N° 11 REV 101
La Commission de révision des condamnations pénales, en sa séance publique tenue au Palais de Justice, à Paris, le quatre juillet deux mille treize, a rendu la décision suivante ;
Sur le rapport de Madame la présidente Radenne, les observations de Maître Noachovitch, avocat de M. X..., de Maître Welzer, avocat des consorts Y..., parties civiles, et celles de Monsieur l'avocat général Sassoust, à l'audience du 10 juin 2013, en présence de M. Moignard, M. Buisson, M. Delbano, Mme Proust, membres de la Commission, Mme Guénée, greffier, à l'issue de laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2013 ;
SAISINE DE LA COUR DE REVISION sur la demande présentée par M. Raphael X... et tendant à la révision de l'arrêt de la cour d'assises des Vosges, en date du 14 mars 1997, qui, pour meurtre et vol aggravé, l'a condamné à dix-sept ans de réclusion criminelle ;
LA COMMISSION DE REVISION,
Vu la demande susvisée ;
Vu les mémoires produits ;
Vu les articles 622 et suivants du code de procédure pénale ;
II résulte du dossier ayant abouti à la condamnation dont la révision est sollicitée, que le cadavre dénudé de Valérie Y... a été découvert, le lundi 12 août 1991, vers 13 h 15, dans la forêt de Thaon-les-Vosges.
L'expert, qui a procédé à l'examen du corps puis à l'autopsie, a estimé que le décès, imputable à une asphyxie mécanique entraînée par des manoeuvres de strangulation au lien, mais aussi manuelles, avait dû intervenir dans un délai de trois à cinq minutes, " temps nécessaire pour entraîner une anoxie cérébrale irréversible puis la mort ". Il a relevé la présence d'une ecchymose médio-occipitale, signifiant que l'agresseur avait cherché au cours des manoeuvres de strangulation à neutraliser la victime par un traumatisme crânien. Il a constaté des traces de violences diffuses superficielles à type d'ecchymose et de dermabrasions, notamment au niveau de la face, de la région lombaire, du flanc droit, des fesses, des membres supérieurs et inférieurs, ainsi que quarante-neuf plaies ponctiformes superficielles au niveau du cou, du thorax, du dos, du membre supérieur droit et des deux cuisses, ayant été provoquées du vivant de la victime par un instrument pointu et piquant, mais n'ayant joué aucun rôle dans le décès. Il n'a mis en évidence aucune trace de violence sexuelle.
Les investigations dans le pavillon, où Valérie Y... résidait, seule, en l'absence de ses parents,..., ont permis de trouver de petites taches de sang dans sa chambre ainsi que sur le trajet menant de cette pièce au garage. Leur présence a été constatée par sa soeur, dès le dimanche 11 août 1991 vers 11 heures. La jeune fille a été vue pour la dernière fois le même jour vers 1 h 30 du matin, à Thaon-les-Vosges, où elle a repris son véhicule afin de rentrer chez elle.
L'enquête menée dans l'entourage de la victime a abouti à l'arrestation, le 13 septembre 1991, de M. Yann E..., qui avait menti sur l'heure à laquelle il avait regagné son domicile. En outre, il avait été désigné, hors procédure, par M. X..., comme pouvant avoir dérobé, chez la victime, le magnétoscope dont la disparition avait été constatée dans la matinée du 11 août.
M. E..., qui a fini par reconnaître sa participation au vol du magnétoscope et au transport du corps, a toujours affirmé n'avoir ni assisté ni participé au meurtre, dont il a accusé M. X.... Il a indiqué que, dans la nuit du samedi 10 au dimanche 11 août, après s'être rendu à Girmont dans une discothèque avec M. William F... et avoir raccompagné celui-ci, vers 3 h du matin, à Thaon-les-Vosges, il était allé, à l'improviste, à Epinal, chercher M. X... pour commettre ce vol projeté quelques temps auparavant. La victime qu'ils croyaient absente, était chez elle. M. X..., avec qui elle avait rompu deux ans auparavant, l'avait giflée. A la demande de son ami, il les avait laissés seuls. Il était parti en emportant le magnétoscope. C'est durant son absence que M. X... avait tué Valérie Y.... A son retour, la jeune fille gisait, dénudée, devant la porte de la cuisine. Ils avaient chargé le corps dans sa voiture et l'avaient transporté jusqu'au lieu de sa découverte.
