LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2012), que par acte authentique du 5 avril 2011, Mmes Françoise, Anne-Marie et Marie-Christine X... ainsi que MM. Jean Pierre et Bernard X... (les consorts X...) ont promis de vendre à la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement un immeuble sous diverses conditions suspensives, dont l'obtention d'une décision de justice devenue définitive autorisant la vente et la rendant opposable à leur coïndivisaire, M. Jacques X..., conformément aux dispositions de l'article 815-5 du code civil ;
Attendu que M. Jacques X... fait grief à l'arrêt d'autoriser les consorts X... à passer seuls l'acte de vente du bien immobilier ;
Attendu que la cour d'appel a constaté que l'immeuble se trouvait dans une zone d'aménagement qui avait fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique, la procédure d'expropriation étant mise en oeuvre, et que le prix de l'acquisition amiable envisagée était très nettement supérieur à l'estimation du bien par le service des domaines ; que, sans être tenue de procéder à la recherche, invoquée à la première branche du moyen, que ses constatations rendaient inopérante, elle en a déduit, par une appréciation souveraine, que dans un contexte d'expropriation le refus, opposé par un des indivisaires, à la conclusion d'une vente dans des conditions équivalentes à celles qu'il avait acceptées auparavant, mettait en péril l'intérêt commun des indivisaires ; qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Jacques X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Jacques X... à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. Jacques X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir confirmé le jugement rendu le 29 novembre 2011 par le Tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a autorisé Madame Françoise X..., Monsieur Jean-Pierre X..., Monsieur Bernard X..., Madame Marie-Christine X... ainsi que Monsieur Patrick Y... et Madame Nathalie Y..., venant aux droits de feue Anne-Marie X..., à passer seuls l'acte de vente du bien immobilier situé..., dans les conditions prévues dans la promesse unilatérale de vente signée le 5 avril 2011 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les moyens développés par M. Jacques X... au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle mais sans justification complémentaire utile ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts et que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; ¿ ; que pour les raisons exposées par le premier juge, le refus de M. Jacques X... met en péril l'intérêt commun de l'indivision étant observé que ce projet de vente s'inscrit dans le cadre d'une opération d'aménagement, le préfet du Val de Marne ayant délivré un arrêté portant déclaration d'utilité publique le 7 juillet 2010 et qu'une acquisition amiable par l'aménageur est préférable pour l'indivision à une procédure d'expropriation, d'autant que le projet de promesse de vente prévoit un prix de 2 850 000 ¿ alors que le bien a été estimé par les domaines en valeur libre de toute location ou occupation à titre légal à la somme de 151 925 ¿, que le projet d'expropriation à défaut de vente amiable n'est pas abandonné puisqu'il résulte de la lettre du 1er décembre 2010 de la société FIT mandatée par la mairie de Joinville pour assurer la procédure nécessaire à la réalisation de la ZAC que l'enquête parcellaire a été annulée pour causes d'erreurs matérielles mais qu'elle allait être reprise au début de l'année 2011 et que par ordonnance du 4 octobre 2001, le Tribunal administratif de Melun a constaté le désistement de M. Jacques X... de sa demande en annulation du permis de construire accordé à la société Eiffage Immobilier Ile de France ; qu'il sera ajouté que la différence de prix entre les promesses de vente des 17 mars 2006 (3 000 000 ¿) et 5 avril 2011 (2 850 000 ¿) correspond au rachat des servitudes de vue de l'immeuble voisin, les consorts X... n'étant pas en mesure de rapporter la preuve que les ouvertures existantes sur le mur pignon de l'immeuble voisin ne constituaient pas des servitudes de vue soit par un titre soit par prescription, condition qui avait été érigée en condition suspensive dans la promesse de vente du 17 mars 2006 et que les conditions suspensives stipulées dans la promesse de vente du 5 avril 2011 ne sont pas contraires à l'intérêt collectif de l'indivision, la seule présence de conditions suspensives ne permettant pas de justifier le refus d'un seul indivisaire ; qu'enfin, la clause instituant une indemnité d'occupation n'est pas de nature à justifier l'opposition de M. Jacques X..., ses deux soeurs occupants actuellement le bien étant signataires de la promesse de vente et ayant pris la décision de l'assigner pour être autorisées à vendre ; qu'enfin, s'agissant d'une indivision successorale, l'intérêt des co-indivisaires, dont l'un est décédé en cours de procédure et dont le plus jeune, à l'exclusion des héritiers de Mme Y..., est né en 1946, la plus âgée étant née en 1930, est de vendre sans attendre le résultat aléatoire d'une expropriation et de pouvoir liquider la succession de leur parents ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Monsieur Jacques X... affirme par ailleurs qu'il n'y a pas mise en péril de l'intérêt commun, dès