LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des poursuites pénales ayant été engagées contre M. X... du chef de blessures volontaires, un arrêt irrévocable du 2 février 2009 de la chambre correctionnelle d'une cour d'appel a relaxé le prévenu et débouté Mme X..., partie civile, de ses demandes indemnitaires fondées sur les articles 1382 et 1383 du code civil ; que Mme X... a engagé devant une juridiction civile une nouvelle action en indemnisation fondée sur les dispositions de l'article 1384 du code civil ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1351 du code civil et l'article 470-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que pour déclarer Mme X... irrecevable en son action, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'aucune demande en réparation n'a été formée devant le juge pénal par Mme X... sur le fondement de la responsabilité du fait des choses alors que l'existence de l'instruction pénale permettait l'application subsidiaire de l'article 470-1 du code de procédure pénale aux fins d'obtenir réparation du préjudice selon les règles du droit civil, qu'en application du principe de la concentration des moyens, il incombait à la partie civile de présenter, dès l'instance relative à sa première demande, l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à fonder celle-ci de sorte que sa demande se heurtait à l'autorité de la chose jugée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. X... avait été poursuivi pour violences volontaires et relaxé de ce chef et que l'article 470-1 du code de procédure pénale ne donne compétence à la juridiction pénale pour statuer sur la demande de la partie civile en réparation de tous les dommages résultant des faits ayant fondé la poursuite que lorsqu'elle est saisie de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle dont elle prononce la relaxe, de sorte que l'autorité de la chose jugée au pénal ne pouvait être opposée à la demande de Mme X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur les deuxième et troisième moyens :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation du chef du dispositif du jugement déclarant irrecevable l'action de Mme X..., s'étend nécessairement à la condamnation à dommages-intérêts prononcée contre elle pour procédure et appels abusifs ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. Michel X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action formée par Madame X... à l'encontre de Monsieur X... comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE devant la Cour, Madame X... ne fonde plus ses prétentions que sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; qu'elle déclare, dans ses conclusions devant la Cour, que dans son arrêt du 2 février 2009, la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de ROUEN n'a statué qu'au regard des deux fondements juridiques invoqués par les protagonistes, à savoir les articles 1382 et 1383 du Code civil ; qu'elle soutient, en contradiction avec cette assertion, qu'« en l'état, elle évoquait les dispositions également de l'article 1384 alinéa 1er », sans pour autant le démontrer ; qu'au contraire, il ne ressort pas de l'arrêt du 2 février 2009 que Madame X... ait également fondé sa demande sur la responsabilité du fait des choses, alors que Monsieur X... a visé les articles 1382 et 1383 du Code civil, comme l'a relevé le Tribunal ; que c'est à bon droit que le Tribunal a fait application du principe de la concentration des moyens en vertu duquel, en cas d'identité d'objet et de parties, et en présence de demandes fondées sur des moyens juridiques différents mais aux mêmes fins, il incombait à la partie civile de présenter dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à fonder celle-ci ; que dès lors que l'appelante ne l'a pas fait, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré son action fondée sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil irrecevable en ce qu'elle se heurtait à l'autorité de la chose jugée (arrêt, p. 5) ;
et AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE le prononcé d'une relaxe par le Juge pénal, d'une faute pénale non intentionneIIe, peut désormais donner lieu à l'examen, au civil, d'une faute civile éventuelle d'imprudence ou de négligence ; que cependant, au cas d'espèce, c'est la faute volontaire de violences qui a été écartée au pénal, de sorte qu'il y a bien identité des fautes, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; que la relaxe du prévenu du chef des violences volontaires impliquait, une fois reçue la victime en sa constitution de partie civile, le débouté de sa demande en réparation du préjudice corporel subi, fondée sur l'article 1382 du Code civil ; que l'autorité de la chose jugée empêche le Tribunal de recevoir l'action de Madame X... sur ce fondement ; que, par ailleurs, appel ayant été interjeté par la partie civile, sur l'action civile, la Cour d'appel a, dans son arrêt du 2 février 2009, expressément « recherché si les faits constituent ou non une infraction pénale » et déclaré qu'il lui