Placé en garde à vue, M. X... a reconnu qu'ils avaient envisagé de dérober ce magnétoscope. Il a, cependant, contesté toute implication dans les faits. Il a affirmé que, rentré vers deux heures, il n'avait pas quitté le domicile de sa soeur, absente de chez elle cette nuit là. Il a admis avoir entretenu une liaison avec Valérie Y... de la fin de l'année 1988 à la fin des vacances 1989, avoir souffert de la rupture et avoir conservé l'espoir de renouer. Il a expliqué que M. E... l'accusait pour se venger de ce que lui-même l'avait mis en cause en révélant le projet de vol du magnétoscope.
Tout au long de l'information, MM. X... et E..., inculpés du chef d'homicide volontaire, ont maintenu leurs dires à quelques variantes horaires près s'agissant de ce dernier. Le juge d'instruction a procédé à deux reconstitutions auxquelles M. X... a refusé de participer. La seconde a révélé que 14 mn 30 avaient été nécessaires pour parcourir le trajet que M. E... a indiqué avoir effectué pendant que M. X... commettait les faits. L'audition de leurs amis a fait ressortir qu'aucun d'eux n'aurait pensé l'un ou l'autre capable de commettre ce meurtre et qu'ils ne croyaient pas davantage M. E..., dont certains ont noté que son comportement avait changé après les faits, capable de dénoncer à tort son ami.
Le 14 avril 1993, alors que le dossier était communiqué pour règlement, M. Claude G..., détenu à compter du 1er avril 1993 à la maison d'arrêt d'Epinal et qui avait été, durant une semaine, auxiliaire de sport avec M. X..., a révélé que sur son insistance, celui-ci, qui s'était montré méfiant, avait fini par lui confier avoir tué " la fille ", qui ne voulait plus sortir avec lui. Il lui avait dit avoir agi en l'absence de son ami, qu'il avait contraint à la transporter jusqu'à une décharge. Là, il l'avait achevée avant d'y abandonner le corps. M. X... a contesté la réalité de ces confidences.
A l'issue de l'information, le juge d'instruction a requalifié les faits de meurtre reprochés à M. E... en vol par effraction et non-assistance à personne en péril. Il a essentiellement retenu, d'une part, que ses déclarations constantes, accréditées par la précision de ses gestes au cours des reconstitutions, la découverte du magnétoscope, ses liens d'amitié avec M. X..., correspondent aux constatations matérielles ainsi qu'aux allées et venues entendues par les voisins et, d'autre part, que sa constitution assez frêle exclut qu'il ait pu, seul, descendre le corps de l'appartement au garage. Il a ordonné la transmission du dossier au procureur général eu égard aux charges pesant à l'encontre de M. X....
Par arrêt du 25 janvier 1996, la chambre d'accusation, après trois suppléments d'information, a ordonné, le renvoi de M. X... devant la cour d'assises des Vosges pour le meurtre de Valérie Y... ainsi que pour le délit connexe de vol aggravé et celui de M. E... pour les délits connexes de vol aggravé, recel de cadavre et non-assistance à personne en péril.
Les charges retenues contre M. X... par cet arrêt sont, pour l'essentiel, les déclarations constantes de M. E... coïncidant, notamment, avec les constatations matérielles et les témoignages de Mme A...
H... et de M. Paul I..., le projet de vol de magnétoscope, l'attitude ambiguë de M. X..., qui, sans révéler sa participation à ce projet, a fait en sorte que les soupçons se portent sur son ami, son incapacité à désigner le second auteur du vol de magnétoscope, à expliquer les accusations de M. E..., lesquelles compte-tenu de leur amitié ne sauraient résulter d'un désir de vengeance, son absence d'alibi, sa tentative de s'en créer un en indiquant à l'un de ses amis qu'il avait passé la nuit dans une discothèque, la réponse " à piquer des gens " donnée lorsqu'on lui avait demandé quel usage pouvait avoir la fourche à viande saisie au domicile de la victime, son attachement pour elle, la lettre qu'il a adressée, le 18 janvier 1992, aux parents de cette dernière la désignant comme son plus bel amour et, enfin, le témoignage de M. G....
Condamné, par arrêt du 14 mars 1997, à dix-sept ans de réclusion criminelle, M. X... a déjà déposé trois précédentes requêtes.
La première a été déclarée irrecevable, son pourvoi en cassation étant toujours en cours.
