LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Marionnaud Lafayette ne pouvait de bonne foi ignorer la présence et le nom de la société qui occupait un quart des locaux qui lui étaient donnés à bail, que la créance qu'elle invoquait n'était pas fondée sur le sous-bail, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendûment omise, a souverainement retenu que les infractions n'étaient pas suffisamment graves pour prononcer la résiliation judiciaire du sous-bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marionnaud Lafayette aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Marionnaud Lafayette
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, qui a jugé que la société Ateliers d'art liturgique Cheret était titulaire d'un sous-bail opposable à la société Marionnaud Lafayette, locataire principal, et l'a condamnée à payer à la société Marionnaud Lafayette le sous-loyer en vigueur à compter du 27 octobre 2001 et jusqu'au 31 décembre 2006 et une indemnité d'occupation, d'avoir jugé que ce sous-bail n'avait pris fin qu'avec le refus de renouvellement opposé le 23 mai 2008 par la société Marionnaud Lafayette, d'avoir jugé que ce refus ouvrait droit au paiement d'une indemnité d'éviction au profit de la société Ateliers d'art liturgique Cheret et d'avoir débouté la société Marionnaud Lafayette de son action en résiliation judiciaire du sous-bail ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Marionnaud Lafayette, locataire principal, fait valoir qu'elle n'a jamais perçu de sous-loyer de la part de la société Ateliers d'art liturgique Cheret ; que le bail du 13 novembre 1975 conclu entre M. X... et la société Ateliers d'art liturgique Cheret contient une clause qui interdit la sous-location mais autorise le preneur « à céder son bail en se réservant la possibilité de continuer sa propre exploitation dans une partie du local. Il pourra donc convenir avec son cessionnaire d'une sous-location partielle sans droit direct au renouvellement. Cette faculté est accordée à la société Cheret intuitu personae et ne pourra être utilisée qu'une seule fois » ; que le renouvellement du bail principal du 2 août 1984 rappelle l'exercice de la faculté de sous-location partielle par la société Ateliers d'art liturgique Cheret ; que le bail principal du 20 novembre 1994 rappelle cette sous-location, non cette fois de manière manuscrite, mais de façon dactylographiée, dans le corps du bail, sous la rubrique clauses particulières ; que la volonté des parties de poursuivre la souslocation au bénéfice de la société Ateliers d'art liturgique Cheret est établie ; que l'acte de cession du fonds de commerce par la société Silver Moon à la société Jean Druet, devenue la société Marionnaud Lafayette, le 9 novembre 1998, mentionne dans son article 1er intitulé désignation du fonds, « le droit au bail portant sur les locaux où est exploité le fonds, selon contrat dont la copie figure en annexe », ledit contrat étant celui conclu le 20 septembre 1994 comportant la clause particulière de sous-location ; que la société Marionnaud Lafayette n'est donc pas fondée à soutenir que la société Ateliers d'art liturgique Cheret occuperait les lieux sans droit ni titre ; que si la société Marionnaud Lafayette n'était pas tenue de signifier à la société Ateliers d'art liturgique Cheret l'opération de transmission universelle de la société Jean Druet à son profit, l'acte de cession du fonds de commerce par la société Silver Moon à la société Jean Druet n'a pas été signifié à la société Ateliers d'art liturgique Cheret, conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil ; que pour autant, la société Marionnaud Lafayette n'était pas irrecevable à réclamer un paiement à la société Ateliers d'art liturgique Cheret comme elle l'a fait par la sommation de déguerpir qu'elle lui a délivrée le 2 août 2006 ; que cependant, la créance que la société Marionnaud Lafayette a invoquée n'est justifiée par aucun décompte précis et n'est pas, en particulier, fondée sur le sous-bail ; que la société Ateliers d'art liturgique Cheret a, à