LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., chirurgien dentiste, a souscrit le 16 décembre 1994 auprès de la société MACSF prévoyance (l'assureur) un contrat de prévoyance garantissant les risques de décès, d'incapacité temporaire de travail et d'invalidité professionnelle ; qu'il a présenté au cours de l'année 2004 une pathologie ophtalmologique qui l'a conduit à cesser son activité en octobre 2007 ; que l'assureur lui a versé les indemnités journalières prévues au contrat mais lui a refusé le bénéfice d'une rente au titre de l'invalidité professionnelle en invoquant le fait que son taux d'invalidité était inférieur au seuil de 33 % fixé par la police d'assurance ; que M. X... a assigné l'assureur en exécution de la garantie contractuelle ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que l'article 28 du contrat stipule : « le critère retenu est le taux d'invalidité professionnelle fixé par référence au barème annexé au contrat. Cependant, pour une détermination personnalisée du taux d'invalidité, la commission d'admission a la possibilité de tenir compte de la répercussion réelle de l'accident ou de la maladie sur l'activité professionnelle spécifique de chirurgien-dentiste . Elle peut moduler, par adaptation ou assimilation, les taux mentionnés dans le barème (...) » ; qu'aucune disposition contractuelle n'autorise un contrôle judiciaire de la décision de la commission ; que la commission exerçant les pouvoirs qui lui étaient reconnus par le contrat a refusé de moduler par adaptation ou assimilation le taux d'invalidité retenu par les deux experts amiables ; qu'en conséquence, il convient de constater que le taux d'invalidité professionnelle de M. X... selon le barème annexé au contrat de prévoyance est de 15 % ;
Qu'en statuant ainsi alors que la police d'assurance ne prévoyant pas que la modulation par la commission d'admission du taux d'invalidité professionnelle en fonction de la répercussion réelle de la maladie sur l'activité professionnelle spécifique de chirurgien-dentiste constituait une simple faculté discrétionnaire, il appartenait aux juges du fond d'apprécier si la situation concrète de M. X... justifiait de faire application de la modulation prévue au contrat , la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société MACSF prévoyance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MACSF prévoyance ; la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur X... de ses prétentions ;
AUX MOTIFS QUE sur l'application du contrat, il appartenait à l'expert judiciaire, ainsi qu'il l'avait fait, de rechercher si M. X... présentait un état d'invalidité professionnelle répondant à la définition du contrat de prévoyance, qui faisait la loi des parties ; que, sur les conditions de la garantie, il était mentionné à l'article 23 du contrat : « RENTE D'INVALIDITE PROFESSIONNELLE EXONÉRATION : En cas de sinistre, le taux d'invalidité professionnelle est déterminé selon le barème professionnel (spécial chirurgiens-dentistes) annexé au présent contrat et dans les conditions prévues à l'article 28. La rente est payable dès que la consolidation est retenue par la Commission d'Admission, son versement entraîne l'exonération du paiement pour l'ensemble des cotisations des garanties en cours, dans les conditions prévues à l'article 12 D : Taux d'invalidité professionnelle égal ou supérieur à 33% et inférieur à 66% : - le montant de la rente est proportionnel au taux retenu. Son service peut être interrompu par un nouveau service d'indemnités journalières ; Taux d'invalidité professionnelle égal ou supérieur à 66% et cessation définitive de l'exercice professionnel de chirurgien-dentiste : - le montant de la rente est total. Si la cessation de l'exercice professionnel n'est pas totale, le montant de la rente d'invalidité servie, ne peut en aucun cas excéder 65%. Aucune rente n'est versée lorsque le taux d'invalidité professionnelle retenu est inférieur à 33%. Le terme de la rente est fixé selon le choix de l'assuré à la souscription, à la fin du trimestre civil au cours duquel il a atteint son 60ème ou 65ème anniversaire. Ce choix est définitif (sauf en cas de réduction) dès lors que l'assuré atteint son 55ème anniversaire » ; qu'en l'espèce, l'expert judiciaire avait indiqué que M. X... était atteint d'une pathologie consistant en une vision binoculaire de près altérée (vision double), due à un syndrome d'insuffisance de convergence, d'origine spontanée par faiblesse progressive des muscles permettant la vision rapprochée, sans cause organique ; qu'il mentionnait dans son rapport : « Handicap visuel actuel : Incapacité de toute lecture ou acte visuel rapproché avec les deux yeux. Possibilité néanmoins de vision rapprochée avec un seul oeil. Date de consolidation : Médico légalement, elle se définit comme l'état physique stable pour lequel un traitement n'est nécessaire que pour éviter des rechutes ou prévenir des complications. Compte tenu des différents rapports d'expertise effectués précédemment, la consolidation sera logiquement fixée à la date du 26 juillet 2006, premier jour de son arrêt de travail, après lequel il n'a pas repris son activité professionnelle. La pathologie dont souffre M. X... ne figure pas littéralement au barème contractuel, mais elle peut être définie par analogie, après éventuelle rééducation optique et orthoptique spécifique de monovision de près, à des altérations de la motricité