LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 décembre 2011), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ. 29 juin 2010, n° 09-10.394), que par acte du 17 septembre 1997, la société Trans-Lys a donné à bail à la société Etablissements Brévière des locaux à usage commercial d'une superficie d'environ 1060 m² au rez-de-chaussée d'un immeuble à compter du 1er janvier 1997, moyennant un certain loyer annuel, puis à compter du 1er juillet 1997, une surface complémentaire de 625 m² à l'étage moyennant un loyer complémentaire ; que le bail stipulait que les charges seraient réparties à raison de 11/20e pour la société Etablissements Brévière et 9/20e pour un autre locataire occupant un second bâtiment de l'ensemble immobilier appartenant à la même bailleresse ; qu'invoquant la présence d'un troisième locataire occupant l'étage, la société Etablissements Brévière a assigné la société Trans-Lys en restitution de loyers et charges indûment payées ;
Attendu que pour dire que la demande en répétition de l'indu est juridiquement fondée et ordonner une expertise pour en chiffrer le quantum, l'arrêt retient que si les clauses mettant à charge du preneur à bail commercial la répercussion de différentes charges sont licites, il est anormal que la locataire ait payé des charges qu'elle n'aurait pas du payer puisque la répartition des surfaces était à diviser en trois et non pas en deux, que s'il est avéré que le troisième occupant était là depuis l'origine, c'est depuis l'origine que la société Etablissements Brévière aurait dû payer 8,8/20e et qu'elle est légitimement fondée à réclamer les loyers et charges qu'elle aurait indûment payés à compter du 1er janvier 1997 pour les montants excédant la part de 8,8/20e ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties, la cour d'appel qui a constaté que les termes du bail étaient clairs quant aux sommes dues en ce qui concerne le calcul des charges et faisaient la loi entre les parties, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la demande en répétition de l'indu était juridiquement fondée et ordonné une expertise, l'arrêt rendu le 15 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Etablissements Brévière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etablissements Brévière, la condamne à payer à la société Trans-Lys la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour la société Trans-Lys
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la demande de la société Etablissements Brévière en répétition de l'indu des charges par elles payées était juridiquement fondée,
AUX MOTIFS QUE
« Il a été loué depuis l'origine à la société Brévière un peu plus de 1000 m2 au rez de chaussée et, à compter du 1er juillet 1991, 625 m² à l'étage dans un ensemble immobilier comprenant un grand et un petit bâtiment ; cela implique qu'au premier la société BREVIERE n'occupe qu'une partie de la surface. Il était prévu que les charges devraient être supportées par les deux preneurs, les sociétés BREVIERE et DEREMAUX, occupante du plus petit, et d'évidence réparties en fonction de la surface des locaux, à savoir 11/20èmes pour les Etablissements BREVIERE et 9/20èmes pour la société DEREMAUX, en ce qui concerne les assurances et taxes foncières ; dans la logique du fait que la société BREVIÈRE n'occupe qu'une partie de l'étage, une autre reste disponible pour un troisième preneur dont la société bailleresse ne cache pas la présence puisqu'elle l'admet dans son courrier du 19 avril 2006, l'appelante apportant quelques éléments quant à son antériorité. Certes, les termes du bail sont clairs quant aux sommes dues en ce qui concerne le calcul des charges, termes qui font loi entre les parties à la condition que le bailleur n'ait pas vicié le calcul figurant dans le bail en omettant le troisième occupant volontairement, ce qui changerait le compte entre les parties, compte d'ailleurs modifié en 2005. Si les clauses mettant à charge du preneur à bail commercial la répercussion de différentes charges sont licites, il est anormal que la locataire ait payé des charges qu'elle n'aurait pas du payer puisque la répartition des surfaces était à diviser en trois et non pas en deux ; comme le fait remarquer la société preneuse, s'il est avéré que le troisième occupant était là depuis l'origine, c'est depuis l'origine qu'elle aurait dû payer 8,8/20èmes ; dans ce cas elle est légitimement fondée à réclamer les loyers et charges qu'elle aurait indûment payés à compter du 1.01.97 pour les montants excédant la part de 8,8/20èmes »,
ALORS QUE
Il n'est pas permis au juge de modifier, sous prétexte d'équité, ou tout autre motif, une convention librement conclue entre les parties et licite ; qu'ainsi, en décidant que la société Etablissements Brévière était légitimement fondée à réclamer les loyers et charges qu'elle aurait indûment payés à compter du 1er janvier 1997 pour les montant excédant la part de 8,8/20èmes qu'elle aurait dû payer, au motif qu'elle n'occupait qu'une partie de l'étage, une autre restant disponible pour un troisième preneur, alors qu'il n'était pas contesté qu'elle avait occupé la surface complémentaire à l'étage d'environ 625 m² prévue au bail et que celui-ci stipulait que la partie preneuse rembourserait à la partie bailleresse, en sus du loyer, les 11/20èmes de la prime d'assurance garantissant l'ensemble de la propriété dont dépendent les locaux loués contre les risques incendie, explosion et garanties annexes, ainsi que les 11/20èmes de la prime d'assurance garantissant la responsabilité civile du propriétaire pour l'ensemble de la propriété, la Cour d'Appel a violé l'article 1134 du Code Civil.