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13/03/2014 | FRANCE | N°13-13902

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 mars 2014, 13-13902


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 janvier 2013), que M. X..., employé, du 1er juillet 1999 au 31 août 2004, en qualité d'agent contractuel par la commune de Villers-Saint-Paul (l'employeur), a déclaré, le 13 février 2007, être atteint d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Creil (la caisse) a, après consultation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle

s, reconnu le caractère professionnel de cette maladie ; que, sollicitant ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 janvier 2013), que M. X..., employé, du 1er juillet 1999 au 31 août 2004, en qualité d'agent contractuel par la commune de Villers-Saint-Paul (l'employeur), a déclaré, le 13 février 2007, être atteint d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Creil (la caisse) a, après consultation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, reconnu le caractère professionnel de cette maladie ; que, sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la maladie déclarée par M. X... a trouvé sa cause nécessaire et suffisante dans une faute inexcusable, alors, selon le moyen :
1°/ que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en l'espèce, pour conclure à la confirmation du jugement rejetant la demande de reconnaissance de la faute inexcusable invoquée par M. X..., la commune de Villers-Saint-Paul avait fait valoir que celui-ci ne fournissait aucun élément venant corroborer les notes qu'il avait lui-même établies à propos des prétendues injures racistes auxquels il rattachait les troubles psychologiques caractéristiques de sa maladie ; qu'en se fondant sur ces notes contenant les seules déclarations de ce salarié pour décider qu'il avait établi les éléments caractéristiques de la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que la commune de Villers-Saint-Paul avait fait valoir que M. X... ne fournissait aucun élément venant corroborer les notes qu'il avait lui-même établies à propos des prétendues injures racistes auxquelles il rattachait les troubles psychologiques caractéristiques de sa maladie ; qu'en se contentant, pour tenir pour avérées les déclarations du salarié, de faire référence aux « pièces et documents concordants et non utilement contredits du dossiers », sans préciser quels pièces et documents elle décidait de retenir ni procéder à leur analyse, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°/ que l'absence de mesure prise par un employeur ne peut permettre de caractériser une faute inexcusable lorsque ledit employeur n'avait pas été mis en mesure de prendre conscience de la réalité du danger auquel le salarié prétendait être exposé ; qu'en retenant le contraire pour dire que l'affection psychologique de M. X... était imputable à la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'employeur avait été alerté avec demande expresse d'intervention par M. X... dès le 30 mars 2000 de propos et comportements ouvertement racistes de la part d'agents territoriaux envers des membres de son service d'origine maghrébine, puis, le 15 janvier 2001, de l'obstruction systématique de certains agents au fonctionnement de son service, de la propagation de rumeurs calomnieuses et de propos racistes sur le personnel de son service (consommation et vente prétendue de stupéfiants, « trop d'arabes dans le personnel »), ensuite, le 24 avril 2002, de menaces téléphoniques proférées de façon anonyme à son endroit lui promettant de rejeter ses « bougnoules » à la mer et de le désigner comme « accompagnateur » ; que l'employeur s'est abstenu de toute réaction adaptée et a laissé sans réponse les demandes réitérées d'intervention du salarié alors même que les faits dénoncés, qui ne pouvaient s'inscrire dans le cadre d'un fonctionnement normal du service confié à l'intéressé ou se rattacher à ses fonctions habituelles, caractérisaient des conditions de travail anormales de nature à mettre en danger sa santé physique et morale et constituaient donc une situation de danger vis à vis de laquelle l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, se devait de réagir de façon adaptée ; que, de surcroît, la seule mesure prise par l'employeur a été de procéder à une réorganisation au mois d'octobre 2002 caractérisée par la scission en deux secteurs du service jeunesse jusque là intégralement placé sous la responsabilité de M. X..., légitimement ressentie par l'intéressé comme une mesure de rétorsion, de désaveu voire d'approbation des faits dénoncés ;
Qu'au vu de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, procédant à l'analyse de l'ensemble des éléments de fait et de preuve versés aux débats dont elle a souverainement apprécié la valeur et la portée, a pu décider que l'employeur, conscient du danger de harcèlement moral auquel était exposé son salarié et n'ayant pas pris les mesures de nature à l'en préserver, avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Villiers-Saint-Paul aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Villiers-Saint-Paul et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise la somme de 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la commune de Villers-Saint-Paul
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la maladie déclarée par Monsieur Erik X... le 13 février 2007, reconnue d'origine professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Creil le 5 mai 2008, avaittrouvé sa cause nécessaire et suffisante dans une faute inexcusable de son employeur, la commune de Villers Saint Paul, fixé au taux maximum la majoration de la rente due à Monsieur X..., conformément aux dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, et ordonné une expertise sur les préjudices de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QU'employé du 1er juillet 1999 au 31 août 2004 en qualité de « responsable du service jeunesse » par la municipalité de Villers Saint-Paul (60870) en qualité d'agent contractuel non titulaire de droit public des collectivités territoriales, Monsieur Eric X... a été reconnu atteint d'un « syndrome anxio-dépressif réactionnelle à des difficultés professionnelles » selon certificat médical de son médecin traitant du 13 février 2007, une déclaration de maladie professionnelle hors tableau pour « phobies sociales et dépression » étant effectuée dans le même temps par l'intéressé auquel le statut de travailleur handicapé devait être reconnu à compter du 16 avril 2007 ; qu'après avoir diligenté une enquête administrative et recueilli l'avis de son service médical, la caisse primaire d'assurance maladie