LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1719-1° et 1315, alinéa 2, du code civil ;
Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit à l'extinction de son obligation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 septembre 2012), que par acte du 19 mai 2006, la société Alcya distribution (la société Alcya), société en cours de formation et représentée par M. X..., a pris à bail des locaux à usage d'atelier ; que M. Y... a assigné la société Alcya ainsi que M. X..., pris en son nom personnel, en résiliation du bail et paiement des loyers échus ; que la SCP Gérard Bodelet, mandataire liquidataire de la société Alcya, ainsi que M. Z..., qui a joué un rôle d'intermédiaire entre MM. Y... et X... lors de la signature du contrat, ont été assignés en intervention forcée ; que M. X... a soutenu que le bail n'avait reçu aucun commencement d'exécution, faute de remise des clefs ;
Attendu que pour condamner M. X... à payer à M. Y... les loyers échus depuis le 19 mai 2006, l'arrêt retient que M. X..., seul engagé par l'acte signé pour le compte de la société en formation qui n'avait pas repris cet engagement antérieur à la signature de ses statuts et à son immatriculation, allègue sans le démontrer que le bail n'a pas reçu exécution ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au bailleur, tenu de délivrer la chose louée, de prouver qu'il s'est libéré de son obligation en remettant les clefs au locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à titre personnel à M. Y... la somme de 13 200 euros au titre des loyers impayés, l'arrêt rendu le 5 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quatorze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Michel X... à payer à titre personnel à Monsieur Eric Y... la somme de 13.200 ¿ au titre des loyers impayés, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le bail est intitulé bail commercial et rappelle les textes relatifs au statut des baux commerciaux ; Qu'il est signé de M. X... sur sa dernière page, étant observé que la production de l'original démontre qu'il s'agit d'un texte préimprimé sur un double feuillet ; Qu'il comporte des mentions suffisantes pour identifier le bien loué et les conditions de la location ; que le bail a été signé le 19 mai 2006 alors que la signature des statuts date du 22 mai 2006 et l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés du 7 juin suivant ; que le premier juge a exactement rappelé les principes relatifs aux sociétés en formation ; Qu'il importe peu que M. X... ait eu l'intention de conclure pour la société ALCYA dès lors que l'engagement de location n'a pas été repris par elle ; que M. X... allègue sans le démontrer que le bail n'a pas reçu exécution ; qu'aucun élément ne vient démontrer que la signature a été obtenue frauduleusement par M. Z... » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « dirigée à titre principal contre le liquidateur de la SARL ALCYA DISTRIBUTION, l'action de Monsieur Y... ¿ tendant à la résiliation du bail et à la fixation d'une créance de loyers- est fondée sur l'inexécution par le preneur des obligations contenues dans le bail commercial conclu le 19 mai 2006 ; que l'application de ce contrat et, ce faisant, le principe de l'engagement de la SARL ALCYA DISTRIBUTION de s'acquitter du loyer est contestée par la SCP GERARD BODELET qui remet en cause sa validité, son opposabilité et sa qualification de bail ; qu'il est prétendu à titre principal que le bail sur lequel sont fondées les demandes de Monsieur Y... est nul pour être dénué de force probante en raison de l'inobservation de l'article 1325 du Code civil ; que les défendeurs relèvent en effet que cet acte est rédigé en un seul exemplaire. Ils précisent également que : - aucune des pages du contrat n'est paraphée, - la location d'un atelier « route de Montauban », sans autre forme de précision ni quant à la commune ni quant à la consistance du bien loué, ne correspond à rien, - même complétées a posteriori, les conditions particulières relatives aux modalités de paiement du loyer et