LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 mai 2012), que Mme X... et M. Y... ont vécu en concubinage de 1997 à 2008 ; qu'ils ont souscrit deux emprunts pour financer l'acquisition par M. Y... d'une maison d'habitation et des travaux sur cet immeuble ; qu'après leur séparation, Mme X... a assigné M. Y... en paiement de différentes sommes sur le fondement notamment de l'article 1382 du code civil, et subsidiairement, sur celui de l'enrichissement sans cause ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de M. Y..., sur le fondement de l'enrichissement sans cause, à lui verser la somme de 38 998,89 euros et, subsidiairement, celle de 20 800,75 euros ;
Attendu qu'après avoir relevé que les paiements effectués par Mme X... trouvaient leur contrepartie dans l'hébergement gratuit dont elle avait bénéficié chez son compagnon, la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci n'était pas fondée à réclamer une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause et a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne Mme X... à payer la somme de 2 400 euros à la SCP Laugier et Caston, avocat de M. Y..., et rejette la demande de celui-ci ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme Josiane X... tendant à ce que soit constatée la faute délictuelle commise à son encontre par M. Y... et à la condamnation de ce dernier à lui verser, en réparation du préjudice subi, la somme de 38.998,89 ¿ représentant les sommes mises à sa disposition et investies dans l'immeuble et, subsidiairement, la somme de 20.800,75 ¿ représentant les sommes appartenant à Mme X... ayant alimenté le compte joint, outre 2000 ¿ de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la prétendue responsabilité de M. Y..., Mme X... fait valoir qu'ayant remboursé les prêts immobiliers relatifs à la maison destinée à abriter la famille, alors que son ex-concubin l'a privée de tout droit réel sur l'immeuble en ne l'ayant pas conviée à la signature de l'acte d'acquisition, elle est bien-fondée à solliciter la réparation du préjudice que la tromperie commise par celui-ci a causé ; qu'elle n'a, cependant, jamais manifesté la volonté d'acquérir l'immeuble conjointement avec M. Y... à qui elle reproche donc en vain de ne pas l'avoir informée de ce qu'elle n'aurait aucun droit sur le bien lorsqu'elle a souscrit avec lui l'emprunt, le jour même de l'acte de vente auquel elle n'avait pas qualité à intervenir ; que par suite, c'est à bon escient qu'en l'absence de preuve d'une faute imputable à l'ex-concubin, le tribunal a rejeté les demandes de Mme X... fondées sur l'article 1382 du code civil ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE dans le cadre des dispositions de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, l'examen des pièces de la procédure permet de constater que Mme Josiane X... ne prouve pas l'existence d'une faute commise par M. Renaud Y... à son encontre, l'intéressée ayant volontairement été partie au contrat de prêt tout en sachant qu'elle n'était pas partie à l'acte d'achat, Mme X... n'ayant d'ailleurs pas contesté qu'elle n'était pas présente lors de l'acte d'acquisition du bien immobilier ;
1) ALORS QUE commet nécessairement une faute celui qui, tout en obtenant le concours de sa concubine à titre de co-emprunteur pour le financement de l'acquisition d'un bien immobilier, acquiert seul ce bien sans faire participer sa compagne à cette acquisition ou prévoir son dédommagement à ce titre ; qu'il était constant que M. Y... qui avait obtenu le concours de Mme X... pour financer, en qualité de co-emprunteur, l'acquisition du bien immobilier destiné à constituer le logement de la famille s'en est porté seul acquéreur, sans inviter Mme X... à en devenir propriétaire indivis ni prévoir de la dédommager du concours financier consenti, ce comportement ayant nécessairement pour effet d'aboutir à léser les intérêts financiers de sa compagne ; qu'en estimant cependant que le comportement de M. Y... n'était pas fautif au motif inopérant tiré de ce qu'elle n'avait pas « manifesté » la volonté d'acquérir l'immeuble conjointement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil ;
