LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2012), que par acte du 20 janvier 1997, les sociétés Vendôme commerces et Centre bourse ont donné à bail à la société Commerces Méditerranée (la société Commerces) un local commercial ; que par acte du 12 avril 2007, la société Commerces a notifié aux bailleresses son intention de céder son bail pour cause de retraite de son gérant majoritaire, M. X..., et a conclu une cession avec la société Cinq sur cinq en juillet 2007, notifiée le 30 juillet suivant aux bailleresses, dans laquelle était insérée une condition suspensive tenant à l'autorisation des bailleresses des travaux d'aménagement envisagés par le cessionnaire ; que la société Commerces et M. X... ont sommé en vain les bailleresses d'avoir à intervenir à l'acte authentique de cession le 12 octobre 2007 ; que la société Cinq sur cinq a finalement acquis le droit au bail par acte authentique du 30 avril 2008, les bailleresses intervenant à la cession et un nouveau bail étant conclu ; que soutenant que les sociétés bailleresses leur avaient causé un préjudice en retardant de façon illégitime la cession du fonds, la société Commerces et M. X... les ont assignées en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Commerces et M. X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance ; qu'il résulte d'une telle disposition d'ordre public qu'à l'expiration du délai imparti, le bailleur ne peut ni préempter, ni s'opposer à la cession, ce qui entraîne de plein droit la réalisation de la condition suspensive incluse dans l'acte de cession du droit au bail et subordonnant la perfection de l'acte à la renonciation par le bailleur à son droit de préemption et à l'autorisation par lui des travaux inhérents à la déspécialisation ; qu'en décidant que la condition suspensive figurant à l'acte de cession et tenant à l'autorisation du bailleur des travaux d'aménagement envisagée par le cessionnaire n'était pas remplie, tout en relevant que l'acte extrajudiciaire du 12 avril 2007 répondait aux conditions de l'article L. 145-51 du code de commerce et que le bailleur ne s'était pas opposé dans le délai légal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article L. 145-51 du code de commerce ;
2°/ que la nature des activités dont l'exercice est envisagé à l'occasion de la déspécialisation doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble ; qu'en décidant que la condition suspensive figurant à l'acte de cession et tenant à l'autorisation du bailleur des travaux d'aménagement envisagée par le cessionnaire n'était pas remplie, sans rechercher si les travaux envisagés étaient de nature à porter atteinte à la destination, aux caractères ou à la situation de l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-51 du code de commerce ;
3°/ que l'acte de cession du droit au bail en date du 30 avril 2008 stipule que le bail du cédant se termine le 31 août 2008 et que le cessionnaire, concomitamment à la signature de l'acte de cession, signe un nouveau bail dont le loyer est fixé à la somme de 83 850 euros ; qu'il s'évince clairement et précisément d'un tel écrit que dès l'acte de cession, soit le 30 avril 2008, les parties sont convenues de la conclusion d'un nouveau bail prévoyant une augmentation du loyer ; qu'en énonçant toutefois, pour estimer que le bailleur n'avait pas augmenté le loyer à l'occasion de la cession du droit au bail, que l'augmentation du loyer n'était pas consécutive à la cession elle-même, mais à la conclusion d'un nouveau bail du fait de l'arrivée à échéance au 31 août 2008 du droit au bail cédé, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de l'acte de cession et a, partant, violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte extrajudiciaire du 12 avril 2007 comportant intention de cession répondait aux conditions de l'article L. 145-51 du code de commerce et que le bailleur ne s'y était pas opposé dans le délai légal et n'avait pas exercé son droit de préemption dans le délai d'un mois stipulé à l'article 34 du bail à la réception de la lettre du 30 juillet 2007, mais que la condition suspensive figurant à l'acte de cession signé en juillet 2007 entre la société Commerces et la société Cinq sur cinq et tenant à l'autorisation du bailleur des travaux d'aménagement envisagée par le cessionnaire n'était pas remplie, le mandataire des bailleresses ayant refusé le 12 octobre 2007 l'autorisation de travaux sollicitée en l'absence de descriptif précis, la cour d'appel en a justement déduit, sans dénaturation et sans être tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la non-réalisation de la cession à la date initialement convenue ne pouvait être imputée à