LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Alphonsine X..., veuve Y..., est décédée le 14 janvier 1998, en l'état d'un testament instituant son unique enfant, M. Y..., époux de Mme A..., légataire universel à la condition que le legs entre en communauté ; que M. Y... est entré en possession de l'actif successoral constitué de valeurs mobilières ; qu'après le prononcé du divorce par un jugement du 29 août 2005, M. Y... a contesté le projet d'état liquidatif prévoyant l'inscription, à l'actif de communauté, de la totalité des valeurs mobilières qu'il avait encaissées et, invoquant la réserve héréditaire, demandé que cette inscription fût limitée à 50 % du montant de l'actif successoral ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen qui est recevable :
Vu l'article 913 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant débouté M. Y... de sa demande, après avoir constaté qu'il avait demandé personnellement le règlement du montant des sommes faisant l'objet du legs à l'organisme en charge de leur gestion, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que si M. Y... entend faire protéger son droit d'héritier réservataire pour limiter les effets du legs à la quotité disponible, il n'a pas entendu user de cette faculté lors des opérations de liquidation de la succession de sa mère de sorte qu'il ne peut s'en prévaloir dans cette instance alors que la succession de sa mère est close et qu'il l'a acceptée ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. Y... n'avait pas mis les biens légués à la disposition de la communauté, de sorte qu'il ne pouvait en être déduit qu'il eût renoncé au droit d'exiger le cantonnement du legs à la quotité disponible, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. Y... tendant à la reprise de 50 % des sommes constituant le legs universel consenti par sa mère par testament, l'arrêt rendu le 6 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement, débouté Monsieur André Y... de sa demande tendant à la reprise de 50 % des sommes constituant le legs universel consenti par sa mère par testament ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le premier juge a justement considéré, par des motifs pertinents que la Cour adopte, qu'il convenait de débouter Monsieur Y... de sa demande tendant à voir limiter la donation consentie par sa mère à la communauté des époux Y...
A... à la quotité disponible » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le projet d'état liquidatif mentionne que Monsieur Y... a recueilli la succession de sa mère pendant le mariage ; que sa mère est décédée le 14 janvier 1998 ; que Maître B... indique que la mère de Monsieur Y... a institué Monsieur André Y... légataire universel de ses biens à conditions que les produits de son legs tombent en communauté ; qu'or, selon le même notaire, il est établi que Monsieur Y... a demandé personnellement le règlement du montant total des sommes faisant l'objet du legs à l'organisme en charge de leur gestion, soit l'équivalent en francs de 114.333,76 ¿ ; que le notaire conclut donc que l'actif de communauté doit se trouver augmenté de ce montant ; que Monsieur Y... conteste cette analyse, faisant valoir qu'il faut tenir compte de sa réserve héréditaire ; que, selon lui, il a droit à la reprise de 50 % de 114.336,76 ¿ ; que Madame A... soutient au contraire qu'en tout état de cause, Monsieur Y... ayant droit à une réserve héréditaire portant sur 50 % des actifs de la succession de sa mère, il est rempli de ses droits par le testament établi du fait qu'à la dissolution de la communauté ses droits sur l'actif s'élèvent à 50 % ; que l'article 1405 du Code civil dispose que "restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu'ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs. La libéralité peut stipuler que les biens qui en font l'objet appartiendront à la communauté. Les biens tombent en communauté, sauf stipulation contraire, quand la libéralité est faite aux deux époux conjointement. Les biens abandonnés ou cédés par père, mère ou autre ascendant à l'un des époux, soit pour le remplir de ce qu'il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur à des étrangers, restent propres, sauf récompense". L'article 912 du Code civil dispose que "la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'il l'acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités". L'article 913 alinéa 1 du Code civil dispose que "les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse son décès qu'un enfant ; le tiers, s'il laisse deux enfants ; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre" ; qu'il ressort de la déclaration de succession de Madame X..., que celle-ci a institué André Y... légataire universel des biens de la succession, à charge pour lui de les faire entrer dans la communauté de biens réduite aux acquêts constituée avec Madame A... ; que, par ailleurs, Monsieur André Y... était le seul ayant-droit de Madame X... veuve Y... en qualité de fils unique ; que, par conséquent, alors qu'à défaut de legs, Monsieur Y... aurait été bien fondé à percevoir 100 % de l'actif de la succession, sa mère a consenti une libéralité avantageant la communauté et donc l'épouse de son fils ; que Monsieur Y... entend faire protéger son droit d'héritier réservataire pour limiter les effets du legs à la quotité disponible ; que, cependant, il n'a pas entendu user de cette faculté lors des opérations de liquidation de la succession de sa mère ; qu'il ne peut donc s'en prévaloir dans cette instance alors que la succession de Madame X... veuve Y... est close et qu'il l'a acceptée ; que, par ailleurs, l'actif successoral net de la succession de Madame X... veuve Y..., déduction faite des droits de mutation s'élevait au jour de la déclaration de succession à 553.315,50 francs, soit 81.303,42 ¿ ; que Monsieur Y... et Madame A... estiment que l'actif successoral de la succession de la mère de Monsieur Y... s'est en fait élevé à 114.336,76 ¿ en principal, cette somme représentant la valeur de titres UNOFI souscrits par Madame X... ; que cette somme doit donc être portée à l'actif de la communauté ; que Monsieur Y... ne conteste pas qu'il a prélevé cette somme à son profit personnel et qu'il l'a encaissée ; que le projet d'état liquidatif qui prévoit le rétablissement à la communauté de la somme par Monsieur Y... est donc entériné sur ce point ; que Monsieur Y... est débouté de sa demande » ;