A l'appui de la deuxième requête, du 29 décembre 1998, il a produit, notamment, une attestation de M. Alain J..., selon laquelle en mars ou avril 1993 alors qu'il était détenu à la maison d'arrêt d'Epinal, il avait entendu, dans le bureau de M.
K...
, M. G... se vanter d'attendre une belle somme d'argent, ce qui l'avait conduit à effectuer un rapprochement avec les accusations portées contre M. X.... Cette requête a été rejetée le 17 mai 1999, en raison du caractère tardif et non circonstancié de cette attestation.
La troisième requête, du 8 avril 2005, soutenait que les pièces remises, notamment l'attestation établie par le professeur Patrice L..., expert ayant procédé à l'autopsie du corps de Valérie Y..., établissaient que la victime était décédée dans la nuit du dimanche 11 au lundi 12 août, date pour laquelle il disposait d'un alibi.
Cette requête a donné lieu à un supplément d'information. Le professeur L... et M. E... ont été entendus. Deux experts, le professeur M... et le Docteur N... ont été commis, notamment, pour déterminer l'heure du décès. Dans leur rapport, déposé le 21 avril 2006, ils ont estimé que Valérie Y... était décédée, le dimanche 11 août entre 2 heures et 6 heures du matin, à la suite d'une strangulation au seul lien mou. Ecartant toute strangulation manuelle, ils ont estimé que, compte-tenu de l'âge de la victime, un délai d'environ dix minutes avait été nécessaire pour provoquer sa mort par asphyxie par strangulation au lien.
Cette troisième requête a été rejetée par décision du 11 septembre 2006, aux motifs que les éléments produits par M. X..., qui n'établissaient pas que le décès était survenu dans la nuit du 11 au 12 août, n'étaient pas de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité et que la crédibilité des déclarations de MM E... et G... avait été discutée tant par l'arrêt de mise en accusation que devant la cour d'assises.
La présente requête, qui reprend les éléments précédemment développés, se fonde pour l'essentiel sur la mise en examen de M. E... pour le meurtre de son épouse, Charlène O..., commis le 18 juillet 2011. Elle invoque, d'une part, les similitudes entre les deux affaires, notamment, quant à la situation des victimes et au mode opératoire, d'autre part la mise en lumière de la réelle personnalité de M. E... remettant en cause la crédibilité de ses accusations.
L'obtention de la copie du dossier d'information ouvert à la Rochelle permet de confirmer que M. E... a été mis en examen, le 20 juillet 2011, pour l'assassinat de Charlène O..., dont il était en instance de divorce. Le corps, a été découvert, le 18 juillet 2011, vers 20 heures, au domicile de M. E.... Celui-ci a été interpellé, le même jour à 21 h 45, dans la rue en possession de la carte bancaire de la victime à l'aide de laquelle il avait retiré de l'argent et réglé diverses dépenses, dont la chambre d'hôtel dans laquelle se trouvaient ses deux valises et son chien.
L'expert, qui a procédé, à l'autopsie a conclu que le décès était consécutif à une hémorragie externe majeure due à des lésions du cuir chevelu associée à une asphyxie par strangulation, sans que la part exacte des deux causes puisse être déterminée. Il a relevé la présence d'un hématome intra-cérébral, de lésions superficielles et d'ecchymoses multiples, sur le corps, " avec des groupes d'ecchymoses arrondies disposées en grappe prédominants au niveau des deux avant bras et des deux genoux ", ainsi qu'une lésion anale concomitante aux faits. Dans une expertise complémentaire, il a estimé que cette lésion, compatible avec une pénétration forcée, était antérieure aux lésions mortelles.
M. E..., qui, lors de son interpellation, présentait uniquement une griffure au-dessus de l'oeil et un oedème de la main droite, a expliqué que les faits s'étaient déroulés en deux temps. Lors d'un premier épisode, ils avaient échangé des coups réciproques et avaient tous deux été blessés. Couverts de sang, ils s'étaient baignés ensemble. Il avait lavé leurs vêtements avec les draps du lit. Lorsque son épouse lui avait annoncé qu'elle avait rencontré quelqu'un d'autre, il avait " vu rouge " et l'avait étranglée, puis il était parti.
Il a été établi que les voisins ont entendu une bagarre, qui a cessé à 14 h 30, suivie d'un bruit d'écoulement d'eau provenant de la salle de bains ayant duré un certain temps, qu'à 15 h 47, M. E... a réglé des bières avec la carte bancaire de la victime et qu'à 17 h 30, il a été vu quitter son appartement avec ses bagages et son chien.
Confronté à ces éléments, il a réaffirmé l'existence de deux scènes de violences, entrecoupées d'une réconciliation au cours de laquelle son épouse lui avait remis sa carte bancaire ainsi que son code pour l'achat des bières. Il a reconnu qu'il n'avait pas été blessé et a prétendu que la victime s'était baignée seule. Pour l'étrangler, il avait utilisé d'abord le creux de son bras droit, puis la serviette retrouvée près du corps. Malgré la lésion anale, il a nié tout viol. Le 23 octobre 2012, il a été mis en examen supplétivement de ce chef. Une nouvelle expertise, confiée aux Docteurs B..., C... et D... a confirmé que les lésions anales n'avaient pu être provoquées que par un acte de pénétration.
L'expert psychologue, qui a procédé à l'examen de M. E..., le 5 août 2011, a notamment, conclu " à un profil relevant d'une psychopathie, avec un mode de fonctionnement relevant de la perversité ". Dans le corps de son rapport, il s'est dit frappé " par des points de similitude entre ce passage à l'acte, ce mode opératoire dont l'enchaînement reste difficile à déterminer et le meurtre d'il y a près de 20 ans de Valérie Y..., le sujet minimisant son rôle, et évoquant la décharge pulsionnelle qu'il attribue à son complice ". Il s'est demandé s'il s'agissait " d'un processus d'identification pathologique à un ami en reproduisant son crime avec des points de similitude ", ou d'un " tueur récidiviste, au même mode opératoire, dans ce cas la thèse d'un crime passionnel cède place à un profil psychopathe, intolérant à la frustration, présentant un mode de fonctionnement pervers, avec une indifférence à la souffrance d'autrui ".
L'expert psychiatre a relevé que : " très attaché à renvoyer de lui une image sociale positive, gratifiante et valorisante, (M. E...) peut facilement être exposé à recourir à la falsification et à la déformation de la réalité dans un but immédiatement utilitaire " ; " en situation de contrainte et de frustration ", il serait capable de " développer des réactions comportementales violentes et impulsives, caractérielles, à partir du moment où il n'obtient pas satisfaction de son désir ". Il estime, également, que le meurtre de Charlène O... pourrait résulter de la conjonction de plusieurs facteurs, dont " la participation de cette dynamique à tonalité perverse de la personnalité et de l'appareil psychique, susceptible de le conduire alors facilement à assigner autrui à une position d'objet, de mauvais objet, à partir du moment où l'autre est tenu pour responsable d'une blessure narcissique totalement insupportable pour lui, le vécu négatif ainsi déterminé pouvant fonder l'émergence d'un désir de vengeance et de règlement de compte, y compris dans la disparition et dans la destruction de ce mauvais objet, qu'elle soit réelle dans la mort ou symbolique dans la séparation ".
L'enquêteur de personnalité a relevé que plusieurs des personnes rencontrées ont évoqué la " double personnalité " de M. E..., décrit comme " poli, gentil, charmant, rigolo ", à qui " on donnerait le bon Dieu sans confession ", mais qu'en parallèle, " son immaturité et son besoin permanent de reconnaissance (relevé par tous) l'amènent à se mettre dans des situations extrêmes, où il ne semble plus maître de son destin ", lui-même s'étant surnommé " No Limit ". Il ajoute qu'il peut tromper son entourage et que, selon sa mère, l'alcool aidant, " il peut être agressif si on lui marche dessus ". Il précise que M. E... mesure 170 cm et pèse 55 kg.
La commission de révision a entendu Mme Stéphanie Q..., qui a vécu de juin 1995 à février 2000 avec M. E... dont elle a eu un fils, et qui avait exprimé des doutes quant à son rôle réel dans le meurtre de Valérie Y.... Elle a relaté qu'il n'évoquait jamais des faits, mais qu'au moment du procès d'assises, il lui avait parlé d'un cambriolage ayant mal tourné au cours duquel M. X... avait étranglé Valérie Y.... Etant jeune et amoureuse, elle l'avait cru. Par la suite, en raison de son comportement pervers, elle avait pris contact, vraisemblablement début 2010, avec M. X... pour tenter de savoir ce qui c'était réellement passé, il lui avait répondu qu'étant absent lors des faits il ne pouvait donner aucune précision sur le rôle joué par M. E....