2) ALORS, EN OUTRE, QU'en retenant, par motifs adoptés du jugement confirmé que Mme X... savait qu'elle n'était pas partie à l'acte d'achat, sans préciser sur quels documents de la cause ils se fondaient pour affirmer cette circonstance contestée, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme Josiane X... tendant à la condamnation de M. Y..., sur le fondement de l'enrichissement sans cause, à lui verser la somme de 38.998,89 ¿ et, subsidiairement, celle de 20.800,75 ¿ ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme X... soutient qu'avec ses ressources, elle a alimenté quasi exclusivement le compte joint ayant servi à régler les échéances des prêts souscrits pour l'habitation, ainsi que les charges de fonctionnement du ménage et d'autres dépenses incombant à M. Y... (assurance du logement et de deux véhicules appartenant à ce dernier) ; qu'elle affirme que sa participation financière excède les limites de celle due au titre du concubinage sans que son appauvrissement puisse avoir pour contrepartie, l'occupation gratuite de l'immeuble ; qu'elle estime que le déséquilibre du patrimoine ainsi créé en sa défaveur doit être compensé par le remboursement des sommes investies par elle dans l'immeuble à hauteur de 38.998,89 ¿ ou de celles correspondant à l'alimentation par elle du compte joint, soit 20.800,75 ¿ depuis 2003, jusqu'au mois de février 2008 ; qu'elle verse aux débats des extraits du compte joint des ex-concubins et de son compte personnel pour la période considérée, ainsi qu'un tableau de synthèse des ressources respectives des parties, des dépenses, et des virements effectués sur le compte joint par M. Y... et par elle ; qu'il en résulte qu'alors que les revenus de Mme X... étaient un peu inférieurs à ceux de son compagnon de l'époque et qu'ils sont devenus bien moindre en 2007, pour en être à la moitié, celle-ci a supporté la grande partie des charges courantes du ménage, y compris celles liées au logement, soit à partir de son compte personnel, soit à partir du compte joint sur lequel étaient prélevées les échéances des prêts immobiliers, et essentiellement alimenté par elle, M. Y... ne l'ayant approvisionné qu'à hauteur de 4.620 ¿ entre 2003 et le mois de février 2008 ; que le contraire n'est pas démontré par ce dernier, au vu des pièces qu'il verse aux débats, à savoir quelques factures d'achat d'appareils et des tableaux censés récapituler des règlements faits par chaque concubin, au moyen de son propre compte ou du compte joint ; que cependant, aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune ; qu'à défaut d'une convention alléguée à cet égard, Mme X... doit supporter les dépenses courantes qu'elle a engagées ; que d'après les justificatifs qu'elle produit, les sommes déboursées par elle en plus de la participation de M. Y... n'ont pas dépassé au total le montant d'environ 25.000 ¿, incluant à hauteur de 17.995 ¿, le règlement partiel des emprunts afférents à l'acquisition de l'immeuble et aux travaux dont il a fait l'objet, sachant qu'à compter du mois d'octobre 2004, les mensualités du prêt ont été prises en charge par l'assureur du concubin, au titre de son invalidité ; qu'on doit déduire de l'ensemble de ces éléments que Mme X... n'a pas subi un appauvrissement sans cause, étant donné les avantages qu'elle a retirés pendant près de cinq années de l'occupation gratuite du logement appartenant à M. Y... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE dans le cadre des dispositions de l'article 1371 du code civil, l'action en enrichissement sans cause, ou action de in rem verso, est offerte à toute personne dont le patrimoine s'est trouvé appauvri au profit d'une autre personne en dehors de tout cadre légal ou contractuel ; qu'en l'espèce, l'examen des pièces de la procédure permet de constater que Mme Josiane X... ne prouve pas l'existence d'un enrichissement sans cause, puisque sa participation aux charges du ménage avait pour contrepartie son hébergement durant la vie commune, sachant que les sommes dépensées au titre des charges du ménage étaient débitées sur un compte joint (pièce 7 défendeur) et sachant au surcroît et de manière surabondante que le paiement des échéances du prêt relatif à la résidence du couple a été pris en charge par l'assurance de M.
Y...
dès le mois de décembre 2004, soit 4 ans avant la séparation du couple (pièce 12 défendeur) ;
1) ALORS QUE l'hébergement d'une personne par son concubin, dans le cadre de leur vie commune, ne donne pas lieu au versement d'une indemnité d'occupation ; qu'en décidant que l'appauvrissement constaté de Madame X... avait pour contrepartie son hébergement durant la vie commune, cependant qu'un tel hébergement, par principe gratuit, ne saurait avoir de contrepartie pécuniaire, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil ;
2) ALORS QUE nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui ; que les versements effectués par un concubin pendant la durée de la vie commune qui excèdent par leur ampleur la simple participation aux dépenses du ménage doivent lui être remboursées lors de la séparation ; qu'en rejetant la demande de Mme X... fondée sur l'enrichissement sans cause de M. Y..., tout en constatant à la fois que Mme X... avait seule alimenté le compte joint ayant servi à rembourser les emprunts immobiliers destinés à financer l'acquisition de la maison appartenant à M. Y... et que celui-ci n'avait jamais assuré le remboursement de la maison, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1371 du code civil.