LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 11-18.693 et K 12-29.267 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 1er mars 2011), que, par acte notarié du 7 avril 1995 intitulé donation-partage, Gustave X... et Laure Y..., mariés en 1952 sans contrat préalable, ont consenti à leurs trois enfants, Elisabeth, Béatrice et Christophe, une donation portant notamment sur la nue-propriété d'une maison située à Sète ; que Laure Y... a été placée sous tutelle, son époux étant désigné en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire ; que, par ordonnance du 22 juillet 2002, le juge des tutelles a autorisé Gustave X..., ès qualités, à consentir, au nom de son épouse, une donation à ses trois enfants ; que, par acte notarié du 23 septembre 2002 également intitulé donation-partage, Gustave X... et Laure Y..., ainsi représentée, ont consenti à leurs enfants une donation portant sur l'usufruit de la maison et en ont attribué la propriété à leur fille Béatrice, à charge pour elle de verser une soulte à son frère et à sa soeur ; qu'ils sont décédés respectivement les 20 décembre 2002 et 27 juillet 2003, en laissant leurs trois enfants pour leur succéder ; que Mme Elisabeth X... a sollicité la rescision pour lésion de plus du quart, subsidiairement la réduction, de l'acte du 23 septembre 2002 ; que l'arrêt rejette cette demande ;
Sur le pourvoi n° W 11-18.693, après l'avertissement prévu à l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu qu'il résulte de l'article 613 du code de procédure civile que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition, ouverte aux parties défaillantes, n'est plus recevable ;
Attendu que Mme Elisabeth X... a formé un pourvoi contre un arrêt rendu par défaut, M. Christophe X..., non comparant, ayant été assigné en l'étude de l'huissier de justice ;
Attendu que la signification de l'arrêt attaqué ne précise pas que la décision est susceptible d'opposition ; qu'il n'est pas justifié de l'expiration du délai d'opposition ;
D'où il suit que le pourvoi est irrecevable ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi n° K 12-29.267 :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :
1°/ que, si la donation-partage peut être réalisée par actes séparés, le premier opérant une donation et le second un partage des biens donnés, elle ne saurait résulter, simultanément, de deux actes séparés constituant indivisiblement un seul et même partage d'ascendant, et d'un seul et même acte, intitulé donation-partage, emportant révocation d'une donation précédente avec réattribution ; qu'en estimant, au visa de l'article 1078-1 du code civil, que l'acte du 23 septembre 2002 constituait une donation-partage dès lors qu'il incorporait « la donation de l'usufruit de la maison de Sète réalisée en 1995 qui est réattribuée, comporte donation de la nue-propriété et réalise le partage du bien », tout en considérant, sur le fondement de l'article 1076, alinéa 2, du code civil, que cette donation-partage résultait de deux actes successifs intervenus séparément le 7 avril 1995 et le 23 septembre 2002 mais constituant « indivisiblement un seul et même partage d'ascendant, dont l'objet est d'allotir Mme Béatrice X..., à charge de soulte, de la pleine propriété de l'immeuble de Sète », la cour d'appel, dont les motifs sont incertains et ambigus, n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard des articles 1076, alinéa 2 et 1078-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 ;
2°/ que si une donation-partage peut porter sur des biens que le de cujus a jadis donnés à l'un des copartagés, l'article 1078-1 du code civil doit être interprété strictement et n'autorise point l'attribution du bien donné à un autre qu'au donataire ; qu'en retenant, néanmoins, pour reconnaître l'existence d'une donation-partage, que l'acte du 23 septembre 2002 incorporait « la donation de l'usufruit (sic) de la maison de Sète réalisée en 1995 qui est réattribuée, comporte donation de la nue-propriété (sic) et réalise le partage du bien », la cour d'appel a violé le texte susvisé, dans sa rédaction applicable en la cause ;
