LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur une assignation du 3 juin 1999, la séparation de corps des époux X...-Y..., mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, a été prononcée le 25 avril 2006 ; que le 12 juin 2007, Mme Y... a assigné M. X...et la Société générale de promotion et de financement immobiliers (la SOGEPROM) afin que lui soient déclarées inopposables des cessions d'actions consenties à celle-ci, après l'assignation, par le mari agissant seul ;
Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 262-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, applicable en la cause, ensemble l'article 302 du même code ;
Attendu, selon ces textes, que dans les rapports entre époux, le jugement de séparation de corps qui emporte dissolution de la communauté prend effet au jour de l'assignation, de sorte que la consistance de la communauté est fixée à cette date ; qu'il en résulte que les actes accomplis sur les biens communs postérieurement à celle-ci par un seul des époux, ne sont pas opposables à l'autre ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de l'épouse tendant à voir juger que les cessions d'actions consenties par son mari lui sont inopposables, l'arrêt retient que si la liquidation des intérêts pécuniaires des époux doit se référer à la date de l'assignation du 3 juin 1999, l'examen des pouvoirs des époux pour engager les biens communs doit s'apprécier au regard de la situation juridique au jour où les actes ont été passés sans tenir compte de la rétroactivité trouvant sa cause dans la décision non encore prononcée, et en déduit que les pouvoirs de M. X...doivent s'analyser non pas en application des règles de l'indivision post-communautaire mais conformément aux dispositions des articles 215 et suivants et 1421 et suivants du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que postérieurement au 3 juin 1999, date à laquelle avait pris effet le jugement de séparation de corps emportant dissolution de la communauté, M. X...avait procédé seul à la cession des titres négociables acquis par les époux avant cette date, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que Mme Y... n'est créancière d'aucune somme au titre de la cession des 249 actions de la société UECG et des 999 actions détenues par la société Financière UC, l'arrêt rendu le 26 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté une épouse séparée de corps (Mme Y..., l'exposante) de sa demande tendant à voir annuler, et en tout à se voir déclarer inopposables, les cessions d'actions détenues par des personnes morales (les sociétés UEC, UECG, GENERIM, FINANCIERE UC), actes consentis par le mari (M. X...) à un tiers (la société SOGEPROM) ;
AUX MOTIFS QUE, sur la transformation de la société UECG, les contestations de Mme Y... relatives à l'assemblée générale du 5 septembre 2003 qui avait décidé que la SARL UECG deviendrait une SAS avaient justement été écartées par les premiers juges qui avaient relevé que l'épouse ne formait aucune demande précise de nullité ou d'inopposabilité ; que M. X...relevait que, sur le terrain de la nullité, une telle demande était prescrite par application de l'article 1427 du code civil pour ne pas avoir été présentée dans les deux années suivant le jour où Mme Y... en avait eu connaissance, en l'occurrence le 24 mai 2005, date à laquelle elle avait obtenu un extrait K bis de la société UECG, l'assignation au fond ayant été délivrée le 12 juin 2007 ; que les cessions du 13 juin 2005 et de décembre 2005 portaient sur les titres négociables des sociétés UECG, UEC et GENERIM acquis par les époux X...antérieurement au 3 juin 1999 et dépendant de la communauté ayant existé entre eux ; que si M. X...avait indiqué au magistrat conciliateur, dans une note en délibéré du 9 février 1999, que les risques de dissipation du patrimoine commun étaient exclus dès lors que les époux étant mariés sous le régime de la communauté légale, la signature conjointe des époux pour l'aliénation de biens communs était nécessaire, une telle affirmation ne pouvait le priver, en vertu de la règle de l'estoppel, de la possibilité de se prévaloir, dans le cadre d'une autre instance, des dispositions de l'article 1421 du code civil ; qu'en application de ce texte, M. X...pouvait régulièrement procéder seul auxdites cessions, Mme Y... ne prouvant ni leur caractère frauduleux au sens de l'article 262-2 du code civil, ni leurs conditions économiquement défavorables susceptibles de caractériser une faute de gestion au sens de l'article 1421 du code civil (arrêt attaqué, p. 5, 7ème considérant, p. 6, 1er considérant) ;
