LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mai 2011), que, le 7 mars 2007, la société de droit français Bioalliance Pharma (la société Bioalliance), dont l'activité consiste à développer et commercialiser des produits pharmaceutiques, a conclu avec la société de droit néerlandais Spepharm Holding (la société Spepharm) un contrat-cadre ("governing agreement") destiné à assurer la distribution en Europe, à l'exclusion du territoire français, d'un médicament faisant l'objet de divers brevets, marques et autorisations de mise sur le marché (AMM), dont elle se trouve titulaire ; que ce contrat-cadre, comprenant une clause compromissoire, prévoyait la constitution d'une entreprise commune, dénommée Spebio, à laquelle serait consenti, par la société Bioalliance, un droit exclusif d'utilisation des AMM sur le territoire considéré, ainsi que des licences exclusives d'exploitation du brevet, du savoir-faire et de la marque; que les principales modalités de réalisation de ces diverses opérations étaient précisées en annexes audit contrat-cadre, ce qui a donné lieu, le 31 mai 2007, à la constitution de la société Spebio et à la conclusion des contrats prévus en annexes; que des différends étant survenus entre les parties, la société Bioalliance a, le 24 mars 2009, saisi la chambre de commerce international d'une demande d'arbitrage, en se fondant sur la clause compromissoire stipulée au contrat-cadre ; que, par une sentence intermédiaire, rendue à Paris le 8 avril 2010, le tribunal arbitral s'est déclaré incompétent pour connaître des contrats conclus le 31 mai 2007 et a mis hors de cause la société Spebio, cette dernière n'étant pas partie au contrat-cadre ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Bioalliance fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation contre la sentence intermédiaire et d'allouer une certaine somme aux sociétés Spepharm et Sebio au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu, d'une part, que la société Bioalliance n'ayant pas soutenu que le tribunal arbitral avait manqué à sa mission en ne déclarant pas irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Spepharm, mais s'étant limitée à reprocher à ce tribunal de ne pas avoir examiné la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée à cette exception d'incompétence, le moyen, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté que les contrats postérieurs au contrat-cadre prévoient qu'ils se substituent à tous les engagements précédents, l'arrêt relève qu'il ne résulte pas des éléments fournis par les parties au cours de l'instance arbitrale sur les conditions de négociation et d'exécution des contrats que la commune intention des parties ait été de faire prévaloir la clause compromissoire du "governing agreement" sur les stipulations de règlement des litiges prévues par les autres contrats; qu'il indique qu'au contraire, les différentes clauses d'élection de for correspondaient à la volonté des parties de traiter de façon différenciée, pour des motifs de proximité géographique ou d'adéquation des règles de fond à la matière traitée, les différents aspects de leurs relations contractuelles ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, dont il résulte que les clauses spécifiques de règlement des différends faisaient obstacle, dans leurs domaines respectifs, à l'application de la clause compromissoire figurant au contrat-cadre, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'objet du litige, en a exactement déduit que c'était sans méconnaître leur mission que les arbitres avaient décidé qu'ils étaient incompétents à l'égard de tout contrat autre que le "governing agreement" ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur les deuxième et troisième moyens :
Attendu que ces griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bioalliance Pharma aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Spepharm Holding BV et Spebio BV la somme globale de 2 500 euros et rejette sa demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour la société Bioalliance Pharma
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de BioAlliance contre la sentence arbitrale intermédiaire rendue le 8 avril 2010 et d'avoir alloué 75.000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant à SpePharm qu'à SpeBio ;
Aux motifs, sur le premier moyen d'annulation pris de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1502.3° du code de procédure civile), que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres ;
