LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique ci-après annexé :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 octobre 2012) que par acte notarié du 25 juin 1986, M. et Mme Elie Y..., ont consenti à leur fils Claude, une donation avec charges portant sur la nue-propriété de diverses parcelles, dont ils se sont réservé l'usufruit ; qu'ils l'ont assigné en révocation de cette donation pour cause d'ingratitude et de non-respect d'une charge prévue à l'acte ;
Attendu que M. Claude Y... reproche à l'arrêt d'accueillir cette demande ;
Attendu, d'abord, que, sous couvert d'un grief non fondé de violation de l'article 955 du code civil, le moyen, pris en sa première branche, ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine par les juges d'appel, de la pertinence et de la gravité des faits retenus comme constitutifs d'injures graves ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel ayant décidé que la révocation de la donation était justifiée par l'ingratitude du donataire, la seconde branche du moyen est inopérante ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Claude Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Claude Y... et le condamne à payer à M. et Mme Elie Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Claude Y...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la révocation d'une donation consentie par des parents (les époux Y...) au profit de leur fils (M. Claude Y..., l'exposant) pour cause d'ingratitude et de non-respect d'une charge prévue à l'acte, et d'avoir déclaré que les biens objet de la donation feraient retour dans le patrimoine des donateurs sans indemnité ;
AUX MOTIFS QUE M. Claude Y... avait simple-ment déclaré que son père était autoritaire et que les difficultés avaient commencé lorsqu'il avait pris sa retraite en 2006 car, avant, les fermages rentraient régulièrement, et désormais il ne se rendait que rarement à La Vière, ne voyait plus ses parents et ne comprenait pas les accusations portées contre lui ; qu'il expliquait que ses parents n'avaient jamais accepté son épouse dont ils étaient jaloux, que son père l'avait déclaré comme apprenti à l'âge de quatorze ans et ne l'avait pas déclaré comme salarié agricole, de sorte qu'il avait dû racheter les trimestres manquants au titre de sa période d'apprentissage, ce qui était confirmé par la MSA le 9 novembre 2004 (période d'environ cinq années) ; que M. Gérard Y..., second fils des époux Y..., confirmait l'incompatibilité d'humeur entre ses parents et leur fils Claude depuis de nombreuses années, son frère ayant tendance à s'emporter facilement ; qu'il soulignait également que son frère Claude amenait du bois pour le poêle de ses parents mais qu'il était inexploitable car il fallait le recouper à la taille du poêle et le fendre entièrement ; qu'à plusieurs reprises, M. Z..., huissier de justice, avait effectivement constaté, le 12 octobre 2007 ainsi que le 21 janvier 2009, qu'un tas de bois avait été déversé à même le sol à quatre mètres à l'arrière de la maison d'habitation des époux Y... sans avoir été ni trié, ni rangé ni fendu, que ce tas de bois comportait de la terre dans laquelle était enfouie une quantité de morceaux de bois qui n'étaient pas coupés à la taille prévue de 35 à 40 centimètres, que le tas de bois comportait une majorité de bois de pin et de peuplier avec quelques morceaux de chêne et que certains morceaux étaient gros, noueux et impossibles à refendre par une personne âgée de 86 ans sans le matériel approprié ; qu'il avait en revanche constaté que, dans une ancienne bergerie et un ancien poulailler à environ 80 mètres de la maison d'habitation des époux Y..., étaient remisés par M. Claude Y... 40 stères de bois propre, en majorité de chêne, fendu parfaitement, aligné et coupé aux mêmes dimensions, la distance susvisée excluant que ce bois fût destiné aux époux Y... ; qu'il avait également constaté qu'aucune fourniture de bois n'avait été faite pour l'hiver 2008/ 2009 ; que Mme A...avait constaté quant à elle que le couple Y... avait des difficultés à se chauffer en raison des dimensions des bûches inadaptées à la cuisinière ; qu'il résultait de ce qui précédait, quels que fussent la mésentente existant de longue date entre les époux Y... et leur fils Claude et les motifs légitimes qui avaient pu être à l'origine de celle-ci, que cela n'autorisait pas pour autant ce dernier à se comporter ainsi avec ses parents fragilisés par leur grand âge ; qu'il apparaissait que cette mésentente avait dégénéré en conflit ouvert dont les époux Y... étaient désormais les victimes et qu'ils étaient fondés, en raison des injures graves et du non-respect d'une des charges de la donation imputables à M. Claude Y..., à obtenir la révocation de celle-ci ;
ALORS QUE, d'une part, lorsque les faits d'injures graves invoqués à l'appui de la révocation d'une donation pour ingratitude s'inscrivent dans un contexte familial très conflictuel et comportent de ce fait un élément de réciprocité, ils ne revêtent pas le caractère de gravité exigé pour justifier la révocation ; qu'après avoir constaté la mésentente entre les donateurs et leur fils, laquelle avait dégénéré en conflit ouvert, et après avoir relevé l'existence de motifs légitimes à son origine, d'où résultait le caractère réciproque d'éventuelles injures comme l'avaient observé les premiers juges, l'arrêt infirmatif attaqué ne pouvait retenir l'existence d'injures graves du donataire justifiant la révocation de la donation ; qu'en omettant de tirer les conséquences légales de ses constatations, la cour d'appel a violé l'article 955 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, le donataire établissait que, compte tenu du climat familial très conflictuel, il avait été contraint de déménager avec sa femme pour s'installer dans une autre commune, dans une maison bien propre de son épouse, de sorte que l'intégralité des tas de bois entreposés sur le terrain de ses parents leur était nécessairement destiné, quand surtout, en leur qualité d'usufruitiers des parcelles objet de la donation, ils avaient sans conteste l'entière jouissance desdites parcelles, si bien que l'ensemble des tas de bois qui y étaient entreposés ¿ dont il a été constaté que certains étaient conformes à la taille prévue dans l'acte de donation ¿ étaient à leur entière disposition (v. ses conclusions signifiées le 14 janvier 2010, p. 11, alinéas 2 à 8, prod.) ; qu'en considérant néanmoins que l'exposant n'avait pas respecté les obligations que lui imposait la donation quant à la taille du bois devant être coupé, sans répondre aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.