des charges sont imprécises, - le loyer est indéterminé à défaut de précision des modalités de révision légale du loyer, - nonobstant les mentions portées au contrat, n'ont pas été annexés à celui-ci « un état des lieux dressé lors de la remise des clés, un contrat de caution solidaire, de caution bancaire, un extrait de règlement de copropriété ou de jouissance¿ », - la durée du contrat, donc sa prise d'effet, n'est même pas renseignée, - le contrat a été complété a posteriori par M. Z... qui n'avait aucune qualité ni pouvoir pour le faire, - le bailleur s'est gardé de solliciter le bénéfice de la clause résolutoire contenue à l'article 8 et de respecter la procédure de résiliation adéquate, - le bailleur n'a jamais adressé le moindre avis de paiement ou la moindre relance, - la demande de résiliation est très postérieure à la dissolution de la société ALCYA DISTRIBUTION ; qu'ils en concluent que « ce contrat ne saurait être appliqué sur la foi d'une signature obtenue par fraude et qui rend de surcroît caduques les nombreuses imprécisions affectant l'acte, comme telles exclusives d'un consentement éclairé » ; que l'authenticité de la signature de Monsieur X... apposée au nom et pour le compte de la société ALCYA DISTRIBUTION en formation à la date du 19 mai 2006 au bas du contrat revendiqué par Monsieur Y... n'est pas contestée ; qu'aucun élément objectif ne vient démontrer que cette signature a été obtenue par fraude. Dans une attestation datée du 20 octobre 2007 que les défendeurs contestent sans preuves, Monsieur Z... reconnaît simplement être intervenue pour transmettre le bail commercial fourni par Monsieur Y... puis pour le redonner à l'intéressé après que Monsieur X... l'ait signé à VANNES (cf : attestation LE Z... du 20 octobre 207) ; que la mention de son établissement en 2 exemplaires suffit à considérer que le formalisme édicté par l'article 1325 du code civil a été respecté ; que pour le surplus, il sera rappelé que le bail commercial n'est soumis à aucune condition de forme particulière. La forme écrite n'est donc en principe pas exigée de sorte que le contrat de bail commercial peut donc être verbal, conclu par acte sous seing ou par acte authentique ; qu'en l'espèce, la preuve de l'existence du bail résulte de l'acte sous seing privé dénommé « bail commercial soumis aux articles L. 145-1 et L. 145-60 du Code de commerce », lequel est signé des deux parties contractantes en tant que bailleur et prêteur ; que cet acte mentionne, malgré l'existence effective de quelques imprécisions, les caractéristiques essentielles du bail tenant aux parties concernées, au montant du loyer, à la durée du bail ainsi qu'à la destination et la localisation des lieux loués dont Monsieur Y... établit du reste être effectivement propriétaire route de Montauban à LANDUJAN ; qu'enfin, il est admis que l'insertion d'une clause résolutoire au contrat ne prive pas le bailleur de son droit de demander la résiliation judiciaire pour manquement à l'obligation de payer les loyers (Cass. Civ., 29 avril 1985, Bull., civ., III n° 70) ; qu'il s'en déduit que les critiques émises quant à la validité de l'engagement synallagmatique souscrit le 19 mai 2006 en tant que bail commercial sont inopérantes ; (¿) ; qu'à l'appui de l'action subsidiairement dirigée à l'encontre de Monsieur X... personnellement, Monsieur Y... soutient que celui-ci a engagé sa responsabilité du fait de la mauvaise exécution mandat. Il lui fait grief d'avoir commis une faute en omettant de déclarer l'engagement de location au titre des engagements repris par la société ALCYA DISTRIBUTION laquelle justifie sa condamnation personnelle à réparer l'intégralité du préjudice subi du fait de la perte des loyers ; qu'il sera rappelé que, du seul fait du défaut de reprise par la SARL ALCYA DISTRIBUTION du bail commercial conclu avant la signature de ses statuts, Monsieur X... est seul engagé par l'acte qu'il a signé au nom et pour le compte de la société pendant sa période de formation. Il est donc personnellement tenu de l'exécuter et, ce faisant, de régler la dette de loyers ; que la résiliation étant acquise en raison de l'inexécution des obligations sitpulées au bail, Monsieur X... sera donc condamner à verser sur ce seul fondement à Monsieur Y... la somme non contestée de 13.200 ¿ au titre des loyers impayés, laquelle somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement ; qu'en outre, Monsieur X... ne rapporte nullement la preuve du rôle qu'il attribue à Monsieur Z... dans la formation du contrat litigieux et, de manière plus générale, dans la création de la société ; qu'en l'absence d'éléments probants de nature à remettre utilement en cause la version donnée par ce dernier dans l'attestation produite aux débats par Monsieur Y..., la demande en garantie formée par Monsieur X... ne peut être utilement prospérer » ;
1°/ ALORS QUE la conclusion d'un bail suppose l'accord des parties sur la chose et le prix ; qu'en l'espèce, Monsieur X... s'opposait à la demande en paiement de l'arriéré de loyers présentée à son encontre par Monsieur Eric Y..., au motif notamment que les conditions de paiement du loyer n'étaient pas précisées à l'acte (cf. conclusions d'appel de l'exposant, p. 5, § 5), celui-ci mentionnant que le loyer de 600 ¿ TTC « est payable mensuellement (1), trimestriellement (1). D'avance (1), à terme échu (1) », sans qu'aucune mention n'ait été rayée (cf. acte du 19 mai 2006, dernière page, prod.) ; que la Cour d'appel a condamné Monsieur X... au paiement des loyers réclamés par Monsieur Eric Y..., après s'être bornée à affirmer que le bail « comporte des mentions suffisantes pour identifier le bien loué et les conditions de la location » ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'accord des parties sur le prix, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1709 du Code civil ;
2°/ ALORS EN OUTRE QUE le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus ; que la condamnation du locataire au paiement du loyer ne peut intervenir qu'au profit du bailleur ou son mandataire, agissant au nom et pour le compte du bailleur ; qu'en l'espèce, l'acte du 19 mai 2006 désignait, en qualité de bailleur, la société « ERIC Y... MAÇONNERIE n° RC 439 09 90 94 3501 », Monsieur Eric Y... n'agissant qu'en qualité de dirigeant de cette société selon le même acte (cf. acte du 19 mai 2006, p. 1, prod.) ; qu'en condamnant Monsieur X..., sur le fondement de l'acte du 19 mai 2006, à payer à Monsieur Eric Y..., pris en son nom personnel, une certaine somme au titre des loyers prétendument impayés, sans s'assurer que Monsieur Eric Y... avait bien la qualité de bailleur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1709 et 1728 du Code civil ;
3°/ ALORS QUE l'acte du 19 mai 2006 désignait, en qualité de bailleur, la société « ERIC Y... MAÇONNERIE n° RC 439 09 90 94 3501 », Monsieur Eric Y... n'agissant qu'en qualité de dirigeant de cette société selon le même acte (cf. acte du 19 mai 2006, p. 1, prod.) ; qu'en condamnant Monsieur X..., sur le fondement de l'acte du 19 mai 2006, à payer à Monsieur Eric Y..., pris en son nom personnel, une certaine somme au titre des loyers prétendument impayés, la Cour d'appel a en tout état de cause dénaturé les termes de l'acte du 19 mai 2006 et violé l'article 1134 du Code civil ;
4°/ ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; qu'il appartient au bailleur, tenu de délivrer la chose louée, de prouver qu'il s'est libéré de son obligation en remettant les clefs au locataire ; qu'en l'espèce, Monsieur X... s'opposait à la demande en paiement de l'arriéré de loyers présentée à son encontre par Monsieur Eric Y..., au motif notamment que le bail n'avait jamais reçu de commencement d'exécution, les clefs du local n'ayant jamais été remises au locataire (cf. conclusions d'appel de l'exposant, p. 6, § 5 à p. 7 § 5) ; qu'en condamnant Monsieur X... au paiement des loyers réclamés par Monsieur Eric Y... au motif que « M. X... allègue sans le démontrer que le bail n'a pas reçu exécution », la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé en conséquence les articles 1719-1 ° et 1315 alinéa 2 du Code civil.