LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 30 mai 2011), et les productions, que le 9 septembre 2005, Elisa X...a été percutée successivement par le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société Axa France IARD et par celui conduit par Mme Z..., assurée auprès de la société GAN Pacific IARD, ce qui a entraîné son décès ; que Mmes Fonzina X..., Marie-Paule et Claudia A..., toutes trois filles de la victime (les consorts X...-A...), ont assigné M. Y...et son assureur, ainsi que Mme Z...et son assureur en indemnisation de leur préjudice subi par ricochet ;
Attendu que les consorts X...-A... font grief à l'arrêt de dire qu'Elisa X...a commis une faute inexcusable à l'origine exclusive de l'accident de la voie publique dont elle a été victime le 9 septembre 2005 et, en conséquence, de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que seule est inexcusable au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que ne caractérise pas une faute d'une exceptionnelle gravité le fait de s'allonger, de nuit, en état d'ébriété, au milieu d'une voie de circulation fréquentée et dépourvue d'éclairage public ; qu'en retenant le contraire, pour écarter l'action en indemnisation engagée contre les conducteurs ayant percuté Elisa X..., la cour d'appel a méconnu les articles 3 et 6 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;
2°/ qu'il résulte de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident, sauf si la victime a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ; qu'en l'espèce, aucun document de l'enquête diligentée après l'accident survenu sur la personne d'Elisa X..., qui avait été percutée par deux véhicules alors qu'elle était allongée ivre sur la voie publique, n'établissait que la victime avait eu l'intention de se suicider ; qu'il résultait au contraire du procès-verbal d'accident de la circulation du 13 septembre 2005 que la victime n'avait « pas laissé supposer qu'elle voulait se suicider », des déclarations du concubin de la victime qu'il ne « pensait pas qu'elle pouvait arriver à commettre un tel geste », et du fils de la victime que celle-ci se trouvait « en travers de la chaussée comme si elle s'y était allongée elle-même » ; qu'en retenant toutefois que l'intention suicidaire aurait résulté de l'enquête et des déclarations du concubin et du fils de la victime, la cour d'appel a dénaturé les documents de l'enquête et ainsi méconnu l'article 1134 du code civil ;
3°/ que les déclarations du concubin de la victime, selon laquelle il ne pensait pas « qu'elle pouvait arriver à commettre un tel geste », et du fils de la victime, selon laquelle celle-ci se trouvait « en travers de la chaussée comme si elle s'y était allongée elle-même » écartaient toute possibilité d'une intention suicidaire de la victime ; qu'en ne déduisant pas les conséquences légales de ses constatations, la cour d'appel a violé les articles 3 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
4°/ qu'il résultait de la déclaration du concubin de la victime, selon laquelle il ne pensait pas « qu'elle pouvait arriver à commettre un tel geste », et du fils de la victime, selon laquelle celle-ci se trouvait « en travers de la chaussée comme si elle s'y était allongée elle-même » que l'intention suicidaire était à tout le moins incertaine ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs hypothétiques inaptes à justifier légalement sa décision au regard des articles 3 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient par motifs propres et adoptés qu'il résulte de la procédure de gendarmerie que l'accident s'est produit, le 9 septembre 2005 à vingt heures trente sur la voie reliant la Savexpress à Dumbéa ; que Elisa X..., qui s'est allongée sur la voie publique au milieu de la chaussée après une dispute avec son concubin, a été percutée une première fois par le véhicule conduit par M. Y..., puis une seconde fois par le fourgon conduit par Mme Z...; que les lésions à type d'écrasement et de torsion par roulage, constatées par le médecin légiste, établissent avec certitude qu'Elisa X...n'a pas été percutée debout mais bien étendue sur le sol ; que le fait de s'allonger, de nuit, en état d'ébriété, au milieu d'une voie de circulation fréquentée et dépourvue d'éclairage public, constitue indubitablement une faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité ; que la conjugaison de l'obscurité et de la position couchée du piéton rendait sa présence totalement imprévisible et irrésistible ; que les deux conducteurs, dont il n'est pas allégué qu'ils conduisaient à une vitesse excessive, ne pouvaient que très difficilement percevoir Elisa X..., allongée sur le sol ; que, par ailleurs, il ne peut être sérieusement reproché aux défendeurs d'avoir eu leur attention détournée par la présence d'un groupe de personnes sur le bord de la route et de ne pas avoir gardé les yeux rivés sur la chaussée, dès lors qu'un conducteur normalement vigilant doit aussi fait attention aux événements et personnes qui, se déroulant ou se trouvant sur le bas côté, sont susceptibles de perturber sa conduite automobile ; que la faute inexcusable de Elisa X...est donc la cause exclusive de l'accident dont elle a été victime ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, hors de toute dénaturation, et sans se prononcer par des motifs hypothétiques, a pu déduire que la victime, en s'allongeant volontairement sur une voie de circulation fréquentée, en état d'ébriété, de nuit, et en un lieu dépourvu d'éclairage public, avait commis une faute inexcusable, et débouter les consorts X...-A... de leurs demandes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X...-A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X...-A... à payer, d'une part, à la société GAN Pacific IARD la somme de 2 500 euros, d'autre part, à M. Y...et à la société Axa France IARD la somme globale de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour Mmes Fonzina X..., Marie-Paule et Claudia A...,
