LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est atteint d'épaississements pleuraux suivant diagnostic posé le 14 décembre 2002 ; que, par décision du 29 septembre 2003, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) a reconnu un caractère professionnel à sa maladie causée par son exposition à l'amiante et a fixé son taux d'incapacité à 10 %, lui allouant une rente annuelle à compter du 22 novembre 2003 ; que M. X... a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociales d'une action en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de son employeur, dont il a été débouté tant par le tribunal que par la cour d'appel ; que l'arrêt de cette dernière a été cassé ; que la cour d'appel de renvoi, infirmant le jugement entrepris, a dit que la maladie professionnelle de M. X... était la conséquence de la faute inexcusable de son employeur et ordonné la majoration maximale du capital attribué à la victime ; que, parallèlement à cette procédure, M. X... s'est adressé au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), et faute de réponse dans le délai légal, a saisi la cour d'appel d'une action en contestation à l'encontre de ce refus implicite d'indemnisation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X... tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'ordonner le sursis à statuer sur son préjudice fonctionnel ;
Mais attendu que, pour surseoir à statuer sur l'indemnisation du déficit fonctionnel de M. X..., l'arrêt retient exactement d'une part que le FIVA doit, dans son offre d'indemnisation, indiquer l'évaluation de chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités revenant au demandeur, compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, mais aussi des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir du chef du même préjudice, d'autre part que le recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est, alors, pendant devant la juridiction de sécurité sociale et que la décision à intervenir sur ce point n'est susceptible d'avoir d'incidence que sur l'indemnisation du déficit fonctionnel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du FIVA :
Vu les articles 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice de la victime sans perte ni profit ;
Attendu qu'en application de ces textes, la victime doit opter entre l'indemnisation par le FIVA ou par le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que celle qui a choisi de saisir le Fonds ne peut diviser sa demande, qui doit englober l'ensemble des préjudices qu'elle a subis ;
Attendu que pour fixer à une certaine somme le montant du préjudice de M. X... au titre des souffrances physiques et morales, la cour d'appel énonce que si le recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est toujours pendant et que cette décision peut influer sur l'offre du FIVA, elle n'est susceptible d'avoir une incidence que sur l'indemnisation du déficit fonctionnel, seul chef de préjudice justifiant un sursis à statuer ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la victime avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ouvrant , si elle était admise, à la victime le droit de solliciter la réparation de ses préjudices à caractère personnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le montant du préjudice de M. X... au titre des souffrances physiques et morales, l'arrêt rendu le 7 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... :
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR fixé le montant du préjudice de Monsieur Laziz X... au titre des souffrances physiques et morales à la somme de 25.200 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2005, date à laquelle le FIVA aurait dû formaliser son offre ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 53-IV de la loi du 23 décembre 2000, dans les six mois à compter d'une demande d'indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d'indemnisation ; qu'une indemnisation complémentaire est susceptible d'être accordée dans le cadre d'une procédure pour faute inexcusable de l'employeur ; qu'une cour d'appel saisie à la fois d'un recours fondé sur l'article 53-IV susvisé, et d'une demande d'indemnisation du chef de faute inexcusable, doit surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la reconnaissance de la faute inexcusable ; qu'en effet, le FIVA saisi d'une demande d'indemnisation d'un préjudice causé par l'exposition à l'amiante, doit dans son offre d'indemnisation, indiquer l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent au demandeur, compte tenu bien évidemment des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, mais aussi des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'en l'espèce, outre le recours devant le FIVA, Laziz X... avait saisi entre temps le TASS des Bouches du Rhône d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; que cette juridiction a rendu une décision en date du 1er mars 2007, confirmée par arrêt de la cour de céans du 8 octobre 2009 ; qu'un pourvoi contre cet arrêt a alors abouti à une décision de la Cour de cassation du 9 décembre 2010 qui a cassé ledit arrêt et renvoyé devant la Cour autrement composée ; qu'ainsi, le recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est pendant à ce jour, et que cette décision à intervenir est susceptible d'influer sur l'offre du FIVA ; que, toutefois, la décision à intervenir sur la reconnaissance éventuelle de la faute inexcusable de l'employeur est susceptible de n'avoir une incidence que sur la seule indemnisation du déficit fonctionnel ; qu'en conséquence, ce n'est que sur ce dernier chef qu'il doit être nécessairement sursis à statuer ; qu'il y a lieu ainsi de rappeler que le FIVA avait formulé ses offres sur le préjudice personnel du requérant, et de constater que la cour est en possession des éléments nécessaires pour statuer sur les demandes concernant ce préjudice personnel ; que le sursis à statuer ne sera donc ordonné que sur l'évaluation du déficit fonctionnel de Laziz X... » ;