de convergence oculaire concernant donc le système neuromusculaire intra orbitaire. Le taux d'incapacité professionnelle partielle temporaire résultant de son handicap : Il est proposé à 50% d'incapacité pendant une durée qui sera limitée, en cas de rééducation acceptée par M. X... pour développer sa fonction visuelle monoculaire en vision de près à 12 mois. Au-delà de 12 mois de rééducation et si nécessaire après une nouvelle expertise orthoptique, l'incapacité professionnelle sera réduite à celle qui avait été évoquée précédemment pour le déficit de /accommodation vision de loin / vision de près (déficit moteur neuro musculaire oculaire, intitulé« orbite altération des nerfs moteurs et sensitifs) » dans le barème contractuel, c'est à dire 15%, sauf à constater, aux termes de cette éventuelle rééducation de vision monoculaire de près, qui relèverait alors d'une autre cause (organique') que celle retenue pour le diagnostic positif de l'affection actuelle » ; que le barème d'invalidité professionnelle figurant en annexe II du contrat mentionnait : « orbite (altération des nerfs moteurs et sensitifs) : 10 à 30 % » ; que cet avis de l'expert venait confirmer : 1) un premier avis du Docteur Y... en date du 28 septembre 2006, qui avait indiqué : « L'IPP peut être fixée à 15 %. Le pronostic est celui d'une gêne permanente pour effectuer des travaux minutieux qu'effectuent très souvent les dentistes. La clientèle a diminué mais le cabinet reste ouvert sachant que de nombreux travaux précis sont confiés à des confrères » ; 2) un avis du docteur Z... qui avait examiné M. X... le 16 janvier 2007, et qui avait indiqué : « A l'examen M. X... se présente avec une mauvaise vision binoculaire qui l'empêche d'exercer toutes activités en vision de près, dont sa profession de chirurgien-dentiste. La caisse de retraite des chirurgiens-dentistes a prévu une mise en invalidité définitive le 1er juillet 2007. La date de consolidation sera fixée au 18 avril 2006. L'incapacité fonctionnelle permanente partielle serait de 10 % en droit commun et de 15 % dans le barème MACSF » ; que M. X... produisait des avis médicaux mentionnant : - que « l'état de santé de M. X... ne lui permet plus de poursuivre son activité professionnelle » (professeur A. A..., 7 novembre 2006) ; - qu'il présentait un syndrome de perte fusionnelle entraînant une impossibilité de fixer et que cet état compromet donc son activité professionnelle (Docteur B..., 8 novembre 2006) ; - qu'il présentait une incapacité professionnelle de 100 %, une incapacité fonctionnelle ophtalmologique « selon le barème de 23 % » (Docteur Y...) ; - qu'il présentait une « incapacité professionnelle de 100 % » (Dr C...) ; que le taux de 23 % déterminé par le Docteur Y... restait inférieur au taux de 33 %, prévu à l'article 23 du contrat ; que les autres avis ne précisaient pas le taux d'invalidité professionnelle selon le barème annexé au contrat MACSF et ne venaient donc pas en contradiction avec les avis de l'expert judiciaire et des experts amiables ayant examiné M. X... en vue de déterminer le taux contractuel ; que, sur la modulation par la commission ; aux termes de l'article 28 du contrat : « Le critère retenu est le taux d'invalidité Professionnelle fixé par référence au barème annexé au contrat. Cependant, pour une détermination personnalisée du taux d'invalidité, la commission d'admission a la possibilité de tenir compte de la répercussion réelle de l'accident ou de la maladie sur l'activité professionnelle spécifique de chirurgien-dentiste. Elle peut moduler, par adaptation ou assimilation, les taux mentionnés dans le barème.... » ; qu'aucune disposition contractuelle n'autorisait un contrôle judiciaire de la décision de la commission ; que, par courrier du 13 mars 2007, la MACSF a informé M. X... que les membres composant la commission, après avoir examiné M. X... le 16 janvier 2007, avaient considéré que le taux d'invalidité professionnelle était bien de 15 % ; qu'ainsi, la commission, exerçant les pouvoirs qui lui étaient reconnus par le contrat, avait refusé de moduler par adaptation ou assimilation le taux d'invalidité de 15 % retenu par les deux experts amiables ; qu'en conséquence, il convenait d'infirmer le jugement, de constater que le taux d'invalidité professionnelle de M. X... selon le barème annexé au contrat de prévoyance MACSF était de 15 % et de débouter M. X... de ses demandes principales et accessoires » (arrêt, pp. 4 à 7) ;
ALORS QUE les juges du fond, tenus de vérifier que l'état d'invalidité ou d'incapacité dans lequel se trouve un assuré correspond à la définition contractuelle qu'en donne la police d'assurance par lui souscrite, doivent contrôler la décision prise par la commission, organe de l'assureur, à laquelle ladite police d'assurance a conféré le pouvoir de moduler les taux d'invalidité ou d'incapacité mentionnés dans le barème contractuel applicable, peu important que le contrat autorise ou non un tel contrôle judiciaire ; qu'en retenant néanmoins, pour refuser d'exercer un tel contrôle de la décision de la commission dite d'admission, à laquelle la police d'assurance souscrite par monsieur X... conférait le pouvoir de moduler les taux d'invalidité mentionnés dans le barème contractuel applicable, qu'aucune disposition de ladite police d'assurance n'autorisait un contrôle judiciaire de cette décision, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du code civil.