Ont également été entendus M. Pierre R..., dont les parents avaient hébergé M. E... à sa sortie de prison en août 1993, qui a indiqué que, dès 1994, ses liens avec ce dernier, dont il ne partageait ni les mêmes centres d'intérêt ni les mêmes valeurs, s'étaient distendus ; M. F..., qui, la nuit des faits a accompagné M. E... dans la discothèque de Gripport et qui ne se souvient de rien d'autre ; Mme Caroline S..., qui avait passé le début de la soirée avec M. E..., dont elle a été l'amie.
Quant à M. E..., il s'est dit incapable d'expliquer les similitudes entre les deux meurtres, autrement que par le hasard. Il a affirmé ne conserver souvenir que des faits essentiels et ne plus savoir ce qu'il avait fait d'autre la nuit des faits.
La commission a également tenté de déterminer, au vu de l'emploi du temps décrit par M. E... lors de l'information initiale et des déclarations des témoins avec lesquels il avait passé une partie de la soirée ou de la nuit, l'heure à laquelle il avait pu arriver, accompagné de M. X..., chez Valérie Y... puis rentrer chez lui après avoir raccompagné ce dernier, vérifications qui n'avaient pas été faites lors de l'information.
Les investigations effectuées pour vérifier l'attestation de M. J... n'ont pas permis d'en confirmer les termes. Il est, en revanche, apparu que MM. E... et G... avaient pu se rencontrer. Réentendu le 18 septembre 2012, sur commission rogatoire, M. G... a maintenu que M. X..., qu'il a dépeint comme vantard et bavard, lui avait spontanément parlé des faits. Il croit se souvenir qu'il lui avait dit avoir fracassé la tête de la victime avant de l'égorger.
L'arrêt de mise en accusation s'étant fondé, pour apprécier la crédibilité des accusations de M. G..., sur les éléments transmis par le juge d'instruction en charge de l'information portant sur l'assassinat de Zveljko Z..., dont M. G..., qui prétendait y avoir assisté, avait désigné les auteurs, la commission de révision a sollicité la décision de règlement. Le parquet du tribunal de grande instance de Toulon a transmis copie du réquisitoire définitif du 1er février 1994 et de l'ordonnance de non-lieu rendue, le 26 février 1994, intervenus dans cette affaire.
A l'issue de ce supplément d'information, M. X... considère que constituent des éléments nouveaux les similitudes entre les deux meurtres, la personnalité de M. E... telle que décrite par l'ensemble des experts l'ayant examiné en 2011, l'incohérence et le caractère mensonger de ses déclarations démontrés par les investigations effectuées par la commission de révision, la révélation de ce que MM. E... et G... se connaissaient et l'ordonnance de non-lieu mettant en évidence le caractère calomnieux des déclarations de ce dernier.
Le ministère public conclut au rejet de la requête.
L'expertise ordonnée à l'occasion de la précédente requête en révision a confirmé que Valérie Y... était décédée dans la nuit du 10 au 11 août 1991, comme retenu par la décision de condamnation, plus précisément entre 2 heures et 6 heures du matin, et il n'est produit à l'appui de la présente requête aucun élément de nature à remettre en cause cet horaire.
Il ressort de la procédure ayant abouti à la condamnation de M. X... qu'en l'absence d'élément matériel le mettant en cause, les charges pesant à son encontre résultent, pour l'essentiel, d'une part, des déclarations de M. E..., dont la présence au domicile de Valérie Y... la nuit des faits est attestée par ses déclarations, la découverte sur ses indications du magnétoscope ainsi que par les tâches de sang retrouvées sur la moquette arrière de son véhicule et, d'autre part, du témoignage indirect de M. G..., qui assure avoir recueilli ses aveux. Il n'existe pas d'autre témoignage direct impliquant M. X....
Si les autres éléments retenus par l'arrêt de mise en accusation peuvent tendre à crédibiliser les accusations de M. E..., ils paraissent, à eux seuls, insuffisants pour démontrer que, avant de se rendre au domicile de la victime, celui-ci serait allé chercher M. X..., pour mettre à exécution le projet de vol de magnétoscope dont ils avaient précédemment parlé sans fixer de date et pour lequel M. X... avait trouvé un receleur.