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Elisa X...a commis une faute inexcusable à l'origine exclusive de l'accident de la voie publique dont elle a été victime le 9 septembre 2005 et, en conséquence, d'avoir débouté les exposantes de leurs demandes en réparation de leur préjudice ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a justement rappelé les principes, applicables en matière d'accidents de la circulation, posés par l'article 3 alinéa 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985 ; que c'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal a retenu en l'espèce que la faute commise par la victime exclut l'indemnisation de ses ayants droit ; qu'outre les circonstances de fait relevées par le premier juge, il est établi que la victime a manifesté une intention suicidaire, dans le contexte de dispute avec son concubin et d'alcoolisation, comme cela résulte de l'enquête ; que les enquêtes ont notamment recueilli les déclarations de celui-ci (« je ne pensais pas qu'elle pouvait en arriver à commettre un tel geste ») et de son fils « ma mère était placée en travers de la chaussée comme si elle s'y était allongé d'elle-même ») ; qu'Elise X...ayant volontairement recherché les dommages qu'elle a subis, il convient de confirmer le jugement déféré ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte la procédure de gendarmerie que l'accident s'est produit, le 9 septembre 2005 à 20h30 sur la VDO VE1, reliant la SAVEXPRESS à DUMBEA ; que Mme X..., allongée au milieu de la chaussée, a été percutée une première fois par le véhicule conduit par M. Y..., puis une seconde fois par le fourgon conduit par M. B...; que les lésions à type d'écrasement et de torsion par roulage, constatées par le médecin légiste, établissent avec certitude que Mme X...n'a pas été percutée debout mais bien étendue sur le sol ; que le fait de s'allonger, de nuit, en état d'ébriété, au milieu d'une voie de circulation fréquentée et dépourvue d'éclairage public, constitue indubitablement une faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité ; que la conjugaison de l'obscurité et de la position couchée du piéton rendait sa présence totalement imprévisible et irrésistible ; que les deux conducteurs, dont il n'est pas allégué qu'ils conduisaient à une vitesse excessive, ne pouvaient que très difficilement percevoir Mme X..., allongée sur le sol ; que par ailleurs, il ne peut être sérieusement reproché aux défendeurs d'avoir eu leur attention détournée par la présence d'un groupe de personnes sur le bord de la route et de ne pas avoir gardé les yeux rivés sur la chassé, dès lors qu'un conducteur normalement vigilant doit aussi fait attention aux événements et personnes qui, se déroulant ou se trouvant sur le bas côté, sont susceptibles de perturber sa conduite automobile ; que la faute inexcusable de Mme X...est donc la cause inexcusable de l'accident dont elle a été victime ;
ALORS, de première part, QUE seule est inexcusable au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que ne caractérise pas une faute d'une exceptionnelle gravité le fait de s'allonger, de nuit, en état d'ébriété, au milieu d'une voie de circulation fréquentée et dépourvue d'éclairage public ; qu'en retenant le contraire, pour écarter l'action en indemnisation engagée contre les conducteurs ayant percuté Mme X..., la cour d'appel a méconnu les articles 3 et 6 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;
ALORS, de deuxième part, QU'il résulte de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident, sauf si la victime a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ; qu'en l'espèce, aucun document de l'enquête diligentée après l'accident survenu sur la personne d'Elisa X..., qui avait été percutée par deux véhicules alors qu'elle était allongée ivre sur la voie publique, n'établissait que la victime avait eu l'intention de se suicider ; qu'il résultait au contraire du procès-verbal de d'accident de la circulation du 13 septembre 2005 que la victime n'avait « pas laissé supposer qu'elle voulait se suicider », des déclarations du concubin de la victime qu'il ne « pensait pas qu'elle pouvait arriver à commettre un tel geste », et du fils de la victime que celle-ci se trouvait « en travers de la chaussée comme si elle s'y était allongée elle-même » ; qu'en retenant toutefois que l'intention suicidaire aurait résulté de l'enquête et des déclarations du concubin et du fils de la victime, la cour d'appel a dénaturé les documents de l'enquête et ainsi méconnu l'article 1134 du code civil ;
ALORS, de troisième part, QUE les déclarations du concubin de la victime, selon laquelle il ne pensait pas « qu'elle pouvait arriver à commettre un tel geste », et du fils de la victime, selon laquelle celle-ci se trouvait « en travers de la chaussée comme si elle s'y était allongée elle-même » écartaient toute possibilité d'une intention suicidaire de la victime ; qu'en ne déduisant pas les conséquences légales de ses constatations, la cour d'appel a violé les articles 3 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
ALORS, de quatrième part et en tout état de cause, QU'il résultait de la déclaration du concubin de la victime, selon laquelle il ne pensait pas « qu'elle pouvait arriver à commettre un tel geste », et du fils de la victime, selon laquelle celle-ci se trouvait « en travers de la chaussée comme si elle s'y était allongée elle-même » que l'intention suicidaire était à tout le moins incertaine ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs hypothétiques inaptes à justifier légalement sa décision au regard des articles 3 et 6 de la loi du 5 juillet 1985.