Que pour la commercialisation en Europe du médicament Loramyc, dont le brevet et la marque lui appartiennent, BioAlliance a conclu avec SpePharm le 7 mars 2007 un contrat de joint-venture en qualité d'associés par moitié ;
Considérant que ce contrat intitulé "governing agreement" prévoit une clause de règlement des différends qui stipule «13.9 Droit applicable et juridiction :
«Le présent contrat est régi et devra être interprété en application du droit français. Tout litige, contestation ou action naissant de cet accord ou ayant un lien avec celui-ci, et notamment tout litige, contestation ou action relatif à l'interprétation, l'exécution, la violation, la résiliation ou la nullité du présent contrat, devra être finalement résolu conformément aux règlements d'arbitrage de la chambre de commerce international par trois arbitres désignés en application de ce règlement. Le siège du tribunal arbitral sera à Paris et la procédure se déroulera en langue anglaise" ;
Que l'article 13.5 prévoit que :
"le présent contrat, envisagé avec tous les documents auxquels il fait référence, constitue l'intégralité de l'accord entre les parties relativement à son objet et annule et remplace tout projet, accord et engagement antérieur, oral ou écrit relatif à cet objet» ;
Que le "governing agreement" comporte en annexe douze "termsheets" (listes des conditions essentielles du contrat) qui, sous forme de tableaux, reflètent l'essence des accords que les parties devaient formaliser en détail dans plusieurs contrats distincts ; que les annexes 1a, 1b, et 4 relatives respectivement au contrat d'option de vente, au contrat d'option d'achat et au contrat de participation au capital de SpeBio prévoient l'application du droit néerlandais et un arbitrage dans les conditions prévues par le pacte d'actionnaires ; que l'annexe 3 relative au pacte d'actionnaires prévoit l'application du droit néerlandais et un arbitrage à Amsterdam conformément au règlement d'arbitrage de l'Institut néerlandais d'arbitrage ; que les annexes 6 et 7 relatives au contrat de licence de brevet et de marque et d'autorisation de mise sur le marché prévoient l'application du droit français et la compétence du tribunal de commerce de Paris ; que l'annexe 11 relative au contrat de services entre SpePharm et SpeBio prévoit l'application du droit néerlandais et la compétence des juridictions néerlandaises et que l'annexe 12 relative au contrat de services de BioAlliance prévoit l'application du droit français et la compétence du tribunal de commerce de Paris ;
Que les contrats détaillés prévus aux annexes ont été signés le 31 mai 2007 ; que seuls l'acte de constitution de SpeBio, le contrat de licence de brevet et le contrat de licence de marque ne comportent aucune clause spécifique de règlement des différends, tous les autres contrats reprenant les stipulations de règlement des litiges prévues par les «termsheets» et prévoyant des "clauses d'intégralité" suivant lesquelles, chacun de ces contrats constitue l'intégralité de l'accord entre les parties relativement à son objet et annule et remplace tout projet, accord, engagement, déclaration, garantie et convention antérieure de tout type, oral ou écrit relatif à son objet ;
Considérant, d'une part, que si les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier, ce principe ne saurait, en l'espèce, avoir pour effet de faire prévaloir la clause compromissoire du "governing agreement" sur les clauses de règlement des litiges contenues dans la plupart des contrats postérieurs, dès lors que ceux-ci prévoient qu'ils se substituent à tous les engagements précédents et excluent expressément que leurs prévisions puissent être interprétées au regard de stipulations contenues dans d'autres actes ;
Considérant, d'autre part, que s'il convient de rechercher dans les conventions la commune intention des parties, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, il ne résulte pas, en l'espèce, des éléments fournis par les parties au cours de l'instance arbitrale sur les conditions de négociation et d'exécution des contrats que cette intention ait été de faire prévaloir la clause compromissoire du "governing agreement" sur les stipulations de règlement des litiges prévues par les autres contrats ; qu'il apparaît, au contraire, que les différentes clauses d'élection de for correspondaient à la volonté des parties de traiter de façon différenciée, pour des motifs de proximité géographique ou d'adéquation des règles de fond à la matière traitée, les différents aspects de leurs relations contractuelles ; enfin, que la délivrance par BioAlliance d'une assignation à SpeBio devant le tribunal de commerce de Paris, même si elle n'a pas été placée, témoigne de ce que BioAlliance partageait cette analyse du cloisonnement des contentieux ;
