolue, l'action est soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil »,
alors que Messieurs Y... et X... ne demandaient pas seulement la nullité des conventions mais également la restitution des sommes versées en exécution de celles-ci, que cette demande en restitution se prescrit par cinq ans et qu'en écartant la fin de non-recevoir opposée par l'association FRONT NATIONAL et tirée de la prescription, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que les conventions étaient fondées sur une cause illicite les entachant de nullité absolue et a condamné l'association FRONT NATIONAL à payer à Monsieur Y... la somme de 31. 221 € et à Monsieur X... celle de 36. 968, 12 €,
aux motifs que « par contrats du 20 décembre 1991 pour M. Christian X... et du 4 février 1992 pour M. François Y..., ceux-ci, candidats de l'association le FRONT NATIONAL aux élections régionales du 22 mars 1992, s'étaient engagés, en cas de succès, à verser à l'association, sous forme de règlements mensuels, une somme de 324. 000 francs pour M. Christian X... et 180. 000 francs pour M. François Y..., montant des dépenses engagées par elle au plan national, mais non directement liées à la campagne menée dans la circonscription considérée » ; que « la cause déterminante de l'engagement souscrit par les intimés, sous forme de « reconnaissance de dette », n'est pas la contrepartie d'une obligation de remboursement liée aux dépenses de campagne, au demeurant non justifiées, engagées par l'appelante au plan national, mais est en réalité, l'investiture des candidats par l'association le FRONT NATIONAL et l'exercice des fonctions électives sous son étiquette, et doit être considérée comme illicite comme portant sur un objet hors du commerce au sens de l'article 1128 du code civil » ; que « toute violation d'une loi impérative au sens de l'article 6 du code civil, entraîne la nullité d'un contrat » ; que « le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la convention, fondée sur une cause illicite par application de l'article 1133 du code civil, l'entache de nullité absolue » ;
1°) alors que la Cour d'appel a dénaturé les contrats litigieux dont il résultait clairement que la cause de l'engagement des candidats n'était pas leur investiture par le FRONT NATIONAL mais leur participation aux dépenses engagées par ce parti au plan national pour permettre leur élection et qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) alors que, dans ses conclusions d'appel, l'association FRONT NATIONAL a fait valoir, en produisant des attestations du secrétaire général du parti, qu'aux dates des contrats conclus avec Messieurs Y... et X..., ceux-ci avaient déjà officiellement reçu l'investiture du FRONT NATIONAL qui ne pouvait donc pas constituer la cause de ces contrats et qu'en ne répondant pas à ce moyen, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ;
et aux motifs que « la circonstance que le mandataire financier de l'association le FRONT NATIONAL ait délivré un reçu fiscal, destiné à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à l'administration fiscale, correspondant selon elle, aux « dons » versés par les intimés au profit du financement de ladite association en vertu de l'article 200-2 bis du code général des impôts et que ceux-ci aient espéré, ou profité des avantages fiscaux, sous forme de réductions d'impôts, réservés aux donateurs et cotisants effectuant des versements à titre définitif et sans contrepartie, fussent-ils établis, est inopérante, au regard de l'autonomie et du réalisme du droit fiscal » ;
3°) alors que la loi civile et la loi fiscale s'appliquent toutes deux à des faits, toute qualification juridique se définissant à partir de la réunion d'éléments de fait, que le juge civil doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; qu'en l'espèce, il a été mis fin aux contrats litigieux presque immédiatement après leur conclusion et il leur a été substitué une contribution volontaire présentant le caractère d'un don, dès lors que les versements mensuels donnaient lieu à la délivrance par l'association FRONT NATIONAL de reçus fiscaux de dons, qu'ils étaient enregistrés comme tels dans la comptabilité de l'Association et qu'ils ont été interrompus en 1999 lorsque Messieurs Y... et X... ont quitté le FRONT NATIONAL, que Messieurs Y... et X... ne sauraient donc, en conséquence de la nullité prétendue des contrats litigieux, se voir accorder la restitution des sommes ainsi versées à titre de don sans méconnaître le principe de l'irrévocabilité des donations et qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 894 et 1134 du code civil,
4°) alors que, même en considérant que les sommes versées l'avaient été en exécution des contrats litigieux prétendument entachés de nullité, Messieurs Y... et X... ayant ainsi bénéficié de la réduction d'impôt sur le revenu attaché aux dons faits par à une association de financement électoral prévue par l'article 200, 2 bis, du code général des impôts, ils ne pouvaient se voir accorder le remboursement de ces sommes par l'association FRONT NATIONAL sans bénéficier d'un enrichissement sans cause, que sous déduction des réductions d'impôts obtenues, que Messieurs Y... et X... ayant refusé de produire leurs « déclarations de revenus et avertissements fiscaux » de 1992 à 1999 malgré la sommation de communiquer qui leur a été délivrée par l'association FRONT NATIONAL, ceux-ci devaient être déboutés de l'intégralité de leur demande de restitution et qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a, à tout le moins, violé les articles 1235 et 1376 du Code civil.