LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...ayant résilié le contrat à durée indéterminée qu'elle avait conclu avec Mme Y..., aux fins d'exercer leur profession d'infirmière au sein d'un même cabinet, contrat prévoyant que Mme X...conserverait le droit d'exercer dans les locaux, que Mme Y...respecterait une clause de non-réinstallation et que Mme X...devrait indemniser cette dernière de la valeur de sa clientèle, déterminée, à défaut d'accord entre elles, par expert désigné par application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, Mme Y...a demandé le paiement de cette indemnité, fixée à 43 400 euros par les premiers juges, puis réduite à 27 000 euros par la cour d'appel ;
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1153-1 du code civil ;
Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Attendu qu'en fixant le point de départ des intérêts légaux dus sur la somme que Mme Y...devait rembourser à Mme X...en raison de l'exécution provisoire qui assortissait le jugement déféré, à compter du jour du versement des dites sommes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts des sommes dues par Mme Y...à Mme X...en vertu de l'exécution provisoire qui assortissait le jugement déféré, l'arrêt rendu le 29 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les intérêts légaux des sommes devant être remboursées à Mme X...par Mme Y...courront à compter de la notification valant mise en demeure de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Reims le 29 novembre 2011 ;
Condamne Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir homologué le rapport de l'expert Z...en ce qu'il a conclu que la valeur de la clientèle de Madame Nadine Y...¿ A...au jour de la résiliation du contrat d'association par Madame Arlinda X...¿ B... est fixée à 27. 000 ¿ sous déduction de la valeur de la clientèle estimée lors de l'entrée en association à savoir 10. 000 ¿, d'où une somme de 17. 000 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE les quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 du contrat d'association sans partage d'honoraires qui liait les parties stipulent : « en cas de résiliation du contrat par le libre exercice de son droit de dénonciation par l'une des associées, Madame Arlinda X...aura un droit prioritaire de poursuivre son activité au cabinet de soins installé à REIMS Avenue Bonaparte en demandant à Madame Nadine Y...de respecter la clause de non-réinstallation stipulée à l'article 5-3 ci-après. En contrepartie, Madame Arlinda X...devra indemniser Madame Nadine Y...de la valeur de sa clientèle déterminée, à défaut d'accord entre elles, par expert désigné par application des dispositions de l'article 1843-4 du Code civï1, sous déduction d'une somme de 10. 000 ¿ pour tenir compte de la clientèle existante au moment de son installation, ainsi qu'il est précisé ci-après »
AUX MOTIFS ENCORE QUE contrairement à ce que soutient Madame Y...ces clauses, claires et précises n'appellent aucune interprétation et ce serait dénaturer ces dernières que de prétendre y lire, comme le fait l'intimée que « ce contrat fait référence à l'article 1843-4 du code civil pour déterminer la procédure qu'il conviendra d'appliquer pour déterminer la valeur de la clientèle à indemniser en cas de séparation des infirmières » qu'il " s'agit donc ici de déterminer conventionnellement la procédure applicable » et qu'il « " ne s'agit pas de la procédure légale dévaluation des droits sociaux ». Qu'il est clair qu'aux termes des stipulations du cinquième alinéa de l'article 4 dudit contrat d'association, Mme X...doit « indemniser Madame Nadine Y...de la valeur de sa clientèle déterminée, à défaut d'accord entre elles, par expert désigné par application des dispositions de l'article 1843-4 du Code civil » ; que Madame Y...soutient, par ailleurs, vainement que Madame X...et elle-même « n'ont jamais été associées au sein d'une société », qu'elles " ont signé un contrat d'association sans partage d'honoraires " et qu'il " ne s'agit donc pas d'un contrat de société ", alors que les termes mêmes du contrat signé par les parties, ci-après reproduits, démontrent que celles-ci ont créé une société civile de moyens (qui, faut-il le rappeler, a un statut légal depuis la loi du 29 novembre 1966), laquelle a pour objet exclusif de faciliter à chacun de ses membres l'exercice de son activité, ce type de société permettant donc la réalisation d'une