Considérant, dès lors, et sans qu'il y ait lieu, en présence de stipulations explicites, de se référer à la théorie des groupes de contrats ou des groupes de sociétés, que c'est sans méconnaître leur mission que les arbitres ont décidé qu'ils étaient incompétents à l'égard de tout contrat autre que le "governing agreement" ? ;
Sur le moyen pris en sa deuxième branche, que, contrairement à ce que prétend BioAlliance, les arbitres n'ont pas statué en équité mais se sont déterminés, après avoir analysé les stipulations conventionnelles, au regard des principes qui gouvernent l'interprétation des contrats en droit français, loi applicable au fond du litige, peu important qu'ils n'aient pas expressément visé des articles du code civil ; que le moyen manque donc en fait ;
Sur le moyen pris en sa troisième branche, qu'aux termes de l'acte de mission (§ 70 à 72) le tribunal arbitral devait trancher trois questions pour apprécier l'étendue de sa saisine : - le tribunal arbitral est-il compétent à l'égard de SpePharm ? Le tribunal arbitral est-il compétent à l'égard de SpeBio ? Le tribunal arbitral est-il compétent au regard des contrats autres que le «governing agreement» ? ;
Qu'en décidant, par une sentence intermédiaire, qu'il n'était compétent qu'à l'égard du governing agreement, à l'exclusion des autres contrats qu'il énumère, et qu'il en résultait qu'il n'avait aucune compétence à l'égard de SpeBio, le tribunal arbitral a déterminé l'étendue de sa compétence sans encourir le grief de méconnaissance de sa mission ;
Sur le moyen pris en sa quatrième branche, qu'en accueillant les moyens d'incompétence, le tribunal a nécessairement répondu aux fins de non-recevoir opposées à ces moyens ;
Sur le moyen pris en sa cinquième branche, que le règlement d'arbitrage de la chambre de commerce international, sous l'égide duquel les parties se sont placées, prévoit qu'« à tout moment de la procédure, le tribunal arbitral peut prendre des décisions sur des frais autres que ceux fixés par la Cour" ; qu'il en résulte qu'en se prononçant sur des frais de défense au stade de la sentence intermédiaire, les arbitres n'ont pas méconnu leur mission ;
Que le premier moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches (arrêt p. 4 à 6) ;
1°/ Alors que la partie, qui dans une procédure arbitrale, formule des demandes fondées sur les contrats d'application d'un contrat-cadre comprenant une clause compromissoire, accepte par là même l'applicabilité de la clause d'arbitrage à l'ensemble de la relation contractuelle et ne saurait ultérieurement se contredire en soutenant la thèse de l'incompétence du tribunal arbitral sur les contrats d'application ; qu'en ne déclarant pas irrecevables les prétentions de SpePharm sur ce point, la cour a violé les dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, ensemble le principe de l'estoppel ;
2°/ Alors que la clause compromissoire, négociée et insérée dans le contrat-cadre organisant un partenariat entre les parties et précisant les diverses modalités contractuelles de cette relation en stipulant expressément que les contrats d'application, d'ores et déjà négociés, formaient un ensemble indivisible avec le contrat-cadre, lesdits contrats d'application prévoyant en outre le principe de leur résiliation en cas de disparition du contrat-cadre, exprime formellement la volonté des parties de soumettre le principe de leur partenariat à un arbitrage unique, la clause compromissoire primant nécessairement sur les clauses particulières de règlement des différends pouvant figurer dans chacun des contrats d'application dans la limite de leur objet ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait à la faveur de motifs inopérants et en ignorant l'indivisibilité clairement stipulée dans l'ensemble des contrats en cause, la cour a violé les dispositions de l'article 1502-3° du code de procédure civile ;