ALORS QUE, d'une part, l'exposante soutenait expressément (v. ses conclusions signifiées le 9 novembre 2011, pp. 56 et 57, prod.) que « la transformation » de la société UECG « en SAS » décidée par « l'assemblée extraordinaire du 5 septembre 2003 », découlant de l'usage « d'un faux », devait faire l'objet d'une « annulation » ; qu'en affirmant que l'épouse ne formait aucune demande précise de nullité ou d'inopposabilité concernant ladite assemblée, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, au surplus, l'action en nullité formée par un époux contre un acte frauduleux de son conjoint n'est pas soumis à la prescription de deux ans propre à l'action en nullité des actes accomplis par un époux hors des limites de ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, la contestation par l'épouse de la transformation juridique de la société UECG dont son mari avait cédé les parts était explicitement fondée sur les agissements frauduleux de ce dernier, résultant notamment de l'usage de faux documents, de sorte qu'en soumettant une telle contestation à la prescription de deux ans visant les actes accomplis par un époux hors des limites de ses pouvoirs, la cour d'appel a violé l'article 1427 du code civil par fausse application ;
ALORS QUE, d'autre part, nul ne pouvant se contredire au détriment d'autrui, une partie est irrecevable, à l'occasion d'un litige l'opposant à une autre, à former à l'encontre de celle-ci des demandes caractérisant un revirement procédural à son détriment ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a rappelé que, dans une note en délibéré du 9 février 1999, le mari avait indiqué au magistrat conciliateur que la signature conjointe des époux pour l'aliénation de biens communs était nécessaire, ce dont il résultait qu'à l'occasion de l'instance afférente à la séparation de corps des époux et ayant donné lieu à la liquidation de leur régime matrimonial, le mari avait préalablement et expressément affirmé ne pouvoir disposer de l'actif commun, notamment des titres litigieux, sans l'accord de son épouse, de sorte qu'il était irrecevable à en faire plaider ultérieurement l'inutilité lors de cette même liquidation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 122 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, enfin, ce n'est qu'à l'égard des tiers de bonne foi que l'époux est réputé détenir le pouvoir de disposer seul d'un bien meuble qu'il détient individuellement ; qu'en énonçant que le mari avait régulièrement cédé seul les titres litigieux à l'égard de la cessionnaire, sans aucunement vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, que cette dernière était un tiers de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 222 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté une épouse séparée de corps (Mme Y..., l'exposante) de sa demande tendant à se voir déclarer inopposables les cessions d'actions détenues par des personnes morales (les sociétés UEC, UECG, GENERIM, FINANCIERE UC), actes consentis par le mari (M. X...) à un tiers (la société SOGEPROM) ;
AUX MOTIFS QUE, en application de l'article 262-1 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce et donc antérieurement à la loi du 26 mai 2004, « le jugement de divorce (prenait) effet dans les rapports entre époux, en ce qui concern (ait) leurs biens, dès la date de l'assignation » ; que, par application de l'article 302 du code civil applicable à la séparation de corps, les époux X...se trouvaient ainsi sous le régime de la séparation de biens depuis le 3 juin 1999 ; que concernant les tiers, et par application de l'article 262 du code civil auquel renvoyait l'article 302, l'opposabilité de la séparation de corps emportant séparation de biens avait pris effet à compter de la mention de l'arrêt du 25 avril 2006 en marge des actes de l'état civil des époux ; que si la liquidation des intérêts pécuniaires devait ainsi se référer à la date du 3 juin 1999, l'examen des pouvoirs des époux pour engager les biens communs entre le 3 juin 1999 et le 25 avril 2006 devait s'apprécier au regard de la situation juridique au jour où les actes avaient été passés sans tenir compte de la rétroactivité trouvant sa cause dans une décision non encore prononcée ; qu'il s'en déduisait que les pouvoirs de M. X...devaient s'analyser non pas en application des règles de l'indivision post-communautaire mais conformément aux dispositions des articles 215 et suivants et 1421 et suivants du code civil (arrêt attaqué, p. 5, 8ème et 9ème considérants, et p. 6, 1er alinéa) ;
ALORS QUE, dans les rapports des époux, en vertu des dispositions de l'article 262-1 du code civil applicables antérieurement à la loi du 26 mai 2004, le jugement de divorce ou de séparation de corps prend effet, en ce qui concerne leurs biens, dès la date de l'assignation, les règles de l'indivision leur étant alors applicables ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'en application desdites dispositions la liquidation des intérêts pécuniaires des époux devait se référer à la date du 3 juin 1999, jour de l'assignation, l'arrêt attaqué ne pouvait écarter, dans les rapports des époux, l'application des règles de l'indivision aux cessions litigieuses de titres effectuées par le mari postérieurement à cette date ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 262-1 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause et l'article 302 du même code.