faute au bailleur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Commerces Méditerranée et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Commerces Méditerranée et M. X... à payer aux sociétés Vendôme commerces et Centre bourse la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Commerces Méditerranée et de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quatorze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Commerces Méditerranée et M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société COMMERCES MEDITERRANEE et M. X... de leurs demandes tendant à la condamnation de la SCI VENDOME COMMERCES et de la SNC CENTRE BOURSE au paiement de la somme, à titre principal, de 121. 855, 04 ¿, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par leur faute du fait du retard dans la cession et de la diminution du prix ;
Aux motifs que « la s. n. c. CENTRE BOURSE et la s. c. i. " Vendomes " Commerces critiquent le jugement en ce qu'il a considéré qu'elles avaient commis une faute au regard des dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce alors qu'aucune disposition légale n'interdit au bailleur de fixer un nouveau loyer dans le nouveau bail avec le cessionnaire et que leur comportement n'est pas fautif ; qu'elles soutiennent que l'éventualité de la substitution de la société Gs Diffusion ne peut leur être reprochée et ne caractérise pas une faute du bailleur dès lors que la société COMMERCES MEDITERRANEE y a pleinement consenti par la conclusion d'un acte de cession sous conditions suspensives avec la société Gs Diffusion, que le tribunal de commerce s'est contredit dans son jugement en considérant que " leur accord (celui du bailleur) était réputé acquis et qu'ils ne pouvaient plus légalement s'y opposer " tout en reprochant l'absence de présentation des bailleurs chez le notaire le 12 octobre 2007 et en fondant sa décision notamment sur ce grief alors que leur absence n'empêchait nullement la signature de l'acte et que l'absence de réalisation de la cession avec Gs Diffusion résulte d'une condition suspensive contenue dans la promesse de cession ; qu'elles contestent avoir usé de manoeuvres fautives ; qu'à titre infiniment subsidiaire, elles font valoir qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le préjudice invoqué par le preneur et une quelconque faute du bailleur, que par ailleurs, le preneur n'est pas fondé à réclamer le remboursement des loyers payés entre le ter novembre 2007 et le 30 avril 2008 alors qu'il a expressément consenti au versement de ces sommes au bailleur aux termes de l'acte de cession de droit au bail en date du 30 avril 2008 ;
Considérant que la société COMMERCES MEDITERRANEE s'oppose à ces moyens ; qu'elle fait valoir que les silences du bailleur du 12 avril au 12 octobre 2007, puis ses dires et actes, démontrent qu'il a méconnu les dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce et a usé de manoeuvres pour faire échouer la cession qu'il n'avait pas contestée en temps utile, que le bailleur ne pouvait pas s'opposer à celle-ci dans une lettre adressée deux mois et demi après la notification en invoquant le fait inexact que " cédant et cessionnaire se sont désengagés de la cession " et que " les projets d'agencement étaient insuffisants ", qu'il ne pouvait non plus augmenter le prix du bail à céder avant la cession, que l'augmentation du prix du bail de 31 % imposée par le bailleur a conduit le cessionnaire à n'accepter d'acquérir le droit au bail que pour la somme de 395. 000 E au lieu de celle de 450. 000 ¿ initialement prévue ;
Considérant que si l'acte extrajudiciaire du 12 avril 2007 comportant intention de cession répond aux conditions de l'article L 145-51 du code de commerce, si le bailleur ne s'est pas opposé dans le délai légal et s'il n'a pas exercé son droit de préemption dans le délai d'un mois stipulé à l'article 34 du bail à la réception de la lettre du 30 juillet 2007 lui notifiant la faculté d'exercer ce droit, il demeure que la condition suspensive figurant à l'acte de cession signé en juillet 2007 entre la société COMMERCES MEDITERRANEE et la société Cinq sur Cinq et tenant à l'autorisation du bailleur des travaux d'aménagement envisagée par le cessionnaire n'était pas remplie ;
Qu'en effet, par télécopie du 12 octobre 2007, le mandataire du bailleur a fait connaître au notaire chargé de la rédaction de l'acte de cession que les éléments en sa possession étaient insuffisants pour pouvoir prendre position sur l'autorisation de travaux demandée ; que cette réponse du 12 octobre 2007 ne peut être considérée comme fautive dès lors que la demande d'autorisation de travaux a été présentée le 30 juillet 2007, en période de congés, et que les documents joints à cette demande ne comportaient aucun descriptif précis des travaux envisagés ; que la non-réalisation de la cession à la date initialement convenue ne peut être imputée à faute au bailleur ;
Considérant par ailleurs, que si le bailleur a fait connaître, hors délai, au conseil de la société Commerces Méditerranée, par lettre datée du 11 octobre 2007, que la société Gs Diffusion entendait se substituer à la société Cinq sur Cinq, il demeure que la société COMMERCES MEDITERRANEE a accepté, sans être tenue de le faire, cette substitution en concluant avec la société Gs Diffusion une nouvelle cession sous diverses conditions suspensives, dont elle n'ignorait pas la portée, et a parallèlement prorogé avec la société Cinq sur Cinq le délai de réalisation de la cession qu'elles avaient conclue entre elles ;
Considérant que la seconde cession avec la société Gs Diffusion n'a pu se réaliser, non du fait du bailleur, mais du fait de la défaillance de la condition suspensive tenant à l'accord de la société Sfr ;
Considérant enfin que si dans le cadre d'une cession de droit au bail intervenant en application de l'article L 145-51 du code de commerce, le bailleur ne peut exiger une modification du loyer, il résulte de l'acte définitif de cession intervenu le 30 avril 2008 avec la société Cinq sur Cinq que cette augmentation n'est pas consécutive à la cession elle-même, mais à la conclusion d'un nouveau bail du fait de l'arrivée à échéance au 31 août 2008 du droit au bail cédé ;
Considérant que la société COMMERCES MEDITERRANEE n'établit en conséquence pas l'existence des manoeuvres qu'elle impute aux bailleurs ni la faute des appelantes en relation avec un préjudice qu'elle aurait subi ; qu'elle sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement infirmé sur les condamnations prononcées ;
Considérant que les appelantes demandent que soit ordonnée la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré, assorti de l'exécution provisoire ; que cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ; que les sommes devant être restituées, portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande » ;
Alors, d'une part, que lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance ; qu'il résulte d'une telle disposition d'ordre public qu'à l'expiration du délai imparti, le bailleur ne peut ni préempter, ni s'opposer à la cession, ce qui entraîne de plein droit la réalisation de la condition suspensive incluse dans l'acte de cession du droit au bail et subordonnant la perfection de l'acte à la renonciation par le bailleur à son droit de préemption et à l'autorisation par lui des travaux inhérents à la déspécialisation ; qu'en décidant que la condition suspensive figurant à l'acte de cession et tenant à l'autorisation du bailleur des travaux d'aménagement envisagée par le cessionnaire n'était pas remplie, tout en relevant que l'acte extrajudiciaire du 12 avril 2007 répondait aux conditions de l'article L. 145-51 du code de commerce et que le bailleur ne s'était pas opposé dans le délai légal, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article L. 145-51 du code de commerce ;
Alors, d'autre part, que la nature des activités dont l'exercice est envisagé à l'occasion de la déspécialisation doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble ; qu'en décidant que la condition suspensive figurant à l'acte de cession et tenant à l'autorisation du bailleur des travaux d'aménagement envisagée par le cessionnaire n'était pas remplie, sans rechercher si les travaux envisagés étaient de nature à porter atteinte à la destination, aux caractères ou à la situation de l'immeuble, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-51 du code de commerce ;
Alors, enfin, que l'acte de cession du droit au bail en date du 30 avril 2008 stipule que le bail du cédant se termine le 31 août 2008 et que le cessionnaire, concomitamment à la signature de l'acte de cession, signe un nouveau bail dont le loyer est fixé à la somme de 83 850 ¿ ; qu'il s'évince clairement et précisément d'un tel écrit que dès l'acte de cession, soit le 30 avril 2008, les parties sont convenues de la conclusion d'un nouveau bail prévoyant une augmentation du loyer ; qu'en énonçant toutefois, pour estimer que le bailleur n'avait pas augmenté le loyer à l'occasion de la cession du droit au bail, que l'augmentation du loyer n'était pas consécutive à la cession elle-même, mais à la conclusion d'un nouveau bail du fait de l'arrivée à échéance au 31 août 2008 du droit au bail cédé, la Cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de l'acte de cession et a partant violé l'article 1134 du code civil.