Dès lors que M. E... a indiqué être allé chercher M. X..., à l'improviste, vers 3 h 30, l'emploi du temps de ce dernier entre 23 h 30, heure où il a été vu par sa soeur et 2 h du matin, moment où il soutient avoir regagné le domicile de celle-ci, est dénué d'intérêt. En conséquence l'attestation produite à cet égard n'est pas de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité.
S'agissant de la personnalité de M. E..., le procès-verbal de synthèse établi, le 12 mars 1992, à l'issue de l'exécution de la commission rogatoire de curriculum vitae a relevé que celui-ci " laissait entrevoir plusieurs personnalités ", qu'il était dans ¿ une quête permanente d'affection et de reconnaissance ", tout en concluant que ses principaux traits de caractère pouvaient être résumés par " faiblesse et bonté ". L'enquêteur de personnalité, après avoir noté le ton inexpressif avec lequel M. E... relatait les faits, a estimé qu'il s'agissait d'un jeune adulte très malléable, peureux, " incapable d'affronter la moindre divergence, le moindre conflit ", n'ayant jamais fait montre de violence. Les experts psychiatres ont conclu qu'il n'était atteint d'aucune anomalie mentale, mais qu'il présentait une certaine " psycho-immaturité ", confirmée par l'expertise psychologique.
Aussi, si la personnalité de M. E..., telle qu'elle résulte du dossier instruit à La Rochelle, notamment de l'enquête de personnalité, des expertises psychologiques et psychiatriques mais également des déclarations de Mme Q..., qui l'a connu avant le procès d'assises et qui, jamais entendue par cette juridiction, le décrit comme " manipulateur et menteur ", se retournant immédiatement contre ses amis, lorsque ceux-ci " n'adhèrent pas à ses choix ", ainsi que de celles de Mme Nathalie T..., qui a décrit une scène de violence au cours de laquelle il l'avait frappée avant de lui serrer le cou, avait été connue de la juridiction de jugement, il est possible d'envisager que la cour d'assises aurait pu apprécier différemment la crédibilité tant des accusations portées par M. E... que de la défense de M. X..., lequel a toujours soutenu que M. E... cherchait à se venger et à se disculper.
La crédibilité de la version donnée par M. E... du déroulement des faits est également susceptible d'être remise en cause par le rapport des experts commis lors de l'examen de la précédente requête en révision, lesquels ont écarté toute strangulation à main nue et estimé que, compte-tenu de l'âge de la victime, le délai nécessaire pour la tuer avait été de dix minutes environ, et non de trois à cinq minutes comme indiqué par l'expert ayant procédé à l'autopsie.
En effet, il apparaît difficilement vraisemblable que, durant une absence d'une vingtaine de minutes, au plus, M. X... ait pu, seul, porter les coups à l'origine des traces de violences diffuses, autres que celles provoquées par la gifle à laquelle M. E... a admis avoir assisté, infliger les quarante-neuf plaies ponctiformes à l'aide d'un instrument, genre pic à viande ou aiguille à tricoter, trouver et faire disparaître cet instrument, étrangler la victime au lien durant dix minutes avec un torchon ne devant pas se trouver dans la chambre où ont eu lieu les faits, terminer de la déshabiller, transporter son corps devant la cuisine, descendre dans le garage et aller à la rencontre de M. E... à sa descente de voiture.
Cette crédibilité paraît également fragilisée par les vérifications effectuées par la commission à l'aide du site " Via Michelin " afin de déterminer l'heure à laquelle M. E... a pu arriver sur les lieux des faits avec M. X.... Celles-ci, bien que théoriques et approximatives en raison, notamment, de la modification de l'infrastructure routière, confirment néanmoins les indications que MM. F... et E... ont fournies quant au temps nécessaire pour se rendre de Gripport au domicile du premier, puis par M. E... pour se rendre chez M. X.... Ces estimations, qui, en conséquence, ne paraissent pas dénuées de pertinence, font apparaître que MM. E... et X... n'ont pu arriver chez Valérie Y... au plus tôt qu'à 4 h 30 et, plus vraisemblablement, aux alentours de 5 h et qu'ils ont dû en repartir au plus tard à 5 h 10.
Aussi, si les bruits entendus entre 3 h 45 et 4 h 15 par Mme A...
H..., qui séjournait..., au fond du rond-point, correspondent à l'agression de Valérie Y..., il apparaît difficile, voir impossible, que M. X... ait été présent.
