LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article R. 145-8 du code de commerce ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative, qu'il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 novembre 2011) que la société Larue frères a donné à bail, à compter du 1er août 1995, à la société Nantaise Textiles, aux droits de laquelle se trouve la société Eurodif, des locaux à usage commercial ; que par acte du 19 janvier 2006 la société Eurodif a sollicité le renouvellement du bail à compter du 24 juin 2006 ; que la bailleresse a assigné la société preneuse en fixation hors plafond du prix du bail renouvelé ;
Attendu que pour accueillir cette demande et fixer à une certaine somme la valeur locative l'arrêt retient que si la surface pondérée est contractuelle, il s'agit d'une clause exorbitante du droit commun devant donner lieu, par application de l'article R. 145-8 du code de commerce, à une minoration de la valeur locative ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'une clause fixant contractuellement la pondération des locaux, n'est pas une clause exorbitante imposant une obligation au locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Eurodif aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eurodif, la condamne à payer à la société Larue frères la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Larue frères
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 129.600 euros hors taxes et hors charges ;
AUX MOTIFS, partiellement substitués à ceux des premiers juges, QU'en page 4 du bail au chapitre désignation est établi de façon précise le décompte des surfaces pondérées ; qu'il en résulte nécessairement que le coefficient de pondération des différents locaux est entré dans le champ contractuel de sorte qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de changement dans la distribution ou la configuration des locaux, d'adopter les coefficients de pondération retenus par l'expert ; que, comme le fait justement observer le preneur, les méthodes de pondération ont été considérablement modifiées au cours de la dernière décennie de sorte que la pondération retenue en 1998 n'est plus conforme aux usages actuels, cependant qu'elles sont un outil permettant de comparer des locaux de configuration différente ; que c'est à raison aussi qu'il indique que, si la surface pondérée est contractuelle, il s'agit d'une clause exorbitante du droit commun devant donner lieu par application de l'article R. 145-8 du code de commerce à une minoration de la valeur locative ; que le premier juge a fait une exacte appréciation des éléments de preuve résultant du rapport d'expertise en fixant le loyer du bail renouvelé à 240 euros par m² pondéré ; qu'en l'état d'une surface pondérée de 576 m² ce prix avant abattement est de 138.240 euros ; qu'après abattement pour tenir compte de la pondération des éléments de comparaison, il doit être fixé à la somme de 129.600 euros hors taxes et hors charges à compter du 24 juin 2006 ;
ALORS QUE, D'UNE PART, si la valeur locative peut être diminuée en considération des obligations ou sujétions particulières qui sont imposées au locataire, par dérogation à la loi ou aux usages, la clause d'un bail commercial destinée à fixer contractuellement les coefficients de pondération applicables aux surfaces louées ne fait naître à la charge du locataire aucune obligation, aucune contrainte, qui puisse justifier sur ce fondement une minoration de la valeur locative ; qu'en statuant comme elle le fait, la cour viole, par fausse application, l'article R. 145-8 du code de commerce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la cour ne pouvait, sauf à entacher sa décision d'une irréductible contradiction de motifs, d'un côté, approuver expressément les premiers juges d'avoir fixé le loyer du bail renouvelé à 240 euros par m² pondéré, ce qui en l'état d'une surface pondérée contractuelle de 576 m² justifiait que le loyer fût porté à la somme de 138.240 euros et, d'un autre côté, pratiquer sur cette somme un abattement « pour tenir compte de la pondération des éléments de comparaison » et remettre ainsi nécessairement en cause, en le minorant, le loyer par m² pondéré tel que fixé par les premiers juges ; qu'en statuant de la sorte, la cour méconnaît les exigences des articles 455 du code de procédure civile et viole aussi l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violés ;
ET ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour ne pouvait, après avoir exactement retenu que la clause fixant contractuellement les surfaces pondérées à prendre en considération pour déterminer la valeur locative s'imposait à elle et commandait de retenir une surface de 576 m² aux lieux des 540 m² préconisés par l'expert judiciaire et retenus par les premiers juges, mettre en suite en oeuvre, sous la forme d'un abattement, un mécanisme correcteur destiné à neutraliser totalement les effets de cette clause contractuelle ; qu'en refusant ainsi d'appliquer la convention qui faisait la loi des parties, la cour viole l'article 1134 du Code civil.