LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que reprochant à la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques Christie's France d'avoir, en violation de l'article L. 122-8, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, inséré dans ses conditions générales de vente une clause mettant le paiement du droit de suite à la charge de l'acquéreur, le Comité professionnel des galeries d'art (CPGA) a engagé une action à l'encontre de cette société aux fins de voir qualifier une telle pratique d'acte de concurrence déloyale et d'abus de position dominante et prononcer la nullité de ces stipulations contractuelles ; Attendu que pour déclarer irrecevable la demande formée par le CPGA tendant à l'annulation de la clause relative au droit de suite, l'arrêt énonce qu'il n'est pas contesté que ces clauses ne se trouvent plus dans les conditions générales de vente de la société Christie's France, qui les a supprimées de ses catalogues après la vente "Art d'après-guerre et contemporain" du 8 décembre 2009 ;Qu'en statuant ainsi, alors que la société Christie's France avait seulement indiqué, dans ses conclusions d'appel, avoir "décidé de suspendre le schéma contractuel que lui reproche le CPGA dans l'attente d'une décision définitive au fond", la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande formée par le Comité professionnel des galeries d'art tendant à voir déclarer nulle la clause relative au droit de suite insérée dans les conditions générales des ventes intervenues les 27 et 28 mai 2008, 23, 24 et 25 février 2009, 27 mai 2009 et 8 décembre 2009, l'arrêt rendu le 3 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;Condamne la société Christie's France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Christie's France et la condamne à payer au Comité professionnel des galeries d'art la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils pour le Comité professionnel des galeries d'artIl est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par le C.P.G.A. tendant à voir déclarer nulle la clause relative au droit de suite insérée dans les conditions générales des ventes intervenues les 27 et 28 mai 2008, 23, 24 et 25 février 2009, 27 mai 2009 et 8 décembre 2009 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE «la société Christie's France fait valoir que le Comité ne peut solliciter de la Cour l'annulation des clauses au motif que les textes évoqués au soutien de la demande ne contiennent pas de disposition d'un ordre public destiné à protéger l'intérêt général ; que le Comité rappelle qu'il agit en concurrence déloyale en invoquant les articles L. 121-01 et L. 132-1 du code de la consommation et l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle ; toutefois, il n'est pas contesté que ces clauses ne se trouvent plus dans les conditions générale de vente de la société Christie's France qui les a supprimées de ses catalogues après la vente «Articles d'Avant-guerre et Contemporains» du 8 décembre 2012, de sorte que seules seraient visées les clauses insérées dans les conditions de vente des ventes réalisées en 2008 et 2009 se trouvant dans les contrats individuels déjà conclus ; que l'action en nullité du Comité est pour ce seul motif irrecevable» ;1°/ ALORS QU'il résultait des dernières conclusions d'appel de la société Christie's France que les clauses n'avaient pas été supprimées mais simplement suspendues dans l'attente de la décision définitive au fond (conclusions signifiées le 8 février 2013, p. 8 § 4) ; qu'en affirmant néanmoins, pour déclarer l'action en nullité de l'exposant irrecevable, qu'il n'était pas contesté que les clauses litigieuses avaient été supprimées, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE «l'article L. 122-8 du Code de propriété intellectuelle est la transposition de la directive européenne 2001/84 relative au droit de suite ; qu'il dispose en son alinéa 1er que «les auteurs d'oeuvres originales graphiques et plastiques ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne bénéficient d'un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d'une oeuvre après la première cession opérée par l'auteur ou par ses ayants droit, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l'art» ; qu'ainsi et avant même d'organiser le marché de l'art, ce texte crée au niveau européen un droit de suite en faveur des auteurs d'oeuvres originales graphiques et plastiques, un droit qui est inaliénable puisque s'agissant d'un droit d'auteur ; Que pour éviter les distorsions au niveau européen entre les pays qui appliquaient ce droit de suite et les autres lors des ventes effectuées par des professionnels, il