LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 12 octobre 2011), que la SCEA du Virfolet (la société), exerçant une activité d'élevage de bovins, a accueilli, fin 2006, M. X... élève de l'établissement d'enseignement et de formation professionnelle agricole de l'institut rural La Charmelière (l'Institut rural), pour un stage de formation ; que des analyses ont mis en évidence que la saisie d'une partie du cheptel pour cysticercose musculaire, en novembre et décembre 2006, était due à la contamination de celui-ci par le ténia humain, dont seul M. X... était porteur au sein de l'exploitation ; que la société a assigné l'Institut rural, son assureur la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de la Loire, exerçant sous l'enseigne Groupama assurances Loire-Bretagne, (société Groupama), M. X... et l'association Bovi-Loire en responsabilité et en indemnisation de son préjudice ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la condamnation de M. X..., employé en qualité d'élève de l'Institut rural en vertu d'une convention de formation conclue par celui-ci avec la société, et de la société Groupama, assureur de responsabilité civile des élèves de l'Institut rural, à réparer le dommage subi du fait de la contamination de son cheptel par M. X..., porteur de la maladie de la téniase, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une faute, la négligence d'une personne à prendre les mesures propres à prévenir le risque dont la réalisation lui serait imputable ; que commet une faute de négligence la personne qui, appelée par ses fonctions à s'occuper d'animaux élevés pour la consommation humaine, néglige, d'une part, d'informer l'exploitant agricole de son état de santé et de la possibilité qu'elle soit atteinte d'une affection, quand bien même elle en ignorerait la nature, eu égard au risque sanitaire d'une contamination du cheptel, d'autre part, de prendre des précautions sanitaires élémentaires, telles que le port de gants pour la distribution de la nourriture afin d'éviter tout risque de contamination des bovins de sorte qu'ayant constaté, d'une part, que M. X... avait été atteint d'une méningite en 2004 et fréquemment malade par la suite, qu'il avait contracté une affection parasitaire du type ténia en mars ou avril 2006 et qu'après un temps d'incubation de deux à trois mois, il avait perdu une dizaine de kilos, constatations dont il résultait que M. X... ne pouvait ignorer qu'il était malade lorsqu'il avait commencé son stage au mois de septembre 2006 au sein de l'exploitation de la société, d'autre part, qu'il s'était vu confier la tâche de nourrir les bovins et se trouvait bien, par la distribution de nourriture à mains nues, à l'origine de la contamination des animaux, la cour d'appel, en décidant que M. X... n'avait commis ni faute ni négligence à l'origine de la contamination du cheptel, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;
2°/ que la cassation à intervenir du chef du dispositif relatif à la responsabilité de M. X... entraînera, par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant écarté la garantie de Groupama, assureur de responsabilité civile de M. X... ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il ressort du rapport d'expertise médicale que « M. X... a bien contracté une infection parasitaire du type ténia au printemps 2006 (...). que le temps d'une incubation de deux à trois mois il a ensuite perdu une dizaine de kilos qui est un signe classique de cette maladie ; qu'avant qu'il n'ait eu le temps de prendre conscience que des examens médicaux étaient nécessaires, une contamination de l'exploitation où il était stagiaire a été mise en évidence. » Les antécédents médicaux connus (...) ne font état d'aucune parasitose notamment lors de la méningite dont il était l'objet en 2004 ; que l'expert vétérinaire indique : « normalement le ver ne provoque aucun symptôme chez l'humain infecté de sorte qu'on ne saurait, dans le cas qui nous intéresse, retenir comme preuve de l'infestation de M. X..., les différents symptômes qui sont avancés par la société ; que d'ailleurs M. X... a bien produit les pièces expliquant ses ennuis de santé (...). mais (...) l'un n'empêche pas l'autre ; que M. X... a été, preuves à l'appui, malade indépendamment de son ver solitaire (...) ; que la phase d'état de la maladie est le plus souvent asymptomatique... » ; qu'il