juste titre, contesté le montant demandé ; que faute de tout élément sur la nature et le montant de la créance, le motif de non-paiement ne peut justifier une résiliation judiciaire ; qu'en conséquence, le refus de renouvellement notifié par la société Marionnaud Lafayette le 23 mai 2008 doit être validé, mais il ouvre droit au paiement d'une indemnité d'éviction, les motifs graves avancés par la société Marionnaud Lafayette n'étant pas établis ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le droit de la société Cheret d'occuper les locaux pour l'exploitation de son commerce d'objets de liturgie se fonde sur le sous-bail du 11 juillet consenti pour une durée prorogée automatiquement au-delà de la date du 1er octobre 1984 en raison du renouvellement du bail principal au delà de cette même date, puisqu'à chacun des renouvellements du bail principal du 20 août 1984 et 20 septembre 1994, il est fait référence au droit de souslocation de la société Cheret ; que la société Marionnaud Lafayette ne peut prétendre que ce sous-bail prorogé ne lui serait pas opposable au motif qu'elle ignorait la présence de la société Ateliers d'art liturgique Cheret dans ses locaux jusqu'à ce qu'elle lui soit révélée grâce aux opérations d'expertise et visite de l'ensemble des locaux le 6 janvier 2005 ; que si le sous-bail litigieux n'est pas évoqué dans la cession de fonds du 9 novembre 1998, qui emporte cession du droit au bail principal au profit de la société Jean Druet aux droits de laquelle se trouve la société Marionnaud Lafayette, le bail principal renouvelé du 20 septembre 1994 qui rappelle le droit de sous-location de la société Cheret pour l'exploitation de son fonds est en effet mentionné et annexé à l'acte de cession ; qu'elle ne peut prétendre avoir ignoré la société Cheret qui occupe environ le quart des locaux donnés à bail principal à la société Marionnaud Lafayette ; qu'elle ne peut donc reprocher à la société Cheret d'avoir manqué à son obligation principale de paiement des sous-loyers ;
ALORS QUE la société Marionnaud Lafayette faisait valoir (concl., p. 20 et s.) que la société Ateliers d'art liturgique Cheret avait produit aux débats une attestation de son expert-comptable (pièce n° 10) certifiant qu'elle avait payé le sous-loyer à la société Silver Moon jusqu'au 8 novembre 1998, « date de la cession du fonds de commerce Silver Moon à Marionnaud », et qu'après cette date elle avait provisionné la charge annuelle de sous-loyer due au titre des locaux qu'elle occupait ; que la société Ateliers d'art liturgique Cheret connaissait précisément le montant du sous-loyer dont elle était débitrice puisqu'elle avait produit aux débats l'avenant du 11 juillet 1979 (pièce n° 12) et les lettres de révision des 30 juillet 1990 et 18 novembre 1993 (pièces n° 6 et 7) ; que la société Marionnaud Lafayette ajoutait que le sous-loyer était portable, et non quérable, de sorte que le sous-locataire ne pouvait invoquer utilement ne pas avoir reçu d'avis d'échéance du nouveau locataire principal (concl., p. 22 § 4 et 5) ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que le sous-locataire occupait « environ le quart des locaux donnés à bail principal à la société Marionnaud Lafayette », de sorte que celle-ci « ne pouvait (¿) ignorer sa présence » (jugt, p. 7 § 1 et 6), ce qui était nécessairement réciproque ; que la cour d'appel a jugé que la société Marionnaud Lafayette était recevable à réclamer le paiement du sous-loyer, nonobstant l'absence de signification suivant les modalités de l'article 1690 du code civil (arrêt, p. 6 § 1) ; qu'en s'abstenant cependant de rechercher si la société Ateliers d'art liturgique Cheret, qui avait ainsi parfaitement identifié le nouveau locataire principal et connaissait le montant du sous-loyer qui lui était dû, qu'elle avait régulièrement provisionné sans pour autant le payer depuis 1998, avait commis un manquement suffisamment grave à ses obligations justifiant la résiliation du sous-bail à ses torts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1728 et 1184 du code civil.