LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 janvier 2013), que M. X..., engagé par la Société générale (l'employeur) en février 1985 et titulaire depuis 2001 d'un mandat de délégué syndical, a bénéficié d'arrêts de travail à compter du 31 octobre 2006 pour un état dépressif ; que par lettre du 20 décembre 2006 suivie de plusieurs courriers de relance, il a demandé que sa pathologie soit prise en charge comme accident du travail ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (la caisse) n'ayant pas répondu à cette demande, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que faute de réponse de la caisse dans le délai de trente jours à partir de la demande de reconnaissance d'accident du travail, le salarié est fondé à se prévaloir de l'existence d'une décision de reconnaissance implicite du caractère professionnel de l'accident ; qu'en estimant que M. X... ne pouvait se prévaloir d'une décision implicite de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour n'avoir pas répondu dans le délai utile à la demande de prise en charge qui lui était adressée par le salarié, au motif que «le premier arrêt de travail en date du 31 octobre 2006 ne fait état d'aucune lésion» et que les arrêts de travail postérieurs ne décrivaient «aucun traumatisme soudain ou apparu dans un temps voisin d'un événement lui-même daté survenu au temps et au lieu de travail mais bien plutôt une maladie d'évolution lente trouvant son origine dans le comportement adopté à l'égard de M. David X... par son employeur», cependant qu'un état dépressif réactionnel constitue un accident du travail dès lors qu'il est imputable au travail, de sorte que la caisse était nécessairement en mesure de prendre parti sur l'imputabilité au travail de la dépression invoquée par M. X..., peu important que celui-ci n'ait pas fait état d'une «lésion» ou d'un «traumatisme soudain», la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les mentions de l'arrêt de travail initial produit par M. X... ne font état d'aucune lésion et que les correspondances adressées par l'intéressé à la caisse, le 20 décembre 2006, le 21 juin et le 27 octobre 2007, ne comportent la relation d'aucun traumatisme soudain ou apparu dans un temps voisin d'un événement, lui-même daté, survenu au temps et au lieu de travail ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, déduire que, sur la période considérée, la caisse n'avait pas reçu une déclaration d'accident du travail au sens de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'absence de décision de cet organisme n'emportait pas reconnaissance implicite du caractère professionnel de l'accident ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'un état dépressif réactionnel constitue un accident du travail dès lors qu'il est imputable au travail ; qu'en estimant que le lien entre la dépression invoquée par M. X... et le travail n'était pas établi, tout en constatant que l'affection en cause trouvait «son origine dans le comportement adopté à l'égard de M. David X... par son employeur», ce dont il résultait que le lien entre l'état dépressif réactionnel de M. X... et le travail était établi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L.. 411-1 du code de la sécurité sociale ;Mais attendu que les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; qu'ayant constaté que les troubles psychologiques dont souffrait M. X..., et que celui-ci imputait au comportement discriminatoire de son employeur, n'étaient apparus que le 31 octobre 2006, alors qu'aucun acte constitutif d'une discrimination n'avait été commis postérieurement au 22 juin 2004, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que l'intéressé ne rapportait pas la preuve d'un événement survenu au temps et au lieu du travail dont il était résulté une lésion psychologique et qu'il ne pouvait bénéficier de la présomption d'imputabilité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise du 31 août 2011 et débouté M. X... de sa demande tendant à voir reconnaître comme accident du travail son état dépressif réactionnel dont les premières constatations avaient été effectuées le 31 octobre 2006 ;
AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale institue une présomption d'imputabilité de l'accident du travail dans la mesure où il pose en principe que tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, quelle qu'en soit la cause, est considéré comme un accident du travail ; qu'il convient d'ajouter que l'accident doit être survenu à une date certaine et avoir entraîné une lésion corporelle externe ou interne ; qu'enfin, pour que la présomption d'imputabilité au travail puisse jouer, la victime doit au préalable établir la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au temps et au lieu du travail ; qu'à cet égard, cette preuve peut être établie par tout moyen ou résulter de présomptions graves, précises et concordantes notamment lorsque les déclarations du salarié sont corroborées par des éléments objectifs et vérifiables, par la teneur des documents médicaux produits ou par les déclarations de témoins ; qu'au cas présent, depuis l'introduction de la présente instance, M. X... sollicite la prise en charge de son état dépressif réactionnel constaté pour la première fois le 31 octobre 2006 au titre d'un accident du travail (même s'il reconnaît que ce même état réactionnel dépressif a finalement été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise le 31 octobre 2011 au titre d'une maladie professionnelle) ; qu'il ne peut être contesté que M. X... n'a jamais présenté à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise une déclaration d'accident du travail en faisant usage d'un imprimé déclaratif homologué par l'organisme social (n'ayant fait usage de cette formalité que postérieurement pour déclarer une maladie professionnelle, pour le même motif, le 23 novembre 2007, puis à nouveau le 8 novembre 2010) ; que si la déclaration d'un accident du travail par un salarié n'est soumise à aucune formalité, pour autant, le document transmis à la caisse doit relater les lésions et leur imputabilité au travail ; qu'à cet égard, la transmission