ne peut, en conséquence, être fait grief à M. X... d'une maladie qu'il ignorait et qu'il a découverte grâce à des examens médicaux et postérieurement à la contamination du cheptel ; que, par conséquent, il ne peut davantage lui être reproché de n'avoir pas pris les dispositions matérielles pour éviter toute contamination d'une maladie qu'il ne connaissait pas, dispositions qui n'étaient pas d'usage dans l'exploitation ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire que M. X... n'avait commis aucune faute en relation directe et certaine avec la contamination du cheptel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCEA du Virfolet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCEA du Virfolet à payer à l'association Bovi-Loire la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour la société du Virfolet
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté la SCEA DU VIRFOLET, qui exerce une activité d'élevage de bovins, de ses demandes tendant à la condamnation de M. X..., employé en qualité d'élève de l'Institut Rural La Charmelière en vertu d'une convention de formation conclue par celui-ci avec la SCEA, et de la Compagnie GROUPAMA, assureur de responsabilité civile des élèves de l'Institut Rural La Charmelière, à réparer le dommage subi du fait de la contamination de son cheptel par M. X..., porteur de la maladie de la téniase,
AUX MOTIFS, SUR LA RESPONSABILITE DE M. X... AU TITRE DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, QUE
" N'est pas discuté le lien de causalité entre la contamination du cheptel de la SCEA du Virfolet atteint de cysticercose bovine et le ténia dont était porteur M. Pierre X....
(…)
la SCEA du Virfolet reproche à M. X... d'une part de ne pas l'avoir prévenue de problèmes médicaux susceptibles d'emporter des conséquences sanitaires graves et d'autre part d'avoir eu un comportement fautif en ne prenant pas les dispositions particulières pour éviter les contaminations ; il ressort du rapport d'expertise médicale du docteur Y... que " M. X... bien contracté une infection parasitaire du type ténia au printemps 2006, à savoir Mars ou Avril. Le temps d'une incubation de deux à trois mois il a ensuite perdu une dizaine de kilos qui est un signe classique de cette maladie. Avant qu'il n'ait eu le temps de prendre conscience que des examens médicaux étaient nécessaires, une contamination de l'exploitation où il était stagiaire a été mise en évidence " ; il précise que les antécédents médicaux connus par les pièces versées aux débats ne font état d'aucune parasitose notamment lors de la méningite dont il était l'objet en 2004 ; l'expert vétérinaire A... indique " normalement le ver ne provoque aucun symptôme chez l'humain infecté de sorte qu'on ne saurait, dans ce cas qui nous intéresse, retenir comme preuve de l'infestation de M. X..., les différents symptômes qui sont avancés par la SCEA du Virfolet. D'ailleurs M. X... a bien produit les pièces expliquant ses ennuis de santé, ce que l'expert reçoit. Mais bien entendu, l'un n'empêche pas l'autre. M. X... a été, preuves à l'appui, malade indépendamment de son ver solitaire. Comme nous venons de le décrire, la phase d'état de la malade est le plus souvent asymptomatique … " ; il ne peut en conséquence être fait grief à M. X... d'une maladie qu'il ignorait et qu'il a découverte grâce à des examens médicaux et postérieurement à la contamination du cheptel ; enfin M. X... n'avait aucune obligation de révéler à la SCEA du Virfolet son état de santé à supposer qu'il l'ait connu ; par conséquent, il ne peut davantage lui être reproché de n'avoir pas pris les dispositions (port de gants pour la distribution de nourriture) pour éviter toute contamination d'une maladie qu'il ne connaissait pas ; dispositions dont il convient de remarquer par ailleurs qu'elles n'étaient pas d'usage dans l'exploitation ; à défaut de comportement fautif, même par simple négligence, de M. X..., sa responsabilité ne peut être retenue sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; ainsi la SCEA du Virfolet est déboutée de ses demandes dirigées contre M. X... et la garantie de Groupama ne peut être mise en oeuvre par l'action directe de l'article L. 124-3 du code des assurances ",
ALORS QUE constitue une faute, la négligence d'une personne à prendre les mesures propres à prévenir le risque dont la réalisation lui serait imputable ; que commet une faute de négligence la personne qui, appelée par ses fonctions à s'occuper d'animaux élevés pour la consommation humaine, néglige