ALORS QUE la réduction des libéralités excessives peut s'opérer au moyen d'une exception de réduction permettant à l'héritier dont la réserve n'a pas été respectée d'écarter, tant que le légataire n'a pas pris possession du bien légué, la délivrance du legs excédant la quotité disponible ; qu'en rejetant la demande de Monsieur Y... tendant à voir juger qu'il n'avait à rapporter à l'actif de la communauté des ex-époux, légataire universelle des biens de la succession de sa mère dont il était l'unique héritier, que 50 % de l'actif de ladite succession, motif pris qu'il n'avait pas entendu user de cette faculté lors des opérations de liquidation de la succession, qui était close et qu'il avait acceptée, tout en constatant que Monsieur Y... avait prélevé la somme correspondante à son seul profit, ce dont il résultait que la communauté n'avait pas pris possession des biens légués, de sorte que c'est une exception de réduction que Monsieur Y... opposait à la demande d'homologation du projet d'état liquidatif, présentée par Madame A... et prévoyant l'intégration de l'actif successoral à l'actif de la communauté, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait nécessairement que Monsieur Y... n'avait pas renoncé à obtenir la réduction du legs portant atteinte à la réserve et violé les articles 920 et 921 du Code civil dans leur rédaction applicable à la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement, entériné le projet d'état liquidatif du régime matrimonial des époux en ce qu'il avait porté au crédit du compte d'administration de Monsieur Y... la perte de valeur du fonds de commerce à hauteur de 45.000 ¿ ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Monsieur Y... s'est donc comporté comme seul et unique propriétaire du fonds de commerce de la communauté à compter de l'assignation en divorce jusqu'à ce qu'il cesse d'exploiter « Monsieur Y... s'est donc comporté comme seul et unique propriétaire du fonds de commerce de la communauté à compter de l'assignation en divorce jusqu'à ce qu'il cesse d'exploiter "le 1er juillet 2006 pour cause de départ en retraite" ; que, durant cette période, l'appelant a donc géré et administré seul un bien de communauté ; qu'il doit rendre compte de sa gestion à ladite communauté, conformément aux dispositions tirées de l'article 815-13 du Code civil ; que Monsieur Y... avait trouvé des acquéreurs pour ce fonds de commerce, avec lesquels une promesse de vente avait été signée le 22 juin 2006, moyennant le prix de 55.000 ¿ ; qu'il affirme que ces acquéreurs n'auraient pas obtenu le prêt nécessaire à son acquisition mais qu'il ne justifie pas de ses affirmations, comme ne communiquant aucune pièce à cet effet ; que le comportement de l'appelant dans sa gestion du fonds de commerce de communauté est donc doublement fautif, tout d'abord en abandonnant son exploitation du jour au lendemain sans s'assurer que sa vente était finalisée, et d'autre part en ne prévenant pas son ex-épouse de cette situation ; que Monsieur Y... a donc, par ce comportement fautif, laissé dépérir la valeur dudit fonds puisque celui-ci, que les époux avaient acheté pour 500.000 francs (76.224,51 ¿) n'a été vendu que pour la somme de 5.000 ¿, le 9 novembre 2007 ; qu'il existe donc un lien de causalité direct entre ce comportement fautif et la perte de valeur dudit fonds ; qu'en conséquence, pour ces motifs et ceux tout aussi pertinents du premier juge que la Cour adopte, c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'au visa de l'article 815-13 du Code civil, Monsieur Y... devait répondre de la perte de valeur du fonds de commerce de communauté, et ce à hauteur de la somme de 45.000 ¿ retenue dans le projet d'état liquidatif » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES « sur la contestation par Monsieur Y... de l'imputation au crédit de son compte d'administration de la perte de valeur du fonds de commerce, qu'il indique que Madame A... pouvait maintenir l'activité commerciale du fonds si elle le souhaitait car elle était seule inscrite au registre du commerce ; que Madame A... expose que son époux a mis en vente le fonds de commerce en novembre 2005 dans l'en aviser et qu'il a cessé toute activité en juin 2006, après qu'une offre d'achat lui a été faite pour le montant de 55.000 ¿ ; qu'or, la promesse de vente n'a pas abouti et les éléments subsistants du fonds de commerce ont été vendus en 2007 pour le montant de 10.000 ¿ ; qu'il ressort des faits de l'espèce que Madame A... n'a pas exploité le fonds de commerce de crêperie acquis avec son époux mais que seul Monsieur Y... en a assuré l'exploitation ; que l'article 815-13 du Code civil dispose que "lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés. Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute" ; que, par conséquent, Monsieur Y..., qui gérait le bien indivis lors de sa vente, doit répondre de la baisse de la valeur du bien dès lors qu'il est établi un lien de cause à effet entre la cessation de l'exploitation et sa perte de valeur ; que le projet d'état liquidatif du régime matrimonial des époux est donc entériné sur ce point » ;
1°) ALORS QU'au soutien du moyen selon lequel il n'était pas responsable de la perte de valeur du fonds de commerce, Monsieur Y... faisait valoir en cause d'appel que l'activité commerciale ne pouvait continuer que moyennant une mise aux normes importante concernant l'hygiène et la sécurité dans les cuisines et que cette mise aux normes justifiait un investissement important que l'activité ne pouvait supporter ; qu'en lui imputant à faute l'abandon de la gestion du fonds de commerce pour lui faire supporter à hauteur de 45.000 ¿ la perte de valeur de celui-ci sans répondre à ce moyen pertinent, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en fondant sa décision sur le fait que le fonds de commerce, acheté pour l'équivalent de 76.224,51 ¿, n'avait été vendu que pour la somme de 5.000 ¿, tandis que, dans ses conclusions d'appel, Madame A... reconnaissait que les éléments subsistants du fonds ainsi que la licence d'exploitation avaient été cédés pour la somme globale de 10.000 ¿, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.