LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1315 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création et indépendamment de toute divulgation publique, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ; que la contrefaçon de cette oeuvre résulte de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d'une source d'inspiration commune ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., indiquant être l'auteur d'un roman intitulé "L'héritage du lobotomisé" et soutenant que plusieurs épisodes de la série télévisée dénommée "Plus belle la vie", diffusée sur la chaîne France 3, en reprenaient le thème, l'intrigue et les personnages principaux, a engagé une action en contrefaçon de droits d'auteur et atteinte à son honneur à l'encontre de la société France télévisions, en sa qualité de diffuseur, et des sociétés Telfrance et associés, devenue TF et associés, et Rendez-vous production série, producteurs de la série litigieuse ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en contrefaçon, l'arrêt, après avoir énoncé que le demandeur à la contrefaçon doit établir que l'auteur de l'oeuvre seconde a, suivant les circonstances propres à chaque espèce, été mis à même d'avoir eu connaissance de l'oeuvre première, retient que M. X... ne rapporte pas la preuve de ce que les producteurs et le diffuseur de la série "Plus belle la vie" aient pu avoir connaissance du roman dont il est l'auteur avant l'écriture du scénario et le tournage des épisodes prétendument contrefaisants, ni même avant leur diffusion ;
Qu'en statuant ainsi, alors que c'est au contrefacteur prétendu qu'il incombe de prouver qu'il n'a pu accéder à l'oeuvre, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, partant violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que ce qu'il déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon, l'arrêt rendu le 6 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les sociétés TF et associés, Rendez-vous production série et France télévisions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés TF et associés, Rendez-vous production série et France télévisions et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon ;
AUX MOTIFS QUE M. Norbert X... fait valoir que les intimés ont pu avoir connaissance de son roman « l'Héritage du lobotomisé » et avoir plagié celui-ci dans les épisodes litigieux de la série « Plus belle la vie » ; qu'il indique être membre depuis le 1er avril 2009 de l'association des auteurs autoédités, date à laquelle il a mis en ligne et proposé à la vente sur le site de cette association son roman, soit à une date antérieure à celle de la diffusion du premier épisode comportant des éléments contrefaits le 4 juin 2009 ; qu'il ajoute que les courriels d'éditeurs accusant réception de l'envoi de son manuscrit constituent la preuve de la diffusion de celui-ci antérieurement à la diffusion, à partir du mois de juin 2009, des épisodes de la série « Plus belle la vie » plagiant son roman ; qu'enfin, il déclare verser aux débats deux contrats de commercialisation de son ouvrage, reçus avant le plagiat ; que pour sa part, la société France Télévision fait valoir que M. Norbert X... ne justifie pas de façon certaine et probante de la date de mise en ligne de son roman ni même de son contenu, les documents produits se bornant à faire référence au titre d'une oeuvre, sans attester valablement de son contenu à l'époque ; que la SAS TF et associés et la SAS Rendez-Vous font valoir que M. Norbert X... n'a signé aucun contrat d'édition avant la diffusion des épisodes prétendument contrefaisant et qu'aucune des pièces produites ne démontre que le roman « L'héritage du lobotomisé » a été diffusé sur internet ou vendu avant la diffusion des épisodes litigieux et que les producteurs out pu en avoir eu connaissance avant l'écriture de ces épisodes ; que ceci étant exposé, les épisodes prétendument contrefaisant de la série « Plus belle la vie » sont, selon M. Norbert X..., les épisodes 1245 à 1289 diffusés à la télévision du 4 juin 2009 au 27 août 2009 et les épisodes 1455 à 1461 diffusés du 30 avril 2010 au 10 mai 2010, étant précisé que l'écriture des scénarios et le tournage des épisodes sont nécessairement antérieurs à ces dates ; que le demandeur à la contrefaçon doit établir que l'auteur de l'oeuvre seconde a, suivant les circonstances propres à chaque espèce, été mis à même d'avoir eu connaissance de l'oeuvre première ; qu'il appartient dès lors à M. Norbert X... de rapporter la preuve de la date à laquelle son roman « L'héritage du lobotomisé » a été porté à la connaissance du public ; que l'attestation en date du 28 juillet 2009 au nom de M. Michel Y..., en sa qualité de président de l'association des auteurs autoédités est un document dactylographié comportant une signature illisible, qu'elle n'est accompagnée d'aucun document justifiant de l'identité de son auteur et de sa signature et ne répond pas aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'un tel document, établi sur une feuille sans en-tête, entièrement dactylographié, sans aucune justification de l'identité de son auteur supposé ne présente donc pas de garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour et ne peut donc être retenu comme un élément de preuve suffisant ; que par ailleurs, l'impression d'écran de la page du site internet de l'association des auteurs autoédités relative à la mise en vente du roman ne comporte aucune date et ne peut donc également