Si le véhicule, dont M. Paul I... a entendu une seule portière claquer tant à son arrivée à 5 h 45, qu'à son départ quinze à vingt minutes plus tard, peut correspondre au véhicule de M. E... venant d'Epinal avec M. X..., il est surprenant que M. I... n'ait entendu qu'une seule portière claquer et il est impossible que M. E... soit rentré chez lui aux alentours de 5 h 45 et 6 h. Cette impossibilité demeure, même si, comme envisagé en cours d'instruction, cet épisode correspond au moment où M. E... est revenu sur les lieux, a découvert les faits, avant de transporter le corps et de raccompagner son camarade à Epinal. Il sera, enfin, observé que l'information a démontré que plusieurs personnes demeurant ... ont circulé dans cette impasse, au cours de la nuit.
Par ailleurs, si, malgré les différences constatées, les similitudes entre ces deux meurtres, asphyxie par strangulation, accompagnée d'un traumatisme crânien et de violences diffuses, peuvent s'expliquer par un phénomène de mimétisme, bien que M. E... ait toujours affirmé ne pas avoir assisté au meurtre de Valérie Y..., les faits dont a été victime Charlène O... démontrent que M. E..., qui a conservé la corpulence qu'il avait au moment du meurtre de Valérie Y..., a pu, sans aucune aide, tuer son épouse, laquelle pesait près de vingt kilos de plus que Valérie Y..., transporter son corps et, vraisemblablement le baigner. Cet élément pourrait être considéré comme nouveau et de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de M. X..., dès lors que l'ordonnance de transmission de pièces au procureur général et l'arrêt de mise en accusation se sont fondés sur la différence de corpulence entre les deux inculpés pour considérer que M. E... n'avait pu, en raison de sa frêle constitution, commettre les faits ou, à tout le moins, transporter seul le corps.
S'agissant d'une éventuelle collusion entre MM. E... et G..., les investigations laissant supposer qu'ils ont pu se rencontrer ne suffisent pas à établir ou même à faire présumer une quelconque entente. L'attestation de M. J..., dont les termes sont démentis par MM. G... et K..., n'est pas, davantage susceptible de constituer un élément nouveau. Il en est de même des déclarations de M. K..., moniteur de sport, qui, déjà entendu, n'a fait que confirmer ses déclarations antérieures à la décision de condamnation.
S'il n'est pas contestable qu'en 1996 la sincérité du témoignage de M. G... a été discutée devant la cour d'assises, il apparaît toutefois que la chambre d'accusation, après avoir relevé que la personnalité de M. G... " devrait conduire à ne pas accorder de crédit à ses déclarations ", les a néanmoins retenues, au vu des éléments transmis le 17 septembre 1994 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Toulon, qui ne comprenaient pas le réquisitoire définitif du 1er février 1994 et l'ordonnance du 26 février 1994 ayant prononcé non-lieu au motif que, confrontées aux éléments de l'information initiale, " les affirmations de G... sont fantaisistes ". Ces pièces, bien qu'antérieures à la décision de condamnation, n'ont pas été portées à la connaissance de la juridiction de jugement. Il s'agit, donc, d'éléments nouveaux dont on peut penser que s'ils avaient été connus de la cour d'assises, celle-ci aurait pu être conduite à apprécier différemment la crédibilité des déclarations de M. G....
Enfin, si M. G..., entendu le 18 septembre 2012 sur commission rogatoire, a confirmé avoir recueilli les aveux de M. X..., il a donné de la façon dont il les avait obtenus un récit contredisant celui fourni en cours d'information. Malgré le temps écoulé, cette nouvelle version pourrait également conduire à porter une autre appréciation sur le crédit à apporter à son témoignage.
En l'état de ces éléments, la demande paraît susceptible de pouvoir être admise sur le fondement de l'article 622, 4°. En conséquence, il y a lieu de saisir la Cour de révision, à laquelle il reviendra de décider, à l'issue d'un débat public, s'il y a ou non un doute au sens de la loi.
PAR CES MOTIFS :
SAISIT la chambre criminelle de la Cour de cassation statuant comme Cour de révision de la demande présentée par Raphael X... ;
DIT que la présente décision sera exécutée à la diligence de M. le procureur général près la Cour de cassation.
Ainsi prononcé par Madame Radenne, présidente de la Commission.
En foi de quoi la présente décision a été signée par la présidente et le greffier.