-d'une part d'informer l'exploitant agricole de son état de santé et de la possibilité qu'elle soit atteinte d'une affection, quand bien même elle en ignorerait la nature, eu égard au risque sanitaire d'une contamination du cheptel,
- d'autre part de prendre des précautions sanitaires élémentaires, telles que le port de gants pour la distribution de la nourriture afin d'éviter tout risque de contamination des bovins
de sorte qu'ayant constaté,
- d'une part, que M. X... avait été atteint d'une méningite en 2004 et fréquemment malade par la suite, qu'il avait contracté une affection parasitaire du type ténia en mars ou avril 2006 et qu'après un temps d'incubation de deux à trois mois, il avait perdu une dizaine de kilos, constatations dont il résultait que Monsieur X... ne pouvait ignorer qu'il était malade lorsqu'il avait commencé son stage au mois de septembre 2006 au sein de l'exploitation de la SCEA DU VIRFOLET,
- d'autre part qu'il s'était vu confier la tâche de nourrir les bovins et se trouvait bien, par la distribution de nourriture à mains nues, à l'origine de la contamination des animaux, la Cour d'appel, en décidant que M. X... n'avait commis ni faute, ni négligence à l'origine de la contamination du cheptel, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 1382 et 1383 du Code civil,
ET AUX MOTIFS, SUR LA GARANTIE DE LA COMPAGNIE GROUPAMA ASSURANCES, QUE
" Pour satisfaire aux dispositions de l'article 8 de la convention du 13 septembre 2006 la liant à l'Institut rural La CHARMELIERE, la SCEA DU VIRFOLET a contracté auprès de Groupama une assurance couvrant la responsabilité civile de l'élève pour les dommages qu'il pourrait causer pendant la durée ou à l'occasion du stage dans l'entreprise ; il s'agit donc d'une assurance de responsabilité qui nécessite la démonstration de la responsabilité de l'assuré en lien avec le dommage ; l'article 2. 5 vise les dommages aux biens du maître de stage ; l'article 2. 5. 2 prévoit qu'est assuré le stagiaire c'est à dire la personne qui dans le cadre de sa formation se voit imposer une période d'études pratiques au sein d'une structure professionnelle ; l'article 2. 5. 3 précise que sont garantis les dommages matériels et immatériels consécutifs causés aux maîtres de stage par les stagiaires à l'occasion des activités pratiques qui leur sont proposées dans le cadre exclusif de leur formation ; et précise que cette extension de garantie ne joue qu'à défaut de garantie d'un contrat couvrant ses biens et portant sur les mêmes risques ; l'article 2. 5. 4 exclut les dommages causés par les apprentis, préposés des maîtres de stage ; le stage effectué par M. X... concernait la formation intellectuelle générale et pratique dispensée dans l'entreprise, cette formation en entreprise aux termes de l'article 1 de la convention doit permettre l'observation de l'activité de l'entreprise et la participation à certaines tâches effectuées dans l'entreprise sous l'encadrement et la surveillance du maître de stage désigné par l'entreprise d'accueil et précisé dans l'annexe pédagogique ; ainsi que cela ressort de l'expertise vétérinaire close le 29 février 2008 l'alimentation des bovins était indifféremment assurée par M. Z..., dirigeant de la SCEA du VIRFOLET et M. X... et ce à la main sans port de gants conformément à un usage courant ; la nourriture ayant été souillée par les mains du manipulateur et en l'occurrence par M. X..., seul porteur du ténia à l'origine de la contamination des bovins ; si le dommage s'en suivant est bien en lien direct avec l'activité pratique qui était proposée à M. X... dans le cadre de sa formation, il reste qu'aucune faute ne peut lui être reprochée puisqu'il était ignorant de sa maladie et encore moins d'avoir servi la nourriture des bovins à la main comme il était d'usage dans cette exploitation et à l'image même du dirigeant l'encadrant ; ainsi la garantie de Groupama ne peut être non plus retenue sur ce fondement " (arrêt p. 8, 9, 10),
ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du dispositif relatif à la responsabilité de M. X... entraînera, par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant écarté la garantie de la compagnie Groupama, assureur de responsabilité civile de M. X....