économie : « dans le but de faciliter l'exercice de leur profession et par là-même de se mettre en mesure de mieux assurer les soins dus à leurs malades, Madame Arlinda X...et Madame Nadine Y...ont décidé d'arrêter les conditions de leur association à compter du 1 février 2006 dans le cadre du présent contrat, « Article I- : Les deux associées utiliseront en commun le cabinet de soins comprenant une salle d'attente et une salle de soins, installé Avenue du Général Bonaparte (Les Pays de France) 51100 REIMS ; Les frais de fonctionnement du cabinet de soins (loyers, téléphone, matériel, électricité, eau...) seront supportés égalitairement par les coassociées, quand bien même les factures seraient établies au nom de l'une seule d'entre elles ; Les comptes devront être liquidés trimestriellement les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre. Le débit qu'ils feront ressortir sera payé immédiatement ; que chaque associée fera son affaire personnelle des moyens matériels nécessaires pour la visite des malades à leur domicile et en outre, l'activité ne nécessitant pas actuellement l'emploi de personnel, les associées s'entendront, en cas de besoin ultérieur, pour l'embauche éventuelle de personnel et pour la prise en charge commune des dépenses correspondantes. " ; que l'article 1843-4 du code civil dispose que, " dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible " ; qu'en application de ce texte de loi, Madame Y...a, par acte d'huissier délivré le 26 mai 2008 à Madame X..., saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de REIMS aux fins de désignation d'un expert, puisque, dans sa lettre du 28 avril 2008 précitée, elle avait proposé, en qualité d'expert, la société " RS ASSOCIES " et que, dans sa réponse, Madame X...avait manifesté son désaccord et proposé " deux autres experts. Monsieur Marcel C...ou Monsieur Claude D..." ; que, par ordonnance du 09 juillet 2008, ce magistrat a désigné Monsieur Francis E...avec la mission suivante : " évaluer la valeur de la clientèle de Madame Nadine A...-Y...au jour de la résiliation du contrat d'association avec Madame Arlinda B...-X..." ; que l'expert commis n'ayant pas accepté sa mission, le président du tribunal de grande instance de REIMS a désigné Monsieur Jean-Claude Z...en remplacement de Monsieur E...; qu'ayant clos son rapport le 28 février 2009 et estimant que, " pour un chiffre d'affaires moyen retenu pour 89. 000 ¿ avec un taux de capitalisation de 30 %, l'indemnité de clientèle s'établit à 27. 000 ¿ », l'expert Z...a conclu que " la valeur de la clientèle de Madame Nadine Y...-A...au jour de la résiliation du contrat d'association par Madame Arlinda X...-B... est fixée à 27 000 ¿ sous déduction de la valeur de la clientèle estimée lors de l'entrée en association à 10 000 ¿ » ; que l'article 1843-4 du code civil étant un texte d'ordre public, il appartient au seul expert désigné en application de cet article de déterminer la valeur des droits sociaux. sauf à démontrer que le technicien commis s'est grossièrement trompé dans l'évaluation de ces derniers ou a outrepassé son mandat ; que Madame Y...reproche, d'une part, à l'expert Z...d'avoir " pris en compte la notion d'achalandage qui ne peut être retenue en matière de fonds civil " ; que rien n'est plus faux, l'expert ayant clairement répondu à cette critique de l'avocate de Madame Y...qu'il n'évoque, " à aucun moment ", la " notion « d'achalandage » qui est une approche commerciale liée à la « clientèle de passage » " ; que Madame Y...soutient, d'autre part, que l'expert Z...a procédé à une mauvaise interprétation de la convention ", car, selon elle, si l'article 5-2 du contrat d'association stipule que compte tenu de la clientèle existante au moment de l'installation de Madame Nadine Y...et de l'activité dont cette dernière va bénéficier, estimée d'un commun accord à la somme de 10. 000 ¿ " cela ne signifie pas que la somme de 10 000 euros valorise l'activité à venir " ; que cependant la stipulation ci-dessus reproduite est dépourvue de toute ambiguïté et que le cinquième alinéa de l'article 4 dudit contrat évalue, lui, " la clientèle existante " à 10 000 ¿ ; que l'article 1161 du code civil disposant que " toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ", Madame Y...ne pouvait sérieusement soutenir devant l'expert que " 10. 000 ¿ correspondent à l'évaluation de la clientèle existante, soit environ 30 % du chiffre d'affaires, et 10. 