lors que le refus de l'indivisaire ne se heurte pas à une nécessité contraignante de vendre le bien ; qu'or, cette nécessité contraignante existe bien en l'espèce, car elle se situe dans le cadre d'une procédure d'expropriation, par conséquent d'une mesure de dépossession imposée, même si c'est en contrepartie du versement d'une indemnité ; que le défendeur ne justifie d'ailleurs pas que l'indemnité d'expropriation pourrait être plus avantageuse que le prix proposé ; que d'autre part, les procédures d'expropriation sont souvent longues et sources de tracas ; qu'au surplus, comme le soulignent les demandeurs, le déclenchement de la procédure d'expropriation rend aléatoire la possibilité de vendre le bien aux enchères publiques à un prix raisonnable ; qu'il convient également de rappeler que le défendeur a signé, le 17 mars 2006, avec Les Nouveaux Constructeurs une promesse de vente pour un prix de 3 000 000 ¿ ; que la différence de 150 000 ¿ en moins dans la promesse du 5 avril 2011 s'explique par le rachat des servitudes de l'immeuble voisin ; que contrairement à ce que prétend le défendeur dans ses écritures, dans la promesse du 5 avril 2011, le prix est également indexé comme en 2006, de sorte que cette promesse est tout à fait comparable à celle qu'il avait négocié et acceptée en 2006 ; que pour justifier son refus, Monsieur Jacques X... invoque encore l'existence dans l'acte de conditions suspensives, qui seraient contraires à l'intérêt commun ; que toutefois, outre que certaines de ces conditions suspensives existaient déjà dans l'acte signée en 2006 par Monsieur Jacques X..., il y a lieu de relever que la condition relative au recours devant les juridictions administratives ne consiste pas, contrairement à ce que soutient ce dernier, à le faire renoncer au recours exercé, mais à attendre la décision définitive, ce qui est de nature à préserver l'intérêt de l'indivision ; qu'il en est de même de la condition suspensive relative à l'autorisation sollicitée dans la présente instance sur le fondement de l'article 815-5 du Code civil ; que les conditions de l'article 815-5 du Code civil sont donc réunies et il sera fait droit à la demande des consorts X..., demandeurs à l'instance, dans les termes précisés au dispositif du présent jugement » ;
1°/ ALORS QU'un indivisaire ne peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un co-indivisaire serait nécessaire que si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun ; que Monsieur Jacques X... faisait valoir, dans ses écritures, que son refus de procéder à la vente amiable du bien indivis ne mettait pas en péril l'intérêt commun des indivisaires dès lors qu'aucune mesure d'expropriation n'avait été initiée concernant l'îlot C sur lequel se trouvait l'immeuble litigieux de sorte que l'échec de la vente amiable n'aurait pu conduire ses co-indivisaires à subir une dépossession imposée ; qu'à cet effet, il produisait un arrêté du 7 juillet 2011 faisant état de l'ouverture d'une enquête parcellaire relative aux seuls îlots A, B et E ; qu'en retenant néanmoins que le refus de Monsieur Jacques X... de procéder à la vente amiable du bien indivis mettait en péril l'intérêt commun des indivisaires puisqu'il exposait ces derniers à devoir subir une procédure d'expropriation, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si cette procédure concernait bien l'îlot C sur lequel était situé l'immeuble litigieux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-5 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE l'autorisation judiciaire nécessite non point seulement que l'acte soit conforme à l'intérêt commun, mais que son refus mette en péril cet intérêt commun ; que seul le refus d'un indivisaire empêchant la réalisation d'une opération nécessaire à l'indivision met en péril l'intérêt commun des indivisaires ; qu'en autorisant la réalisation de la vente litigieuse en retenant qu'une acquisition amiable par l'aménageur aurait été « préférable » pour l'indivision puisque le prix stipulé dans la promesse du 5 avril 2011 était supérieur à l'estimation du bien réalisée par France Domaines sans expliquer en quoi la vente projetée, fut-elle financièrement avantageuse, aurait été d'une nécessité contraignante, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-5 du Code civil ;
3°/ ALORS QU'un indivisaire ne peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un co-indivisaire serait nécessaire que si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun des indivisaires ; que cet intérêt doit correspondre aux seuls intérêts des indivisaires en cette qualité à l'exclusion de tout autre intérêt de nature personnelle et étranger au sort de l'indivision quand bien même serait-il commun à l'ensemble des indivisaires ; qu'en autorisant la réalisation de la vente litigieuse en retenant que « l'intérêt des co-indivisaires dont l'un est décédé en cours de procédure et dont le plus jeune, à l'exclusion des héritiers de Mme Y..., est né en 1946, la plus âgée étant née en 1930 » était de « vendre sans attendre le résultat aléatoire d'une expropriation et de pouvoir liquider la succession de leurs parents », la Cour d'appel, qui a apprécié l'intérêt commun au regard de l'âge des indivisaires, c'est-à-dire de leur seul intérêt personnel, a violé l'article 815-5 du Code civil.