par M. X... à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise d'un arrêt de travail pour maladie en date du 31 octobre 2006 pour le motif suivant « mise à l'écart au travail - jugement de discrimination reconnue en cassation » puis de courriers en date des 20 décembre 2006, 21 juin 2007 et 27 octobre 2007 sollicitant la prise en charge au titre d'un accident du travail de cet arrêt de travail initial ainsi que des arrêts de travail postérieurs délivrés également pour maladie, ne vaut pas déclaration d'un accident du travail ; qu'en effet, le premier arrêt de travail en date du 31 octobre 2006 ne fait état d'aucune lésion ; que les arrêts de travail postérieurs, comme les courriers adressés à l'organisme social, font état d'un état dépressif réactionnel en relation avec une discrimination sanctionnée par une juridiction (Cour de cassation), tous éléments ne décrivant aucun traumatisme soudain ou apparu dans un temps voisin d'un événement lui-même daté survenu au temps et au lieu de travail mais bien plutôt une maladie d'évolution lente trouvant son origine dans le comportement adopté à l'égard de M. X... par son employeur ; que bien plus, M. X... précise lui-même que sa dépression est en relation avec une discrimination syndicale survenue entre 2001 et 2003 sur son lieu de travail et qui a été sanctionnée par une décision de justice rendue le 22 juin 2004 et devenue définitive le 11 juillet 2006 (par suite du rejet du pourvoi exercé par la Société Générale à l'encontre de cette décision) ; que dans un tel contexte, il ne peut être reproché à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise une absence de décision sur un accident du travail à réception des arrêts de travail et des courriers transmis par M. X... au cours de la période du 31 octobre 2006 au 20 novembre 2007, date à laquelle cet organisme social a enregistré, pour la première fois, une demande explicite formulée par cet assuré au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical fixant au 31 octobre 2006 la première constatation de l'état dépressif réactionnel en lien avec une discrimination reconnue par une décision de justice et suivie le 23 novembre 2007 d'une déclaration par M. X... d'une maladie professionnelle ; qu'en conséquence, M. X... ne peut se prévaloir d'une reconnaissance implicite d'un accident du travail par application de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale ; que de même, M. X... ne peut obtenir que son état dépressif réactionnel constaté par la première fois le 31 octobre 2006 soit pris en charge comme accident du travail dès lors que l'existence d'un événement survenu à cette date ou dans un temps voisin et ayant provoqué des lésions psychologiques en relation avec le travail n'a jamais été ni mentionné ni établi ; qu'il convient de relever que M. X... a toujours admis que les troubles psychologiques (état dépressifs réactionnel) présenté le 31 octobre 2006 et ayant entraîné à compter de cette date des arrêts ininterrompus de son activité professionnelle sont uniquement en relation avec le comportement discriminatoire adopté à son égard par son employeur au cours des années 2001 et 2003 et qu'il a réussi à faire sanctionner par la décision rendue par la cour d'appel de Paris le 22 juin 2004 et devenue définitive le 11 juillet 2006 ; qu'il convient d'ailleurs de relever que la même cour d'appel de Paris, à nouveau saisie par M. X... de nouvelles demandes tendant au paiement de dommages-et-intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral, a, par une nouvelle décision en date du 10 décembre 2008 (devenue définitive après arrêt rendu le 15 juin 2010 par la Cour de cassation rejetant le pourvoi formé par M. X...), rejeté les nouvelles réclamations présentées et dit expressément qu'il n'y avait plus eu aucun acte constitutif de discrimination syndicale postérieurement au 22 juin 2004 ; qu'en conclusion, il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter M. X... de sa demande tendant à voir reconnaître comme accident du travail son état dépressif réactionnel dont les premières constatations ont été effectuées le 31 octobre 2006 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE faute de réponse de la caisse dans le délai de trente jours à partir de la demande de reconnaissance d'accident du travail, le salarié est fondé à se prévaloir de l'existence d'une décision de reconnaissance implicite du caractère professionnel de l'accident ; qu'en estimant que M. X... ne pouvait se prévaloir d'une décision implicite de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise pour n'avoir pas répondu dans le délai utile à la demande de prise en charge qui lui était adressée par le salarié, au motif que «le premier arrêt de travail en date du 31 octobre 2006 ne fait état d'aucune lésion» et que les arrêts de travail postérieurs ne décrivaient «aucun traumatisme soudain ou apparu dans un temps voisin d'un événement lui-même daté survenu au temps et au lieu de travail mais bien plutôt une maladie d'évolution lente trouvant son origine dans le comportement adopté à l'égard de M. David X... par son employeur» (arrêt attaqué, p. 5, 3ème considérant), cependant qu'un état dépressif réactionnel constitue un accident du travail dès lors qu'il est imputable au travail, de sorte que la caisse était nécessairement en mesure de prendre parti sur l'imputabilité au travail de la dépression invoquée par M. X..., peu important que celui-ci n'ait pas fait état d'une «lésion» ou d'un «traumatisme soudain», la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'un état dépressif réactionnel constitue un accident du travail dès lors qu'il est imputable au travail ; qu'en estimant que le lien entre la dépression invoquée par M. X... et le travail n'était pas établi (arrêt attaqué, p. 5 in fine), tout en constatant que l'affection en cause trouvait «son origine dans le comportement adopté à l'égard de M. David X... par son employeur» (arrêt attaqué, p. 5, 3ème considérant), ce dont il résultait que le lien entre l'état dépressif réactionnel de M. X... et le travail était établi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.