3°/ Alors que, de troisième part, l'objet du litige entre les parties portant sur le principe même et la cessation de leur partenariat, la clause compromissoire figurant dans le contrat-cadre ayant défini ce partenariat et prévu indivisiblement ses contrats d'application, devait régir l'ensemble du litige sans restriction ni réserve ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, au mépris de l'effet utile de l'arbitrage, la cour a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ Alors qu'en affirmant que les clauses d'intégralité figurant les contrats d'application avaient pour conséquence d'autonomiser chacun de ces contrats et d'annuler tous les accords antérieurs des parties et de faire ainsi obstacle à l'application de la clause compromissoire prévue dans le contrat-cadre, la cour a derechef méconnu le principe d'autonomie de la clause résolutoire ensemble la mission dévolue à l'arbitre, en violation de l'article 1502-3° du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté le recours pour excès de pouvoir de BioAlliance contre la sentence arbitrale intermédiaire du 8 avril 2010 ;
Aux motifs que, sur le deuxième moyen d'annulation, pris de la violation du principe de la contradiction (article 1502.4° du code de procédure civile), BioAlliance soutient que le tribunal arbitral a eu des communications téléphoniques avec les autres parties à son insu, qu'il s'est fondé sur une pièce non produite à l'instance arbitrale, enfin, qu'il l'a condamnée au paiement des frais de défense de SpePharm et SpeBio sans organiser de débat contradictoire sur ce point ;
Que BioAlliance fonde son grief, en premier lieu, sur le paragraphe 154 de la sentence qui énonce "le tribunal a, à plusieurs reprises, tant au cours de conférences téléphoniques que par écrit dans ses ordonnances de procédure, manifesté un vif intérêt pour obtenir plus de détails sur les discussions et les négociations qui ont entouré la conclusion du "governing agreement" et des nombreux contrats postérieurs tous datés du 31 mai 2007. En particulier, le tribunal aurait été intéressé de voir les projets préalables à la signature de ces contrats, qui pourraient montrer dans quelle mesure les clauses de règlement des différends ont été suggérées, discutées ou modifiées et ce, si de telles discussions ont eu lieu" ; mais considérant qu'il résulte de la réponse adressée le 11 mai 2010 par le président du tribunal arbitral au conseil de BioAlliance que les membres du tribunal avaient souhaité l'organisation d'une conférence téléphonique sur la question des discussions et négociations ayant entouré la négociation du "govermng agreement" ; que toutefois, ces conférences n'ont finalement pas eu lieu ; que la sentence relève d'ailleurs au paragraphe 155 qu'«il ne ressort presque rien des débats sur l'historique des négociations et aucun témoignage à ce sujet n'a permis d'apporter d'autres précisions sur ce point» ; qu'ainsi, BioAlliance, qui ne conteste pas avoir été invitée à fournir sur cette question des informations et des témoignages, ni avoir eu connaissance de la position de ses adversaires, soutient vainement que l'ensemble des moyens et des éléments de preuve qui ont déterminé la décision des arbitres sur l'appréciation de la commune intention des parties n'aurait pas été soumis au débat contradictoire ;
Considérant en deuxième lieu que, contrairement à ce que prétend la recourante la sentence, en ce qu'elle vise l'interdiction faite par une juridiction néerlandaise à BioAlliance de résilier unilatéralement le pacte d'actionnaires, ne se fonde pas sur l'assignation devant le tribunal d'Amsterdam - non produite à l'instance arbitrale - mais sur les termes mêmes du jugement de ce tribunal, dans sa traduction jurée en langue française, dont il n'est pas contesté qu'il a été régulièrement versé aux débats devant les arbitres ;
Qu'en troisième lieu, le tribunal arbitral était autorisé par le règlement d'arbitrage, ainsi qu'il a été dit précédemment, à prononcer sur les frais exposés au stade de la sentence intérimaire ; qu'il résulte de la transcription des débats (§ 201 à 205) que les parties se sont accordées sur la transmission d'états de frais non détaillés ; que contrairement à ce qu'allégue BioAlliance, il n'était nullement convenu que le président du tribunal, destinataire de ces états, les communiquerait aux parties ; qu'il résulte, au contraire de la traduction jurée du transcript (§ 205) que l'arrangement suivant avait été pris : le président « envoyez-le uniquement à moi dans un premier temps. Une fois que j'aurai les mémoires des deux parties, je vous donne le feu vert pour que vous vous les transmettiez mutuellement. De cette manière, Me X... ne saura pas à l'avance ce que vous avez facturé et vice versa. Cela vous convient ? Me Y... : D'accord. Me X... : Oui c 'est d'accord" ; qu'il apparaît donc que la transmission des états de frais avait été explicitement prévue au stade de la sentence intermédiaire, qu'elle devait s'effectuer directement entre les parties et que celles-ci s'étaient mutuellement dispensées de la fourniture d'états détaillés ; que le grief tiré de ce que BioAlliance n'aurait pas été mise à même de se débattre contradictoirement sur ce point manque en fait ; que le deuxième moyen d'annulation ne peut qu'être écarté ;