de CREIL a par décision du 25 juin 2007 refusé la prise en charge de la maladie considérée au titre de la législation professionnelle, puis, une fois constatée médicalement la stabilisation de l'état de santé de l'intéressé et après fixation de son incapacité permanente partielle à un taux supérieur à 25 %, l'organisme a soumis le dossier de Monsieur X... à l'appréciation du comité régional de reconnaissance et maladie professionnelle de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, lequel, suivant décision du 9 avril 2008, a considéré que la maladie considérée a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de l'intéressé (réaction aiguë à un facteur de stress-syndrome dépressif) ; que, suite à cet avis, la caisse primaire suivant décision du 5 mai 2008, a reconnu le caractère professionnel de la section déclarée le 13 février 2007, l'incapacité permanente partielle de la victime étant ensuite fixé à 70 % ; qu'à la suite de cette prise en charge au titre de la législation professionnelle, Monsieur X... a engagé une procédure de reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de son employeur, la mairie de Villers Saint-Paul, puis, après l'échec de la tentative de conciliation a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Beauvais qui, statuant par jugement du 8 décembre 2011, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, après avoir estimé qu'il ne rapportait pas la preuve d'une faute inexcusable de son employeur qui aurait été à l'origine de l'affection dont il souffre ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées à l'occasion du travail et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que l'existence de risques inhérents à l'exercice de certaines fonctions ne dispense pas l'employeur de prendre les mesures de prévention qui s'imposent en présence de situation de travail particulières susceptibles de porter atteinte à l'état de santé physique ou mentale des personnes concernées ; qu'il ressort des pièces et documents concordants et non utilement contredits du dossier, qu'alertée avec demande expresse d'interventions par Monsieur X... dès le 30 mars 2000 de propos et comportements racistes de la part d'agents territoriaux envers des membres de son service d'origine maghrébine, puis le 15 janvier 2001 de l'obstruction systématique de certains agents au fonctionnement du service jeunesse et de la propagation de rumeurs calomnieuses et de propos racistes sur le personnel de ce service (consommation et vente prétendue de stupéfiants, « trop d'Arabes dans le personnel »), informée ensuite le 24 avril 2002 de menaces téléphoniques proférées de façon anonyme à son endroit lui promettant de rejeter ses « bougnoules à la mer » et de le désigner comme accompagnateur, la hiérarchie de l'intéressé et, au-delà de celle-ci, son employeur, la mairie de Villers St-Paul, représentée par son maire, se sont abstenues de toute réaction et ont laissé sans réponse les demandes réitérées d'intervention du salarié, alors que les faits dénoncés, qui ne pouvaient en aucun cas s'inscrire dans le cadre d'un fonctionnement normal du service confié à l'intéressé ou se rattacher à l'exercice de ses fonctions habituelles, caractérisaient des conditions de travail anormales de nature à mettre en danger sa santé physique et morale et constituaient donc une situation de danger vis-à-vis de laquelle l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, se devait de réagir de façon adaptée ; qu'en l'état et si l'on considère de surcroît que la seule mesure prise par la municipalité a été de procéder au mois d'octobre 2002, à une réorganisation de ses services sociaux caractérisée par la suppression ou plus précisément la scission en deux secteurs du service jeunesse jusque-là intégralement placé sous la responsabilité de Monsieur X..., réorganisation emportant modification de son contrat travail, légitimement ressentie par l'intéressé comme une mesure de rétorsion, de désaveu, voire d'approbation des faits dénoncés, la maladie dont Monsieur X... s'est trouvé atteint (syndrome anxio-dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles), reconnue d'origine professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie le 5 mai 2008, maladie à raison de laquelle celui-ci a dû cesser son travail à compter du 3 décembre 2003, pendant un placé en congé de grave maladie à partir du 29 décembre 2003, doit être considérée ayant trouvé sa cause nécessaire et suffisante dans une faute inexcusable de son employeur au sens de l'article L452-1 un du code de la sécurité sociale (arrêt, pp. 4 et 5) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE nul ne peut se constituer de preuve à soimême ; qu'en l'espèce, pour conclure à la confirmation du jugement rejetant la demande de reconnaissance de la faute inexcusable invoquée par Monsieur X..., la commune de Villers Saint Paul avait fait valoir que celui-ci ne fournissait aucun élément venant corroborer les notes qu'il avait lui-même établies à propos des prétendues injures racistes auxquels il rattachait les troubles psychologiques caractéristiques de sa maladie ; qu'en se fondant sur ces notes contenant les seules déclarations de ce salarié pour décider qu'il avait établi les éléments caractéristiques de la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE la commune de Villers Saint Paul avait fait valoir (conclusions d'appel, pp. 4 et s.) que Monsieur X... ne fournissait aucun élément venant corroborer les notes qu'il avait lui-même établies à propos des prétendues injures racistes auxquelles il rattachait les troubles psychologiques caractéristiques de sa maladie ; qu'en se contentant, pour tenir pour avérées les déclarations du salarié, de faire référence aux « pièces et documents concordants et non utilement contredits du dossiers », sans préciser quels pièces et documents elle décidait de retenir ni procéder à leur analyse, la cour d'appel a violé les articles 455et 458 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QUE l'absence de mesure prise par un employeur ne peut permettre de caractériser une faute inexcusable lorsque ledit employeur n'avait pas été mis en mesure de prendre conscience de la réalité du danger auquel le salarié prétendait être exposé ; qu'en retenant le contraire pour dire que l'affection psychologique de Monsieur X... était imputable à la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-13902
Date de la décision : 13/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 10 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 mar. 2014, pourvoi n°13-13902


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13902
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