LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 145-14 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'indemnité, égale au préjudice causé par le non renouvellement du bail qui comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, est déterminée suivant les usages de la profession ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 octobre 2012) que la société Corin aux droits de laquelle se trouvent la société Corin Asset management et la société Mercialys, ont donné en location à M. X... pour l'exercice d'une activité de vente de prêt à porter, un local situé dans un centre commercial, pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 1997, que le 29 mai 2007 les sociétés bailleresses ont fait délivrer un congé à effet du 1er décembre 2007 avec offre d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que pour fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction due par les bailleresses, la cour d'appel retient que seul le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du chiffre d'affaires doit être pris en considération, l'indemnité attribuée s'inscrivant dans la réparation d'un préjudice et non dans une transaction imposable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le fait qu'une indemnité réparatrice ne soit pas soumise à une taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas, en soi, obstacle à la prise en compte pour sa fixation, d'éléments comptables arrêtés toutes taxes comprises et que la détermination de la valeur marchande du fonds de commerce s'effectue selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d'activité commerciale concernés, la cour d'appel, qui n'a pas recherché quelles étaient les modalités d'évaluation des fonds de commerce en vue d'une transaction en usage dans la profession, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;
Condamne la société Corin Asset management et la société Mercialys aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société Corin Asset management et la société Mercialys de leur demande les condamne à payer 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité d'éviction principale due par les sociétés CORIN et MERCIALYS à Monsieur Christophe X... à la somme de 141.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE l'obligation pour le bailleur de payer au locataire évincé l'indemnité d'éviction prévue par les dispositions de l'article L 145-14 du code de commerce n'est pas contestée ; qu'aux termes de ce texte, cette indemnité, égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait preuve que le préjudice est moindre ; que sur la valeur marchande du fonds de commerce, les parties conviennent que l'éviction sollicitée entraîne la perte du fonds dont la valeur doit être déterminée au regard du chiffre d'affaires moyen des dernières années augmenté d'un coefficient multiplicateur propre à l'activité exercée, conformément à la méthode appliquée par l'expert judiciaire et retenue par le premier juge ; que pour la détermination du chiffre d'affaires, c'est à juste titre que les intimés soutiennent que contrairement aux prétentions de l'appelant, seul son montant hors TVA doit être pris en considération, l'indemnité attribuée s'inscrivant dans la réparation d'un préjudice et non dans une transaction imposable ; que pour fixer le montant du chiffre d'affaire de référence, il convient de prendre la moyenne des quatre dernières années afin de se placer, conformément à la demande légitime des intimés, à la date la plus proche de l'éviction ; qu'au regard des éléments d'estimation issus de l'ensemble des justificatifs produis aux débats, la somme de 177.000 euros HT, retenue par le tribunal, mérite d'être entérinée, les évaluations différentes proposées par les parties reposant sur des méthodes qui ne présentent aucune garantie d'objectivité ; que concernant le coefficient multiplicateur, celui de 80 % proposé par l'expert repose sur une appréciation pertinente, fondée notamment sur les marques commercialisées exploitées et sur les prix pratiqués par le preneur, de sorte que les critiques articulées sur ce point tant par l'appelant, qui voudrait un taux majoré que par les intimés qui le trouvent excessifs, ne sont pas justifiées ; qu'en définitive, l'indemnité principale doit être fixée à la somme de 141.000 euros (177.000 x 80%) ;
1°) ALORS QUE le montant de l'indemnité d'éviction est calculé selon les usages de la profession ; qu'en se bornant à affirmer que la taxe sur la valeur ajoutée ne devait pas être incluse dans le chiffre d'affaires servant de base au calcul de l'indemnité d'éviction, au motif inopérant tiré de ce que cette indemnité s'inscrit dans la réparation d'un préjudice et non d'une transaction imposable, sans rechercher si l'usage de la profession commandait d'inclure cette taxe dans le chiffre d'affaires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-14 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE le rapport d'expertise du 20 novembre 2009 se bornait à déterminer le coefficient multiplicateur en fonction du type d'activité et des marques pratiquées, sans référence aux prix pratiqués par Monsieur X... ; qu'en affirmant néanmoins, pour fixer le coefficient multiplicateur à 80%, tel que retenu par l'expert, que ce dernier avait fondé notamment son appréciation sur les prix pratiqués par le preneur, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
3°) ALORS QUE subsidiairement, en se bornant, pour fixer le coefficient multiplicateur à 80 %, à prendre en considération les marques commercialisées et les prix pratiqués par le preneur, sans prendre en compte, comme elle y était invitée, l'emplacement du fonds de commerce de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-14 du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Christophe X... de sa demande tendant à voir condamner les sociétés CORIN et MERCIALYS à l'indemniser de la perte de stock ;
AUX MOTIFS QUE sur la perte de stock, c'est à juste titre que l'appelant relève que le premier juge n'a pas statué sur ce chef de demande dont il était pourtant saisi ; que lorsqu'il y a disparition du fonds comme en l'espèce, le stock non liquidé à l'éviction peut, sous certaines conditions, faire l'objet d'une indemnisation ; que contrairement à ce que soutiennent les intimés, ce stock n'a pas été pris en compte par l'expert dans les évaluations qu'il propose ; qu'il est en effet spécifié dans le rapport (page 15) que la perte du stock n'a pas été retenue pour le moment, « puisque la date de départ n'est pas encore connue et rien n'indique à ce jour le préjudice subi » ; que toutefois, faute pour le preneur d'apporter la preuve de l'importance du stock ni de la nécessité de le vendre à perte, la demande d'indemnisation qu'il a formée de ce chef doit être rejetée, sans qu'il y ait lieu de saisir Monsieur Y... en vue d'évaluer le préjudice invoqué ;
ALORS QU'il appartient au juge qui constate l'existence d'un préjudice de procéder à son évaluation ; qu'en décidant, pour rejeter la demande de Monsieur X... tendant à l'indemnisation de la perte de ses stocks, qu'il ne rapportait pas la preuve de l'importance du stock ni de la nécessité de le vendre à perte, bien qu'elle ait été tenu, dès lors qu'elle avait constaté que l'expert n'avait pas pris en compte le stock non liquidé, de procéder à l'évaluation du préjudice effectivement subi par Monsieur X... en raison de la perte de ce stock, la Cour d'appel a violé l'article L 145-14 du Code de commerce.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Christophe X... de sa demande tendant à voir condamner les sociétés CORIN et MERCIALYS à lui verser une indemnité au titre des frais de réinstallation ;
AUX MOTIFS QUE sur les frais de réinstallation, l'appelant invoque d'abord le paiement d'un "pas de porte" à acquérir à hauteur de 150.000 euros ; que c'est également à bon droit que les intimés soutiennent que l'éviction entraînant la perte du fonds, ce poste de préjudice a été pris en considération dans l'évaluation de la valeur marchande du fonds qui inclut le droit au bail ; que l'appelant excipe ensuite de frais d'aménagement mais dont la nécessité, qui ne saurait être postulée, n'est en rien démontrée, comme le Tribunal l'a relevé ; qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre des frais de réinstallation ;
ALORS QUE le preneur évincé des locaux dans lesquels son fonds de commerce est exploité est présumé être contraint, à la suite de son éviction, d'exposer des frais de réinstallation de son fonds de commerce dans d'autres locaux ; qu'en décidant néanmoins, pour rejeter la demande formée par Monsieur X... au titre des frais de réinstallation, que la nécessité de frais d'aménagement, qui ne saurait être postulée, n'était en rien démontrée, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article L 145-14 du Code de commerce.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité d'occupation due aux sociétés CORIN et MERCIALYS par Monsieur Christophe X... à la somme de 15.120 euros ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article L 145-28 du Code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ; que toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII du même code, compte tenu de tous éléments d'appréciation ; que c'est après s'être livré à une juste appréciation des caractéristiques du local commercial, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties et s'être référé à des termes de comparaison pertinents sur les prix pratiqués par le voisinage, que l'expert a proposé d'évaluer l'indemnité d'occupation à la somme de 15.120 euros HT par an ; que les critiques articulées par les parties contre cette évaluation ne reposent de part et d'autre que sur des appréciations ne servant que leurs intérêts respectifs et qui se présentent le plus souvent sous forme d'affirmations ; que ces critiques seront en conséquence rejetées ; qu'en sollicitant en outre l'application d'un abattement pour tenir compte de la précarité de l'occupation, l'appelant invoque un critère que l'expert a intégré pour parvenir à son estimation ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il dit que le preneur devra payer aux bailleurs, à titre d'indemnité d'occupation, une somme annuelle de 15.120 euros hors taxe avec indexation sur l'indice du coût de la construction, à dater du 1er décembre 2007 jusqu'à parfaite libération des lieux et en ce qu'il dit que le preneur devra payer en outre pour la même période, les accessoires, la TVA et l'indexation dus en vertu du bail échu ;
ALORS QU'en se bornant à relever, pour retenir l'indemnité d'occupation fixée par l'expert, que celui-ci s'était référé à des termes de comparaison pertinents sur les prix pratiqués par le voisinage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le bailleur s'était refusé à communiquer les baux qu'il avait consentis pour les locaux situés dans la même aile que le fonds de commerce de Monsieur X..., de sorte que l'expert n'avait pu les prendre en considération et qu'il convenait de réduire l'indemnité proposée afin de prendre en considération l'emplacement exact du fonds de commerce, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-28 du Code de commerce.