LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués et les productions, qu'un litige ayant opposé Mme X..., aux droits de son père Charles, décédé, à Mmes Edith, Françoise, Jacqueline et Monique Y... (les consorts Y...), aux droits de leur mari et père, Ernest-Victor, décédé, quant au partage de la succession d'Ernest Y..., père de Charles et d'Ernest-Victor, un jugement a constaté qu'Ernest-Victor Y... avait recelé le fonds de commerce dépendant de la succession, dit, en conséquence, les consorts Y... sans droit sur ce fonds et les a condamnés solidairement au paiement, au titre du recel successoral, du prix de cession du fonds, avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 1986 ; qu'un arrêt du 2 septembre 2008 a confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que les consorts Y... n'avaient aucun droit sur la valeur du fonds de commerce de boucherie exclu du partage, a dit que la masse totale à partager comprenait la valeur de ce fonds et que les sommes comprises dans celle-ci produiraient intérêts dans les termes de l'article 856 du code civil ; que Mme X... a saisi la cour d'appel d'une requête en omission de statuer sur les intérêts dus sur la valeur du fonds recelé puis, d'une requête en rectification d'erreur matérielle ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 463 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la requête en omission de statuer, l'arrêt du 8 septembre 2009 retient que l'arrêt du 2 septembre 2008 a dit que les sommes comprises dans la masse à partager produiront des intérêts dans les termes de l'article 856 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier une décision sur les intérêts de la somme recelée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 1351 du code civil et 462 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande en rectification d'erreur matérielle portant sur les intérêts, l'arrêt du 16 novembre 2010 retient que lorsque le rapport se fait en valeur sous forme d'une indemnité, celle-ci n'est productive d'intérêts qu'à compter du jour où elle est déterminée ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'arrêt du 2 septembre 2008 avait confirmé les dispositions du jugement disant que le fonds de commerce avait été recelé et que les droits des parties consacrés par cette décision irrévocable ne pouvaient être modifiés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 8 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande relative aux intérêts sur la valeur du fonds recélé, l'arrêt rendu le 16 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ;
Pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y... ; les condamne à payer à Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassé et partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY du 8 septembre 2009 d'avoir rejeté la requête en omission de statuer de Mme X... tendant à voir compléter l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY du 2 septembre 2008 en ce que cette décision n'a pas statué sur sa demande tendant à la condamnation des dames Y... à la somme de 45. 734, 71 € au titre du recel du fonds de commerce avec paiement des intérêts au taux légal sur la valeur du fonds de commerce recelé depuis le 3 septembre 1986 :
AUX MOTIFS QUE l'arrêt dont la rectification est demandée a notamment disposé dans les termes suivants : « Dit que la masse totale à partager sera constituée comme suit : (...)- fonds de commerce de boucherie : 39. 496, 03 € ; (...) Renvoie pour les surplus les parties à se pourvoir devant le notaire commis pour faire fixer leurs droits respectifs dans la succession ; dit que les sommes comprises dans la masse totale à partager produiront des intérêts dans les termes de l'article 856 du code civil ; (...) » : que cette décision a ainsi statué sur la demande relative aux intérêts de retard sur le prix recelé du fonds de commerce de boucherie ;
ALORS, D'UNE PART, QUE par un arrêt du 16 novembre 2010, la cour d'appel a matériellement rectifié son arrêt du 2 septembre 2008 en excluant de la masse à partager le fonds de commerce recelé : que, dés lors, l'arrêt attaqué, en date du 8 septembre 2009, qui se fonde sur des motifs matériellement erronés et dorénavant rectifiés, relatifs à la présence du fonds de commerce de boucherie dans la masse totale à partager et aux intérêts produits par les sommes comprises dans cette masse, se trouve privé de base légale au regard de l'article 463 du code de procédure civile :
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, saisie de l'appel dirigé contre le jugement du tribunal de grande instance d'ALBERTVILLE du 17 mai 2005 qui avait, notamment, condamné solidairement les dames Y... à la somme de 45. 734, 71 € au titre du recel successoral du fonds de commerce de boucherie avec intérêts au taux légal à compter du 3 8 septembre 1986, la cour d'appel, dans son arrêt du 2 septembre 2008, s'est bornée à confirmer les dispositions du jugement qui ont fait application à la valeur de ce bien des peines du recel successoral sans préciser que cette confirmation portait également sur la condamnation à la somme précitée avec intérêts au taux lé9al à compter du 3 septembre 1986 ; que, si cet arrêt évoque les intérêts produits en application de l'article 856 du code civil par les sommes comprises dans la masse totale à partager, il n'aborde, à aucun moment, les intérêts afférents aux sommes à restituer au titre du recel successoral ; qu'ainsi, la cour d'appel a omis de statuer sur la condamnation des dames Y... au titre du recel successoral et sur les intérêts au taux légal afférents à cette condamnation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 463 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY du 16 novembre 2010 d'avoir rejeté la demande de Mme X... tendant à voir compléter son arrêt du 2 septembre 2008 pour y inclure la condamnation des consorts Y... à verser la valeur du fonds de commerce recelé avec les intérêts légaux sur le montant d'un fonds de commerce recelé depuis le 3 septembre 1986 :
AUX MOTIFS QUE Mme Chantal X... fait valoir à juste titre que les dispositions de l'arrêt qui ont fait application au prix du fonds de commerce des dispositions de l'article 792 du code civil sont incompatibles avec la mention du prix de ce fonds dans la masse totale à partager, qui résulte d'une erreur matérielle : que, par contre, lorsque le rapport se fait en valeur sous forme d'une indemnité, celle-ci n'est productive d'intérêts qu'à compter du jour où elle est déterminée ; qu'en l'espèce, la valeur du fonds de commerce a été déterminée par l'expertise, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande relative aux intérêts de retard ;
ALORS QUE la réparation d'une erreur matérielle ne peut être refusée à la faveur d'une modification des droits et obligations reconnus par la décision erronée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 2 septembre 2008 s'est borné, dans ses motifs, à énoncer qu'il convenait de confirmer les dispositions du jugement de première instance ayant fait application à la valeur du fonds de commerce recelé des peines du recel successoral, sans préciser la teneur de ces peines, et, dans son dispositif, à confirmer les dispositions du jugement ayant dit que les dames Y... n'avaient aucun droit sur la valeur du fonds de commerce de boucherie exclu du partage ; que si elle évoquait les intérêts produits en application de l'article 856 du code civil par les sommes comprises dans la masse totale à partager, cela ne concernait pas le fonds de commerce du boucherie recelé ; qu'ainsi, c'est en ajoutant à l'arrêt du 2 septembre 2008 et en méconnaissant la portée de la chose jugée par cet arrêt que la cour d'appel, dans son arrêt du 16 novembre 2010, a considéré que, contrairement au tribunal qui avait fait courir les intérêts sur les sommes recelées à compter du 3 septembre 1986, l'arrêt du 2 septembre 2008 avait refusé de retenir le même point de départ dés lors que la valeur du fonds de commerce avait été déterminée par voie d'expertise et qu'elle devait être rapportée sous forme d'une indemnité ; qu'elle a ainsi violé les articles 1351 du code civil et 462 du code de procédure civile.