ALORS QU'aux termes de l'article 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 l'offre présentée par le FIVA doit indiquer l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'aux termes de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; que, pour refuser de surseoir à statuer sur la demande de Monsieur Laziz X... tendant à l'indemnisation de son préjudice extra patrimonial dont la réparation était pendante devant la juridiction de sécurité sociale, la Cour d'appel a énoncé que le recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est pendant à ce jour, et que cette décision à intervenir est susceptible d'influer sur l'offre du FIVA, mais que toutefois la décision à intervenir sur la reconnaissance éventuelle de la faute inexcusable de l'employeur est susceptible de n'avoir une incidence que sur la seule indemnisation du déficit fonctionnel ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble le principe de la réparation intégrale.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné le sursis à statuer sur le préjudice fonctionnel de Monsieur Laziz X... ,
AUX MOTIFS QUE, sur la demande de sursis à statuer, aux termes de l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, dans les six mois à compter d'une demande d'indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d'indemnisation ; qu'une indemnisation complémentaire est susceptible d'être accordée dans le cadre d'une procédure pour faute inexcusable de l'employeur ; qu'alors une cour d'appel saisie à la fois d'un recours fondé sur l'article 53 IV susvisé, et d'une demande d'indemnisation du chef de faute inexcusable, doit surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la reconnaissance de la faute inexcusable ; qu'en effet, le FIVA saisi d'une demande d'indemnisation d'un préjudice causé par l'exposition à l'amiante, doit dans son offre d'indemnisation, indiquer l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent au demandeur, compte tenu bien évidemment des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, mais aussi des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'en l'espèce, outre le recours devant le FIVA, Laziz X... avait saisi entre temps le TASS des Bouches du Rhône d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; que cette juridiction a rendu une décision en date du 1er mars 2007, confirmée par arrêt de la cour de céans du 8 octobre 2009 ; qu'un pourvoi contre cet arrêt a alors abouti à une décision de la cour de cassation du 9 décembre 2010 qui a cassé ledit arrêt et renvoyé devant la cour autrement composée ; qu'ainsi le recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est pendant à ce jour, et que cette décision à intervenir est susceptible d'influer sur l'offre du FIVA ; que toutefois la décision à intervenir sur la reconnaissance éventuelle de la faute inexcusable de l'employeur est susceptible de n'avoir une incidence que sur la seule indemnisation du déficit fonctionnel ; qu'en conséquence, ce n'est que sur ce dernier chef qu'il doit être nécessairement sursis à statuer ; qu'il y a lieu ainsi de rappeler que le FIVA avait formulé ses offres sur le préjudice personnel du requérant, et de constater que la cour est en possession des éléments nécessaires pour statuer sur les demandes concernant ce préjudice personnel ; que le sursis à statuer ne sera donc ordonné que sur l'évaluation du déficit fonctionnel de Laziz X... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'acceptation, même partielle, de l'offre du FIVA vaut désistement des actions juridictionnelles en cours ; qu'en sursoyant à statuer sur l'indemnisation du déficit fonctionnel, tout en constatant que l'indemnisation de ce chef de préjudice était acceptée par Monsieur X..., la cour d'appel a violé par fausse application l'article 53-IV alinéa 3 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en sursoyant à statuer sur l'indemnisation du déficit fonctionnel, tout en constatant que l'indemnisation de ce chef de préjudice tel que proposée par l'offre du FIVA était acceptée par Monsieur X..., la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QU'en tout état de cause, l'acceptation de l'offre du FIVA n'interdit nullement à la victime d'obtenir du fonds une indemnisation complémentaire après reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; qu'en sursoyant à statuer sur l'indemnisation du déficit fonctionnel dont l'offre avait été acceptée par Monsieur X..., au seul motif que la reconnaissance éventuelle de la faute inexcusable de l'employeur serait susceptible d'avoir une incidence sur cette indemnisation, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 53-IV alinéa 2 et 53-V de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.