pas constituer un élément probant ; que les courriels émanant d'éditeurs ne sont que des réponses à l'envoi, par M. Norbert X..., de son tapuscrit sans qu'aucun d'eux ait entrepris d'en assurer la publication ; qu'une de ces maisons d'éditions (représentée par Mme Amandine Hervagault) certifie même ne pas avoir donné suite à cet envoi et n'avoir jamais diffusé ce manuscrit « de quelque manière que ce soit par (ses) services » ; que le contrat de fabrication, diffusion et commercialisation du roman litigieux, passé entre M. Norbert X... et la société Éditions Velours ne comporte aucune date et que si le contrat de publication passé avec la société Edilivre a été signé le 20 janvier 2010, il ressort de l'attestation susvisée de M. François Z... que ce roman n'a été disponible au format papier et électronique sur la librairie en ligne de cette maison d'édition qu'à partir de la fin du mois d'avril 2010 ; qu'enfin, l'impression écran d'une page d'un site internet mentionnant le nombre de consultations en ligne du roman litigieux depuis sa publication n'établit pas davantage que celui-ci ait été diffusé sur internet avant la diffusion, en 2009 et en 2010 des épisodes en cause de la série « Plus belle la vie » ; qu'en effet, bien au contraire, le graphique statique du nombre total de consultations en ligne du roman depuis sa publication (473) ne commence qu'au mois de janvier 2011 ; qu'il n'est donc pas rapporté la preuve par M. Norbert X... de ce que les producteurs et le diffuseur de la série « Plus belle la vie » aient pu avoir connaissance du roman « L'héritage du lobotomisé » avant l'écriture du scénario et le tournage des épisodes prétendument contrefaisant, ni même avant leur diffusion et qu'ils aient pu ainsi se rendre coupables d'actes de contrefaçon de ce roman ;
1°) ALORS QUE l'auteur d'un livre jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et indépendamment de toute divulgation publique, d'un droit de propriété incorporel opposable à tous, lui permettant de rechercher la responsabilité de toute personne qui le reproduit, l'adapte ou s'en inspire sans son autorisation ; que dès lors, en retenant, pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de la contrefaçon qu'il n'était pas établi que les producteurs et le diffuseur de la série « Plus belle a vie » avaient eu connaissance du roman « L'héritage du Lobotomisé » avant l'écriture du scénario, le tournage et la diffusion des épisodes litigieux en raison de ce que M. X... ne démontrait pas que son roman avait été portée à la connaissance du public à cette date, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance inopérante, a violé les articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'auteur d'un livre jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et indépendamment de toute divulgation publique, d'un droit de propriété incorporel opposable à tous, lui permettant de rechercher la responsabilité de toute personne qui le reproduit, l'adapte ou s'en inspire sans son autorisation ; que dès lors, en se bornant à énoncer que M. X... n'établissait que son roman « L'héritage du Lobotomisé » ait été porté à la connaissance des producteurs et du diffuseur de la série « Plus belle a vie » avant l'écriture du scénario, le tournage et la diffusion de des épisodes litigieux, sans analyser les deux oeuvres et rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette connaissance ne découlait pas nécessairement des similitudes flagrantes existant entre elles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE la production 6 des pièces de l'exposant, à savoir l'impression d'écran de la page du site internet de l'association des auteurs autoédités relative à la mise en vente du roman de M. X..., comporte en bas à droite la date d'impression « 28/07/2009 » ; que dès lors en énonçant, pour considérer que ce document ne permettait pas d'établir que l'oeuvre de M. X... ait été portée à la connaissance du publique avant la diffusion des épisodes litigieux, entre le 4 juin et le 27 août 2009 et entre le 30 avril et le 10 mai 2010, qu'il ne comportait aucune date, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°) ALORS, en outre, QUE M. X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 2-3, 9-10) que, par lettre recommandée en date du 15 août 2009 (production 4 des pièces), puis de nouveau dans le cadre de la procédure de référé devant le tribunal de grande instance de Paris, il avait adressé à la société Telfrance Série un exemplaire de son roman, de sorte que les auteurs de la série avaient nécessairement pris connaissance de son contenu avant la création des épisodes diffusés du 30 avril au 10 mai 2010 lesquels comportaient une mise en scène identique au roman ; que dès lors, en se bornant à énoncer que M. X... n'apportait pas la preuve que son roman avait été porté à la connaissance du public et, plus précisément, des défendeurs, avant la diffusion des épisodes litigieux entre le 4 juin et le 27 août 2009 et entre le 30 avril et le 10 mai 2010, sans répondre aux conclusions précitées ni analyser la pièce 4 précitée et produite au soutien de celles-ci, lesquelles étaient pourtant de nature à établir que les producteurs et le diffuseur de la série n'avaient pu ignorer l'existence et le contenu de son roman, à tout le moins avant la diffusion des épisodes compris entre le 30 avril et le 10 mai 2010, la cour d'appel a privé sa décision de toute motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.