3°/ que la donation-partage qui réalise la volonté répartitrice de toutes les parties et ne peut résulter que d'un acte authentique prenant en compte la totalité des biens donnés implique, lorsqu'elle est réalisée par actes séparés, que la donation et le partage intervenus successivement portent sur des biens identiques et que la volonté répartitrice s'exerce sur l'ensemble des biens donnés ; qu'en décidant que les actes du 7 avril 1995 et du 23 septembre 2002 constituaient « indivisiblement un seul et même partage d'ascendant », portant attribution à Mme Béatrice X... de l'immeuble de Sète à charge de soultes, après avoir pourtant relevé que « les autres biens » objet de la donation du 7 avril 1995 se trouvaient « exclus du partage », la cour d'appel a violé l'article 1076 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'article 1078-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause, n'interdit pas qu'un bien antérieurement donné indivisément à des enfants soit attribué à l'un d'eux dans un acte de donation-partage et que le lot de Mme Béatrice X... a été partiellement formé, par l'acte du 23 septembre 2002, de la donation en nue-propriété indivise déjà reçue par elle le 7 avril 1995, la cour d'appel en a exactement déduit que ledit acte s'analysait en une donation-partage, exclusive de la lésion invoquée par l'intéressée ; que le moyen, qui est inopérant en ses première et troisième branches, n'est pas fondé en sa deuxième ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu qu'il est fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en se déterminant par de tels motifs, là où l'ordonnance du 24 juillet 2002 autorisant la donation-partage était dépourvue d'autorité de la chose jugée sur la question de la validité de l'acte du 23 septembre 2002 au regard de l'article 505 ancien du code civil et ne pouvait en conséquence dispenser la cour d'appel de répondre aux conclusions de Mme Elisabeth X..., dans lesquelles celle-ci soutenait que les dispositions de l'ancien article 505 du code civil ne pouvaient s'appliquer à une donation-partage et sollicitait, au cas où il serait ainsi qualifié, l'annulation de l'acte du 23 septembre 2002, la cour d'appel, qui n'a pas donné de motifs à son arrêt, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en énonçant qu'il n'était pas prétendu que l'ordonnance du juge des tutelles autorisant la donation-partage eût fait l'objet d'un quelconque recours fondé sur l'impossibilité pour le juge des tutelles d'autoriser un tel acte et qu'il ne lui appartenait pas, au regard de sa saisine, de statuer sur le bien-fondé de cette décision, la cour d'appel a répondu, pour les écarter, aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE irrecevable le pourvoi n° W 11-18.693 ;
REJETTE le pourvoi n° K 12-29.267 ;
Condamne Mme Elisabeth X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Elisabeth X... et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Béatrice X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° K 12-29.267 par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme Elisabeth X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les actes du 7 avril 1995 et du 23 septembre 2002 constituent indivisiblement un seul et même partage d'ascendant, dont l'objet est d'allotir Mme Béatrice X..., à charge de soulte, de la pleine propriété de l'immeuble de Sète, pour une valeur déclarée de 280.000 euros, et que la valeur de 280.000 euros fixée par l'acte du 23 décembre 2002 pour l'immeuble de Sète attribué à Béatrice X... à charge de soulte est la seule à prendre en compte dans les opérations de compte et de partage pour la vérification de l'atteinte à la réserve ;
Aux motifs que « sur la qualification des actes du 7 avril 1995 et 23 septembre 2002, ces deux actes, outre leur intitulé de donation-partage, mentionnent expressément que les donateurs usent de la faculté qui leur est laissée par l'article 1075 du Code civil de procéder à une donation partage en faveur de leurs trois enfants. Toutefois, il appartient au juge, en application de l'article 12 du Code de procédure civile, de restituer aux actes litigieux leur exacte qualification sans s'arrêter sur la dénomination que les parties en auraient proposée. En conséquence, en l'espèce, la qualification de donation-partage donnée par les parties aux actes litigieux n'exclut pas une requalification en donation simple telle que demandée par l'appelante. Une donation-partage implique une attribution privative des biens donnés ; or l'acte du 7 avril 1995 laisse les donataires en indivision sur les biens donnés. Cet acte, pris isolément, constitue une donation simple. En revanche, l'acte du 23 septembre 2002 réalise bien un partage puisqu'il comporte l'attribution privative de l'immeuble de Sète à Elisabeth X... et l'attribution d'une soulte aux deux autres co-indivisaires. Contrairement à ce que soutient l'appelante, chacun des co-partageants est bien attributaire d'un lot. Aux termes de l'article 1076 ancien du Code civil, applicable à l'espèce, « la donation-partage ne peut avoir pour objet que des biens présents. La donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que l'ascendant intervienne aux deux actes ». L'article 1078-1 du Code civil dispose que le lot de certains gratifiés pourra être formé, en tout ou en partie, de donations soit rapportables, soit préciputaires, déjà reçues par eux de l'ascendant. Cette incorporation applicable à tous types de donations, y compris les donations-partages, permet, sous réserve du consentement du donataire auquel elle a été consentie, valant révocation conventionnelle de la donation antérieure, un changement d'attributaire pour parvenir au partage. Ainsi l'acte du 23 septembre 2002 incorpore la donation de l'usufruit de la maison de Sète réalisée en 1995 qui est réattribuée, comporte donation de la nue-propriété et réalise le partage du bien. Si l'article 1076 ancien du Code civil en son alinéa 2 impose l'intervention de l'ascendant, il suffit qu'il soit établi qu'il a participé à la composition des lots et ait approuvé les attributions. Les échanges de courriers entre Béatrice X... et le notaire démontrent la volonté de l'intéressée de se voir attribuer la pleine propriété de l'immeuble de Sète, mais ils font également apparaître la participation de M. Gustave X... à la mise en place de ce projet. L'ordonnance du juge des tutelles du 24 juillet 2002 intitulé « ordonnance de donation-partage » est sans ambiguïté sur l'autorisation donnée à ce dernier en sa qualité d'administrateur légal des biens de son épouse : « consentir en son nom à la donation-partage des droits indivis qu'elle détient sur l'immeuble de Sète, ledit immeuble devant être attribué en toute propriété à Béatrice X... à charge de payer une soulte à son frère et à sa soeur, et ladite donation étant consentie en avancement d'hoirie ». L'acte du 23 septembre 2002 est parfaitement conforme à l'autorisation ainsi donnée, celle-ci concernant sans aucune équivoque une donation-partage, impliquant pour la majeure protégée le dépouillement de sa part d'usufruit, pour aboutir au résultat recherché, soit l'attribution en pleine propriété du bien à Béatrice, les copartageants étant allotis sous forme de soulte, même si toutes les étapes de l'opération ne sont pas détaillées. Il n'appartenait pas au juge des tutelles, chargé de veiller aux intérêts patrimoniaux de Madame Y..., épouse X..., de se prononcer sur l'évaluation du bien, cette évaluation étant sans incidence sur les droits de l'intéressée. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'évaluation du bien donné et par conséquent le montant des soultes, tel que figurant à l'acte, n'est pas conforme à la volonté des parties, qui ont toutes signé l'acte. Enfin, si la donation-partage qui réalise la volonté répartitrice de toutes les parties ne peut résulter, sous réserve de l'alinéa 2 de l'article 1076 du Code civil, que d'un acte authentique prenant en compte la totalité de biens donnés, en l'espèce il existe bel et bien un acte authentique portant partage d'un bien donné, les autres biens étant exclus du partage puisqu'ils restent en indivision. Or, il résulte de l'article 1075-3 ancien du Code civil (à ce jour 1075-5), interprété a contrario, que des biens peuvent ne pas avoir été inclus dans le partage, de sorte qu'une donation-partage ne portant que sur une partie des biens du donataire est possible. L'acte du 23 septembre 2002 est donc qualifié à juste titre de donation partage, et le jugement déféré doit être confirmé s'agissant de l'évaluation de la valeur des différents biens composant la succession » ;
Alors, d'une part, que si la donation-partage peut être réalisée par actes séparés, le premier opérant une donation, et le second un partage des biens donnés, elle ne saurait résulter, simultanément, de deux actes séparés constituant indivisiblement un seul et même partage d'ascendant, et d'un seul et même acte, intitulé donation-partage, emportant révocation d'une donation précédente avec réattribution ; qu'en estimant, au visa de l'article 1078-1 du Code civil, que l'acte du 23 septembre 2002 constituait une donation-partage dès lors qu'il incorporait « la donation de l'usufruit de la maison de Sète réalisée en 1995 qui est réattribuée, comporte donation de la nue-propriété et réalise le partage du bien », tout en considérant, sur le fondement de l'article 1076, alinéa 2, du Code civil, que cette donation-partage résultait de deux actes successifs intervenus séparément le 7 avril 1995 et le 23 septembre 2002 mais constituant « indivisiblement un seul et même partage d'ascendant, dont l'objet est d'allotir Mme Béatrice X..., à charge de soulte, de la pleine propriété de l'immeuble de Sète », la Cour d'appel, dont les motifs sont incertains et ambigus, n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard des articles 1076, alinéa 2 et 1078-1 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 ;
Alors, d'autre part, que si une donation-partage peut porter sur des biens que le de cujus a jadis donnés à l'un des copartagés, l'article 1078-1 du Code civil doit être interprété strictement et n'autorise point l'attribution du bien donné à un autre qu'au donataire ; qu'en retenant, néanmoins, pour reconnaître l'existence d'une donation-partage, que l'acte du 23 septembre 2002 incorporait « la donation de l'usufruit (sic) de la maison de Sète réalisée en 1995 qui est réattribuée, comporte donation de la nue-propriété (sic) et réalise le partage du bien », la Cour d'appel a violé le texte susvisé, dans sa rédaction applicable en la cause;
Alors, enfin, que la donation-partage qui réalise la volonté répartitrice de toutes les parties et ne peut résulter que d'un acte authentique prenant en compte la totalité des biens donnés implique, lorsqu'elle est réalisée par actes séparés, que la donation et le partage intervenus successivement portent sur des biens identiques et que la volonté répartitrice s'exerce sur l'ensemble des biens donnés ; qu'en décidant que les actes du 7 avril 1995 et du 23 septembre 2002 constituaient « indivisiblement un seul et même partage d'ascendant », portant attribution à Madame Béatrice X... de l'immeuble de Sète à charge de soultes, après avoir pourtant relevé que « les autres biens » objet de la donation du 7 avril 1995 se trouvaient « exclus du partage», la Cour d'appel a violé l'article 1076 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que les actes du 7 avril 1995 et du 23 septembre 2002 constituent indivisiblement un seul et même partage d'ascendant, dont l'objet est d'allotir Mme Béatrice X..., à charge de soulte, de la pleine propriété de l'immeuble de Sète, pour une valeur déclarée de 280.000 euros, et que la valeur de 280.000 euros fixée par l'acte du 23 décembre 2002 pour l'immeuble de Sète attribué à Béatrice X... à charge de soulte est la seule à prendre en compte dans les opérations de compte et de partage pour la vérification de l'atteinte à la réserve ;
Aux motifs que « sur la nullité de l'acte du 23 septembre 2002, aux termes de l'article 505 du Code civil, dans sa rédaction applicable au moment de l'acte : « avec l'autorisation du conseil de famille, des donations peuvent être faites au nom du majeur en tutelle, mais seulement au profit de ses descendants et en avancement d'hoirie, ou en faveur de son conjoint » ; que s'agissant d'une administration légale sous contrôle judiciaire le consentement est donné par le juge des tutelles ; qu'en l'espèce, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Toulouse a rendu le 24 juillet 2002 une ordonnance de donation-partage annexée à l'acte du 23 septembre 2002 ; qu'il n'est pas prétendu qu'elle ait fait l'objet d'un quelconque recours fondé sur l'impossibilité pour le juge des tutelles à autoriser un tel acte, et il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre de sa saisine, de statuer sur le bien-fondé de cette ordonnance ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation de l'acte du 23 septembre 2002 pour incapacité de l'un des donateurs ;
Alors qu'en se déterminant par de tels motifs, là où l'ordonnance du 24 juillet 2002 autorisant la donation-partage était dépourvue d'autorité de la chose jugée sur la question de la validité de l'acte du 23 septembre 2002 au regard de l'article 505 ancien du Code civil et ne pouvait en conséquence dispenser la Cour d'appel de répondre aux conclusions de Mme Elisabeth X..., dans lesquelles celle-ci soutenait que les dispositions de l'ancien article 505 du Code civil ne pouvaient s'appliquer à une donation-partage et sollicitait, au cas où il serait ainsi qualifié, l'annulation de l'acte du 23 septembre 2002, la Cour d'appel, qui n'a pas donné de motifs à son arrêt, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.