LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 24 novembre 2011), que Mme X..., veuve Y..., a fait donation à ses deux enfants, M. Norbert Y... et Mme Vanina Y..., par acte du 23 mars 2005, de la nue-propriété de la maison qu'elle habite à Punaauia ; qu'elle a assigné ses enfants en révocation pour ingratitude de cette donation ;
Attendu que Mme X..., veuve Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Attendu que, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause les appréciations souveraines des juges du fond qui ont estimé que la donatrice n'établissait pas le refus d'aliment invoqué ; qu'il ne saurait donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., veuve Y..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..., veuve Y... et la condamne à payer à M. Norbert Y... et Mme Vanina Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour Mme X..., veuve Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X..., veuve Y..., de sa demande tendant à la révocation de la donation en nue-propriété de sa maison d'habitation consentie, par acte du 23 mars 2005, à ses enfants adoptifs, M. Norbert Y... et Mme Vanina Y... ;
AUX MOTIFS QUE la donation en cause ne porte que sur la nue-propriété d'un ensemble immobilier et n'est affectée d'aucune condition ; que, dès lors, Mme X..., veuve Y..., ne peut invoquer, au soutien de sa demande de révocation de la donation, un manquement des donataires à leurs obligations contractuelles, aucune obligation à la charge des donataires n'ayant été stipulée, mais seulement l'ingratitude des donataires manifestée dans les cas prévus par l'article 955 du code civil ; que cet article édicte que « la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants : 1°) si le donataire a intenté à la vie du donateur, 2°) s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves, 3°) s'il refuse des aliments » ; que Mme X... invoque tout à la fois un abandon moral et affectif qui n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé ce qui rend inutile l'appréciation de la réalité de ce grief, une altercation avec son fils Norbert qui n'est pas établie par les seules allégations de la donatrice, et un refus d'aliments ; que, pour ce dernier grief, il convient de remarquer tout à la fois qu'aucune demande officielle en ce sens n'a été adressée aux donataires, la lettre d'un avocat du 10 novembre 2006 sollicitant seulement la prise en charge par les donataires des charges concernant l'immeuble alors que l'acte de donation laissait ces charges à l'usufruitière de son vivant et que la donatrice ne justifie pas être dans le besoin, ses ressources, certes, modestes n'ayant pas été diminuées depuis la donation et devant être majorées par la jouissance d'une maison comportant trois chambres, salon, cuisine et terrasse couverte ; que le premier juge a, en conséquence, débouté à bon droit Mme X... de sa demande de révocation de la donation ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE la donation entre vifs peut être révoquée pour cause d'ingratitude si le donataire refuse des aliments ; qu'il faut entendre par aliments tout ce qui est nécessaire à la vie, notamment le logement ; qu'en l'espèce, par les deux courriers identiques du 10 novembre 2006 visés par l'arrêt, adressés, par l'intermédiaire de son conseil, l'un à son fils Norbert Y..., et l'autre à sa fille Vanina Y..., Mme X... a fait officiellement état de ses faibles ressources et demandé à ses enfants adoptifs de subvenir aux charges de la maison dont elle était usufruitière et qu'elle n'était plus en mesure d'assurer, en leur transmettant les justificatifs de ces charges ; qu'en affirmant, pour débouter Mme X... de sa demande en révocation de donation pour refus d'aliments, que ces écrits ne valaient pas lettres officielles de demande d'aliments, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis des termes de ces lettres en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en affirmant qu'un courrier ne sollicitant que la prise en charge par les donataires des charges concernant l'immeuble dont la donatrice a l'usufruit ne constitue pas une demande d'aliments, la cour d'appel a violé les articles 208 et 955 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE pour apprécier la situation du créancier d'aliments, les juges du fond doivent prendre en compte ses ressources, c'est-à-dire tant son revenu que son patrimoine ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme X... avait fait donation à ses deux enfants adoptifs de la nue-propriété de la maison d'habitation qui lui appartenait en propre et en pleine propriété, ce dont il résulte que la valeur de son patrimoine n'a donc pas été augmentée de la jouissance du bien mais au contraire diminuée de la nue-propriété de ce bien donnée à ses enfants ; qu'en affirmant cependant, pour débouter Mme X... de sa demande tendant à la révocation de la donation pour ingratitude, que les ressources de la donatrice n'ont pas été diminuées depuis la donation et ont été majorées par la jouissance de ladite maison, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles 208 et 955 du code civil.