000 ¿ correspondent, non pas à la clientèle potentielle et future, mais à un complément de droit de présentation correspondant aux avantages fiscaux résultant de l'implantation en zone franche " ; que l'expert Z...a écarté, à juste titre, cette interprétation, car il avait déjà tenu compte de la situation du cabinet d'infirmières en zone franche pour choisir un taux de valorisation de la clientèle ¿ dans la fourchette haute ", soit à 30 % ; qu'en effet, il est divinatoire d'affirmer, comme le fait Madame Y..., que " les parties ont pris en compte la localisation géographique du cabinet et les conditions d'exploitation (...) qui sont exceptionnelles ", alors que leur convention n'y fait aucune référence ; que l'expert Z...n'ayant commis aucune erreur grossière, le tribunal n'a donc pas respecté l'article 1843-4 du code civil en procédant lui-même à l'évaluation de l'indemnité due à Madame Y...;
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE statuant à nouveau, il y a lieu d'homologuer le rapport de l'expert Z...en ce qu'il a conclu que " la valeur de la clientèle de Madame Nadine Y...-A...au jour de la résiliation du contrat d'association par Mme Arlinda X...-B... est fixée à 27. 000 ¿, sous déduction de la valeur de la clientèle estimée lors de l'entrée en association à 10 000 ¿ ;
ALORS QU'aux termes du contrat d'association ayant pour objet une activité d'infirmière libérale, le contrat ne comportant aucun partage d'honoraires, contrat conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er février 2006 chacun des signataires pouvait mettre fin audit contrat à tout moment moyennant le respect d'un préavis de trois mois étant encore stipulé qu'en cas de résiliation Madame X...aurait un droit prioritaire de poursuivre son activité au cabinet de soins en demandant à Madame Y...de respecter une clause de non concurrence stipulée à l'article 5 ¿ 3 du contrat : clause de non réinstallation pendant trois ans dans le secteur d'intervention, que le premier juge à cet égard avait à bon droit relevé que les stipulations du contrat s'analysaient en une clause de non concurrence indemnisée par le versement d'une indemnité de clientèle (cf p. 3 alinéa 3 du jugement) ; qu'en ne tenant absolument pas compte de cette donnée mise en relief dans les conclusions d'appel (cf p. 7 et p. 10 et 11 desdites conclusions du 10 octobre 2011), donnée donnant à l'affaire un relief tout à fait particulier par rapport aux dispositions de l'article 1843 ¿ 4 du Code civil qui doivent être d'interprétation stricte et qui ne concernent que le cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société, la Cour méconnait son office au regard de l'article 12 du Code de procédure civile et viole par fausse application l'article 1843 ¿ 4 du Code civil, en privant son arrêt de base légale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'intimée de sa demande tendant à obtenir des dommages et intérêts ;
ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier moyen entrainera par voie de conséquence l'annulation du chef ici querellé du dispositif, et ce en application des dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport aux deux premiers)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'intimée à rembourser à l'appelante les sommes versées par celle-ci en vertu de l'exécution provisoire qui assortissait le jugement déféré, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jour du versement desdites sommes ;
ALORS QU'en cas de paiement effectué sur le fondement d'une exécution provisoire prononcée par les premiers juges, les intérêts légaux sur les sommes à restituer en l'état de l'infirmation du jugement ne peuvent commencer à courir qu'à compter de la signification et ou notification de l'arrêt infirmatif avec commandement de restituer ; qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour viole l'article 1153, alinéa 3 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'intimée à payer à l'appelante une somme de 2. 000 ¿ pour frais de procédure de première instance et d'appel ;
ALORS QUE l'article 700 du Code de procédure civile concerne uniquement les frais exposés et non compris dans les dépens cependant que les frais de procédure de première instance et d'appel font partis des dépens ; qu'ainsi la Cour viole l'article 700 du Code de procédure civile, en condamnant un intimé sur sa base pour frais de procédure de première instance et d'appel.