a été convenu d'étendre le droit de suite à l'ensemble des pays de la Communauté économique européenne et en même temps de l'organiser ; qu'en l'espèce, il convient de constater que le premier alinéa de cet article institue un nouveau droit en faveur des auteurs et met en oeuvre un principe d'ordre public économique qui a bien pour objectif de réguler le marché de l'art à l'intérieur de l'espace économique européen ; Que force est de constater que la société Christie's France a mis en oeuvre le droit de suite dans les ventes citées par le CPGA dans les termes de l'alinéa 1er de sorte qu'aucune nullité de la clause ne peut être soulevée par le CPGA ; que le CPGA conteste en fait le respect de l'alinéa 3 par la clause litigieuse, alinéa qui dispose «le droit de suite est à la charge du vendeur. La responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et si la cession s'opère entre deux professionnels, au vendeur» ; que cet alinéa n'est pas lui-même d'ordre public puisqu'il ne s'agit que de la mise en place du principe cité à l'alinéa 1er ; que les dispositions relatives au paiement du droit de suite sont des dispositions techniques que les pays avaient la possibilité de déterminer eux-mêmes au sein de leur législation nationale ; qu'elles ont été fixées par l'article L. 122-8 alinéa 2 et la France a choisi, comme l'a rappelé la Direction des affaires civiles et du sceau du Ministère de la justice, dans sa lettre du 10 juin 2008, «dans sa transposition de la directive à l'article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle, le principe de la charge du paiement du droit de suite au vendeur» ; que la Commission européenne a rendu un avis le 22 décembre 2008 aux termes duquel «l'interprétation la plus appropriée de la directive semble être que les parties ont le droit de conclure des conventions en ce qui concerne les modalités de paiement du droit de suite, mais que ces arrangements n'ont qu'un effet relatif et ne dégagent pas les parties des obligations qui leur sont conférées par la loi française» ; qu'il apparaît que la nullité pouvant entacher la clause litigieuse s'agissant du mode de paiement du droit de suite insérée dans les conditions de vente est une nullité relative puisque le professionnel chargé de la vente à savoir la société Christie's France reste seul tenu du paiement mais que les parties ont pu valablement convenir d'un autre arrangement qui ne dégagera pas la société Christie's France de ses obligations au regard des auteurs ou de leurs ayants droits ; qu'en conséquence, seul un co-contractant d'une part et d'autre part un auteur ou ses ayants-droit, éventuellement une société d'auteurs le représentant peut soulever la nullité éventuelle de cette clause et non une association de galeristes ; que le CPGA qui ne représente pas les intérêts des auteurs ou de leurs ayants-droit mais ceux des marchands d'art est donc irrecevable à demander la nullité de la clause litigieuse relative au droit de suite insérée dans les conditions générales de vente de la société Christie's France» ; 2°/ ALORS QU'il résulte du troisième alinéa de l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle que le droit de suite est à la charge du vendeur et que la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s'opère entre deux professionnels, au vendeur ; qu' en affirmant que cet alinéa, dans son ensemble, ne mettait pas en oeuvre un principe d'ordre public économique qui avait pour objectif de réguler le marché de l'art à l'intérieur de l'espace économique européen et que sa méconnaissance ne pouvait être sanctionnée que d'une nullité relative ne concernant que les parties au contrat et les auteurs, leurs ayants-droit et représentants, alors que le fait de mettre à la charge définitive du vendeur le droit de suite est indifférent aux auteurs mais a un impact manifeste sur le fonctionnement du marché de l'art à l'intérieur de l'espace économique européen, ce dont il résulte qu'il s'agit d'une règle d'ordre public qui intéresse au plus haut point les galeristes et marchands d'art, opérateurs dont les ventes sont soumises au droit de suite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;3°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si l'exposant n'avait pas intérêt à demander l'annulation de la clause en ce qu'elle portait sur la charge définitive du droit de suite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ ALORS, ENFIN, QU'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la nullité de la clause en ce qu'elle portait sur la charge définitive du droit de suite n'était pas une nullité d'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle.