LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 décembre 2011), que Mme X... n'ayant pu obtenir de son ancien compagnon, M. Y..., qu'il lui réglât la somme dont il s'était reconnu débiteur aux termes d'une reconnaissance de dettes portant la précision que le remboursement interviendrait lors de la vente de sa maison et « dans le cas de (son) décès », l'a assigné en paiement de ladite somme et de diverses factures de travaux qu'elle déclarait avoir acquittées ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes , alors, selon le moyen :
1°/ que toute clause vidant l'obligation de sa substance est nulle et doit être réputée non écrite ; qu'une clause selon laquelle un emprunteur s'engage à ne rembourser « qu'en cas de vente de la maison et uniquement dans le cas de mon décès », laisse à la discrétion de l'emprunteur la fixation de l'époque du remboursement et vide ainsi l'obligation de restitution de toute substance ; qu'en considérant cette clause licite, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1134, 1135, 1174, 1892, 1900 et 1901 du code civil ;
2°/ que le bénéficiaire d'un prêt qui a reconnu l'existence de celui-ci dans une reconnaissance de dette ne peut unilatéralement ajouter à la dette contractée une nouvelle condition ; qu'en l'espèce il est constant que la reconnaissance de dette rédigée de la main de M. Y... constatait devoir à Mme X... la somme de 228 673,53 euros ; qu'en stipulant unilatéralement que cette dette « sera remboursée lors de la vente de la maison et uniquement dans le cas de mon décès », M. Y... a ajouté unilatéralement au prêt consenti ; qu'en refusant de faire droit à la demande de remboursement de Mme X... aux motifs que la dette reconnue n'était pas exigible du moment que le terme unilatéralement stipulé par M. Y... n'était pas atteint, la cour d'appel a violé les articles 1174 et 1337 du code civil ;
3°/ que la reconnaissance de dette n'emporte pas novation de l'obligation initiale ; que le remboursement d'un prêt pour lequel il n'est stipulé aucun terme est exigible sur demande du prêteur, sauf octroi d'un délai par le juge suivant les circonstances ; qu'en l'espèce il ressort de la reconnaissance de dette litigieuse que M. Y... a reconnu devoir à Mme X... la somme de 228 673,53 euros ; qu'il a ajouté à cette reconnaissance de dette en stipulant que « cette somme lui sera remboursée lors de la vente de la maison et uniquement dans le cas de mon décès » ; que M. Y... ne pouvait modifier unilatéralement l'obligation de restitution initiale ; qu'en refusant de faire droit à la demande de remboursement de Mme X... aux motifs que la dette reconnue n'était pas exigible du moment que le terme unilatéralement stipulé par M. Y... n'était pas atteint, la cour d'appel a violé les articles 1174, 1271, 1899, 1900 et 1901 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la maison avait été vendue, la cour d'appel qui a examiné la régularité de la reconnaissance de dette au regard de la condition tenant à la survenance du décès de M. Y..., a retenu à bon droit que cette condition n'entachait pas de nullité la reconnaissance de dette et que Mme X... ne pouvait obtenir le paiement de la somme litigieuse avant sa réalisation ;
Que le moyen, nouveau et partant irrecevable en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé en sa première branche ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait reproche à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de diverses factures qu'elle a acquittées, alors, selon le moyen :
1°/ que le rejet de la demande fondée sur l'existence d'un contrat de prêt rend recevable la demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause ; qu'en rejetant la demande de Mme X... sur ce fondement, au seul motif que Mme X... ne démontrait pas l'existence d'une convention relative au remboursement du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil ;
2°/ qu'à défaut d'intention libérale, il y a enrichissement sans cause dès lors qu'une personne a amélioré l'état et la qualité d'un bien qui lui appartient en propre et dont il a la jouissance exclusive grâce aux fonds de son concubin qui n'en a pas reçu contrepartie ; qu'en refusant de faire droit à l'action en restitution de Mme X... aux motifs qu'elle ne démontrait pas l'existence d'une convention entre les parties, sans constater l'intention libérale de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme X... ne démontrait pas l'existence d'une convention portant sur le remboursement du montant des factures, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait être admise à pallier sa carence dans l'administration d'une telle preuve par l'exercice d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause ; qu'aucun des griefs du moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame X... ;
AUX MOTIFS QUE « sur la condition prévue à la reconnaissance de dette, selon la reconnaissance de dette, la somme sera remboursée lors de la vente de la maison uniquement dans le cas du décès de M. Y.... Madame X... en déduit que la première condition s'analyse en une condition potestative qui entraîne la nullité de la clause relative au remboursement sur le fondement de l'article 1174 du Code civil ; que cependant, cette condition étant survenue puisque la maison considérée a été vendue, ladite clause n'a plus lieu d'être retenue et la régularité de cette reconnaissance de dette doit être examinée à l'exclusion de cette clause ; que dès lors, elle n'est pas nulle mais le versement de la somme mentionnée ne peut être exigé avant le décès de M. Y.... Madame X... ne peut donc prétendre obtenir aujourd'hui le paiement de la somme correspondant à la reconnaissance de dette ; que pour ce motif, la Cour décide que la reconnaissance de dette n'est pas nulle mais que le terme du prêt n'est pas atteint » ;
ALORS QUE 1°) toute clause vidant l'obligation de sa substance est nulle et doit être réputée non écrite ; qu'une clause selon laquelle un emprunteur s'engage à ne rembourser « qu'en cas de vente de la maison et uniquement dans le cas de mon décès », laisse à la discrétion de l'emprunteur la fixation de l'époque du remboursement et vide ainsi l'obligation de restitution de toute substance ; qu'en considérant cette clause licite, la Cour d'appel a violé les articles 1131, 1134, 1135, 1174, 1892, 1900 et 1901 du Code civil ;
ALORS QUE 2°) le bénéficiaire d'un prêt qui a reconnu l'existence de celui-ci dans une reconnaissance de dette ne peut unilatéralement ajouter à la dette contractée une nouvelle condition ; qu'en l'espèce il est constant que la reconnaissance de dette rédigée de la main de Monsieur Y... constatait devoir à Madame X... la somme de 228.673,53 ¿ ; qu'en stipulant unilatéralement que cette dette « sera remboursée lors de la vente de la maison et uniquement dans le cas de mon décès », Monsieur Y... a ajouté unilatéralement au prêt consenti ; qu'en refusant de faire droit à la demande de remboursement de Madame X... aux motifs que la dette reconnue n'était pas exigible du moment que le terme unilatéralement stipulé par Monsieur Y... n'était pas atteint, la Cour d'appel a violé les articles 1174 et 1337 du Code civil ;
ALORS QUE 3°) la reconnaissance de dette n'emporte pas novation de l'obligation initiale ; que le remboursement d'un prêt pour lequel il n'est stipulé aucun terme est exigible sur demande du prêteur, sauf octroi d'un délai par le juge suivant les circonstances ; qu'en l'espèce il ressort de la reconnaissance de dette litigieuse que Monsieur Y... a reconnu devoir à Madame X... la somme de 228.673,53 ¿ ; qu'il a ajouté à cette reconnaissance de dette en stipulant que « cette somme lui sera remboursée lors de la vente de la maison et uniquement dans le cas de mon décès » ; que Monsieur Y... ne pouvait modifier unilatéralement l'obligation de restitution initiale ; qu'en refusant de faire droit à la demande de remboursement de Madame X... aux motifs que la dette reconnue n'était pas exigible du moment que le terme unilatéralement stipulé par Monsieur Y... n'était pas atteint, la Cour d'appel a violé les articles 1174, 1271, 1899, 1900 et 1901 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame X... ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de Madame X... en paiement de la somme de 27.267,95 ¿, Madame X... sollicite le remboursement de cette somme qu'elle a versée à des entrepreneurs en paiement de travaux effectués sur l'immeuble de M. Y... ; que par le jugement déféré, le Tribunal a écarté ce chef de demande en retenant que Madame X... ne démontrait pas l'existence d'une convention entre eux relative au remboursement de cette somme ; que devant la Cour, Madame X..., pour obtenir le remboursement de cette somme invoque l'enrichissement sans cause ; que cependant l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouvert au demandeur ; qu'elle ne peut l'être notamment pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter parce qu'il ne peut apporter les preuves qu'elle exige. »
ALORS QUE 1°) le rejet de la demande fondée sur l'existence d'un contrat de prêt rend recevable la demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause ; qu'en rejetant la demande de Madame X... sur ce fondement, au seul motif que Madame X... ne démontrait pas l'existence d'une convention relative au remboursement du prêt, la Cour d'appel a violé l'article 1371 du Code civil ;
ALORS QUE 2°) à défaut d'intention libérale, il y a enrichissement sans cause dès lors qu'une personne a amélioré l'état et la qualité d'un bien qui lui appartient en propre et dont il a la jouissance exclusive grâce aux fonds de son concubin qui n'en a pas reçu contrepartie ; qu'en refusant de faire droit à l'action en restitution de Madame X... aux motifs qu'elle ne démontrait pas l'existence d'une convention entre les parties, sans constater l'intention libérale de Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article 1371 du Code civil.