appartenait de « se prononcer sur l'action civile (¿), et de condamner s'il y a lieu le prévenu relaxé à des dommages et intérêts envers la partie civile » ; que la Cour a déclaré ensuite que « dans la mesure où le comportement non fautif de Monsieur Michel X... n'est susceptible de constituer aucune autre infraction pénale, c'est à juste raison que le Tribunal, qui a prononcé la relaxe de Michel X..., a admis la recevabilité de la constitution de partie civile de Corinne X... mais débouté celle-ci de ses demandes » ; que Monsieur X... avait sollicité devant la Cour, par conclusions écrites, le débouté des demandes en réparation de sa fille, sur les fondements des articles 1382 et 1383 du Code civil ; que l'autorité de la chose jugée peut en conséquence, sans contestation sérieuse, être soulevée en ce qui concerne l'action en réparation introduite devant le Tribunal de grande instance de ROUEN statuant en matière civile, tant sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, que sur celui de l'article 1383 du Code civil ; que la faute pénale non intentionnelle n'a pas été retenue par la Cour, laquelle a statué cependant sur l'action civile au regard des deux fondements juridiques invoqués par Monsieur X... ; que, quant au fondement juridique de responsabilité civile du fait des choses que l'on a sous sa garde, aucune demande en réparation n'a été formée au visa de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, alors que l'existence de l'instruction pénale permettait l'application subsidiaire, devant le Juge pénal, de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, aux fins d'obtenir réparation du préjudice selon les règles du droit civil ; qu'en tout état de cause, il incombait à la partie civile de présenter, dans l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à fonder celle-ci ; que le principe de la concentration des moyens, en cas d'identité d'objet et de parties, et en présence de demandes fondées sur des moyens juridiques différents, mais aux mêmes fins, conduit le Tribunal à déclarer la présente action irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée de l'article 1351 du Code civil (jugement, p. 5) ;
ALORS QUE l'action fondée sur la responsabilité du gardien de la chose ne naissant pas d'un délit, les juridictions correctionnelles ne peuvent en connaître qu'à la condition d'avoir été saisies, à l'initiative du Ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle et d'avoir préalablement prononcé la relaxe de ce chef ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par Madame X... à l'encontre de Monsieur X... comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée dès lors que, s'agissant du fondement tiré de la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde, aucune demande en réparation n'avait été formée au visa de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil devant le Juge pénal et que l'existence de l'instruction pénale permettait l'application subsidiaire devant celui-ci de l'article 470-1 du Code de procédure pénale aux fins d'obtenir réparation du préjudice selon les règles du droit civil, outre qu'il incombait à la partie civile de présenter, dans l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à fonder celle-ci, quand, ainsi qu'elle l'avait par ailleurs relevé, Monsieur X... avait été poursuivi pour violences volontaires et relaxé de ce chef, de sorte que la juridiction pénale ne pouvait être saisie d'une demande de réparation fondée sur la responsabilité du gardien de la chose, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Madame X... à verser à Monsieur X... une somme de 1.500 € pour appel abusif ;
AUX MOTIFS QUE l'appel formé par Madame X..., qui s'inscrit dans une succession de procédures à visées pécuniaires à l'encontre de son père, âgé de 84 ans, s'apparente à une forme de harcèlement et présente un caractère abusif ; que la Cour évalue le préjudice moral occasionné à Monsieur X... par cet appel à la somme de 1.500 € (arrêt, p. 5) ;
ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier moyen, entraînera celle du chef ayant condamné Madame X... à verser à Monsieur X... une somme de 1.500 € pour appel abusif, et ce par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné Madame X... à verser à Monsieur X... une somme de 2.000 € pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE la présente demande concerne un ensemble d'actions à visées pécuniaires qui se succèdent en vain depuis octobre 2004 et dont la multiplication autorise le Tribunal à en tirer les éléments d'une intention de nuire certaine à l'encontre de Monsieur X..., âgé maintenant de plus de 83 ans ; qu'il lui sera alloué une somme de 2.000 € au titre de la réparation de son préjudice moral, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (jugement, p. 6) ;
ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier moyen, entraînera celle du chef ayant condamné Madame X... à verser à Monsieur X... une somme de 2.000 € pour procédure abusive, et ce par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.