Que, sur le troisième moyen d'annulation pris de la violation de l'ordre public international (article 1502.5° du code de procédure civile), BioAlliance prétend, en premier lieu, que la violation de l'ordre public international résulte du manque d'indépendance et d'impartialité des arbitres, laquelle est démontrée par le fait qu'ils ont eu des échanges téléphoniques avec les parties sur une question essentielle à la solution du litige ; qu'ils ont pris connaissance de manière non contradictoire de l'assignation délivrée dans la procédure néerlandaise et qu'ils ont statué sur les frais de défense sans inviter les parties à s'en expliquer ; que BioAlliance soutient, en second lieu, que la sentence est dépourvue de motivation dès lors que le tribunal a statué comme amiable compositeur sans se référer à une quelconque règle de droit ; considérant que pour les motifs précédemment énoncés, le moyen en ses deux branches est mal fondé, tant au regard du 5° que du 3° et du 4° de l'article 1502 du code de procédure civile ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté (arrêt p. 6 et 7).
1°/ Alors que, d'une part, viole le principe du contradictoire la sentence arbitrale ¿ dont les mentions valent jusqu'à inscription de faux- qui fait état de conférences téléphoniques avec les parties quand il est constant qu'une partie, BioAlliance et ses conseils, n'a jamais participé à une conférence téléphonique ; qu'en écartant ce grief motif inopérant pris d'une lettre d'explication ultérieure du président du tribunal arbitral, la cour a violé l'article 1502-4° du code de procédure civile ;
2°/ Alors que, d'autre part, viole le principe du contradictoire la sentence arbitrale qui repose sur un document non contradictoirement versé aux débats ; qu'en affirmant sur ce point que le grief de BioAlliance ne serait pas fondé, l'information litigieuse pouvant résulter d'une autre pièce versée aux débats, sans autrement examiner l'objection de la requérante sur l'erreur de traduction affectant la pièce produite d'où il résultait que l'information litigieuse ne pouvait provenir que d'un document non produit aux débats, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1502-4° du code de procédure civile ;
3°/ Alors que, de troisième part, l'arbitre doit assurer et faire assurer le principe du contradictoire ; qu'en recueillant directement les notes de frais des parties à un stade inhabituel de la procédure sans préciser qu'il allait être statué sur les frais, ni assuré ensuite la communication contradictoire de ces documents qu'il était seul à détenir, le tribunal arbitral a ainsi interdit à BioAlliance de faire des observations sur le bien fondé de la réclamation de son contradicteur ; que sur ce point encore, la cour a violé le principe du contradictoire de l'article 1582-4° du code de procédure civile ;
4°/ Alors que, de quatrième part, la juridiction arbitrale doit être indépendante et impartiale en vertu de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 1582-5° du code de procédure civile ; que, destinataire d'une lettre du président du tribunal arbitral commentant la sentence critiquée en indiquant en substance que la solution défavorable à la thèse de BioAlliance était d'emblée évidente, la requérante pouvait concevoir un doute légitime sur l'indépendance et l'impartialité de la juridiction arbitrale ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette difficulté complémentaire, la cour a derechef privé son arrêt de toute base légale au regard des exigences des textes susvisés ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de ne pas avoir annulé pour excès de pouvoir l'ordonnance accordant l'exécution de la sentence arbitrale dans le cadre d'une requête déposée après l'introduction du recours principal en annulation de la sentence arbitrale ;
Alors qu'une sentence arbitrale frappée de recours ne peut ensuite faire l'objet d'un exequatur, le juge de l'exécution étant alors dessaisi de plein droit par l'effet de l'article 1504 alinéa 2 du code de procédure civile ; qu'expressément saisie par la requérante de conclusions tendant à faire constater l'excès de pouvoir du juge de l'exequatur, la cour devait ici annuler l'ordonnance d'exequatur, sauf à violer les dispositions de l'article 1504 alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme.