LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. X... et Mme Y... sur le premier moyen du pourvoi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... (les bailleurs) ont, le 7 juillet 2004, confié à la société A Sombim Caraïbes (le mandataire) un mandat de gérance d'un bien immobilier et souscrit, en annexe à ce mandat, une garantie des loyers impayés, que, le 8 juillet 2005, le mandataire a consenti un bail moyennant un loyer mensuel de 732 euros payable entre le 1er et le 5 du mois, que les locataires ayant cessé de payer les loyers au mois de décembre 2005, il leur a fait délivrer, le 13 janvier 2006, un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis a, le 9 mars 2006, saisi d'une demande de prise en charge des loyers impayés la société CGI assurances (l'assureur) qui a opposé la déchéance de garantie pour tardiveté de la déclaration de sinistre intervenue avec un retard de vingt-cinq jours, que le défaut de paiement des loyers s'étant poursuivi, le mandataire a, le 20 juillet 2006, fait délivrer aux locataires un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire, que l'expulsion des locataires a été prononcée le 5 juin 2007 et le logement restitué aux bailleurs le 9 juillet 2008, que ces derniers ont assigné en responsabilité le mandataire qui a sollicité la garantie de l'assureur ; Sur le premier moyen, pris en sa première branche :Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de garantie formée par le mandataire, l'arrêt énonce que le premier juge a à bon droit décidé que l'assureur pouvait opposer la déchéance de garantie pour déclaration tardive sans pour autant contrevenir à l'article L. 113-2 du code des assurances, que le préjudice pour l'assureur résulte de l'augmentation de la dette pendant le retard de déclaration et de la difficulté accrue de recouvrer les loyers non payés, que l'article L. 113-3 du code précité n'est donc pas applicable ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 113-2 du code des assurances ; Attendu qu'en vertu de ce texte, lorsqu'elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive ne peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que ce retard lui a causé un préjudice ;Attendu que, pour statuer comme il le fait, à supposer qu'il ait entendu faire application du texte susvisé, l'arrêt retient que le préjudice de l'assureur résulte de l'augmentation de la dette pendant le retard de déclaration et de la difficulté accrue de recouvrer les loyers non payés ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la délivrance par le mandataire, dès avant la déclaration de sinistre et dans les délais prévus par les conditions générales du contrat d'assurance, d'un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, n'avait pas permis à l'assureur de diligenter en temps utile une procédure de résiliation de ce dernier, susceptible d'avoir effet sur la prise en charge du sinistre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Sur le second moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que les dispositions de l'arrêt ayant retenu la responsabilité du mandataire à l'égard des bailleurs pour tardiveté de la déclaration de sinistre, se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec celle ayant rejeté la demande de garantie formée par le mandataire contre l'assureur pour le même motif ; qu'il s'en suit que la cassation intervenue sur le premier moyen s'étend au second moyen ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen :CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne la société CGI assurances aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société A Sombim Caraïbes la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour la société A Sombim CaraïbesPREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de garantie formée par la Société A SOMBIM CARAIBES à l'encontre de la Société CGI ASSURANCES ; AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas contesté que le mandataire a déclaré tardivement le sinistre, 25 jours après la limite du délai maximum de 75 jours ; que c'est à bon droit que le premier juge a décidé que la Société CGI ASSURANCES pouvait opposer la déchéance de garantie pour déclaration tardive sans pour autant contrevenir à l'article L. 113-2 du Code des assurances ; qu'en effet, pendant ces 25 jours la dette locative s'est aggravée et l'assureur s'est trouvé dans l'impossibilité d'engager des procédures de recouvrement contre les locataires défaillants ; que le risque pour l'assureur de ne pouvoir recouvrer la totalité de la créance locative s'est accru, ce qui crée un préjudice pour lui, d'autant plus que la dette locative augmente rapidement ; que le préjudice pour l'assureur résulte de l'augmentation de la dette pendant le retard de déclaration et de la difficulté accrue de recouvrer les loyers non payés ; que l'article L. 113-2 n'est donc pas applicable (arrêt, p. 5) ;et AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE l'article L. 113-2 du Code des assurances autorise l'assureur à sanctionner l'assuré négligent par la déchéance de garantie ; que le refus de garantie est subordonné à la réunion de deux conditions ; que, d'une part, la police doit contenir une clause stipulant la déchéance de garantie en cas de retard dans la déclaration ; que, d'autre part, le législateur subordonne la déchéance de garantie à la preuve, par l'assureur, d'un préjudice résultant pour lui du retard dans la déclaration des circonstances nouvelles aggravantes ; que l'appréciation du préjudice relève du pouvoir souverain des juridictions du fond ; qu'en l'espèce, le mandataire a déclaré tardivement le sinistre, 25 jours après le délai maximum prévu par le contrat pour y procéder ; que la dette locative s'est aggravée pendant ces 25 jours et l'assureur n'a pu entreprendre des démarches afin de recouvrer la dette pendant ce laps de temps ; que les délais incompressibles de procédure en matière d'expulsion ne suffisent pas à exclure l'existence d'une perte de chance née du retard dans la déclaration du sinistre ; qu'en effet, l'assureur a la possibilité d'engager une démarche de recouvrement privée auprès des locataires défaillants, susceptible d'accélérer le règlement du litige ; que l'aggravation de la dette locative est justifiée et c'est donc à juste titre que la Société CGI ASSURANCES a opposé son refus de garantir la Société A SOMBIM CARAIBES (jugement, p. 6) ;
1°) ALORS QUE les juges ne sauraient se déterminer par des motifs inintelligibles, lesquels équivalent à un défaut de motifs ; qu'en rejetant la demande de garantie formée par la Société A SOMBIM CARAIBES à l'encontre de la Société CGI ASSURANCES en tant que c'était à bon droit que les premiers juges avaient décidé que cette dernière « pouvait opposer la déchéance de garantie pour déclaration tardive sans pour autant contrevenir à l'article L. 113-2 du Code des assurances », que le préjudice pour l'assureur résultait de l'augmentation de la dette pendant le retard de déclaration et de la difficulté accrue de recouvrer les loyers non payés et que « l'article L. 113-2 n'est donc pas applicable », la Cour d'appel, qui ne pouvait tout à la fois, sans se déterminer par des motifs inintelligibles, dire que l'article L. 113-2 du Code des assurances avait été utilement opposé sans être méconnu et n'était pas applicable, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE les juges sont tenus de préciser le fondement juridique de leur décision ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, la Cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement juridique de sa décision, a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;3°) ALORS QUE l'assureur peut opposer à l'assuré la déchéance pour déclaration tardive s'il établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice ; qu'en tout état de cause, en rejetant la demande de garantie formée par la Société A SOMBIM CARAIBES à l'encontre de la Société CGI ASSURANCES tirée de l'article L. 113-2 du Code des assurances tout en affirmant que cet article n'était pas applicable, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé ledit article L. 113-2 du Code des assurances ;
4°) ALORS QUE la déchéance pour déclaration tardive ne peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice ; qu'en toute occurrence, en rejetant la demande de garantie formée par la Société A SOMBIM CARAIBES en tant que le préjudice pour l'assureur résultait de l'augmentation de la dette pendant le retard de déclaration et de la difficulté accrue de recouvrer les loyers non payés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, dans quelle mesure la Société CGI ASSURANCES n'avait subi aucune perte de chance, le retard et la difficulté précités ne l'ayant pas empêché de prendre à temps les dispositions susceptibles d'avoir une influence sur la prise en charge du litige puisque, dès le 13 janvier 2006, la Société A SOMBIM CARAIBES avait fait délivrer aux locataires, défaillants depuis décembre 2005, un commandement de payer visant la clause résolutoire du contrat de bail, de surcroît dans les délais prévus par les conditions générales du contrat d'assurance, dont avait été destinataire la Société CGI ASSURANCES, laquelle aurait donc pu diligenter en temps utile une procédure de résiliation sur le fondement dudit commandement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-2 du Code des assurances.