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25/09/2014 | FRANCE | N°13-20994

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 septembre 2014, 13-20994


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société BD industrie a donné des locaux à bail commercial à la société Intercraft 2000, aux droits de laquelle vient la société de droit allemand Code 1 Holding Vermögensgesellschaft (la société Code 1) ; qu'une ordonnance du juge des référés d'un tribunal de grande instance rendue le 30 septembre 2010 a constaté l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, ordonné l'expulsion de la société Code 1 et l'a condamnée à pa

yer certaines sommes ; qu'en vertu de cette ordonnance, la société L'Immobilière...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société BD industrie a donné des locaux à bail commercial à la société Intercraft 2000, aux droits de laquelle vient la société de droit allemand Code 1 Holding Vermögensgesellschaft (la société Code 1) ; qu'une ordonnance du juge des référés d'un tribunal de grande instance rendue le 30 septembre 2010 a constaté l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, ordonné l'expulsion de la société Code 1 et l'a condamnée à payer certaines sommes ; qu'en vertu de cette ordonnance, la société L'Immobilière européenne des mousquetaires, venant aux droits de la société BD industrie, a pris une inscription d'hypothèque sur un ensemble immobilier, propriété de la société Code 1 ; que cette dernière a saisi un juge de l'exécution aux fins de voir constater, à titre principal, la caducité de l'inscription d'hypothèque judiciaire et, à titre subsidiaire, sa nullité, soutenant notamment à cette fin que l'ordonnance de référé du 30 septembre 2010 ne lui avait pas été régulièrement signifiée ; qu'elle a relevé appel du jugement qui l'a déboutée de ses demandes ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

Attendu que, pour débouter la société Code 1 de sa demande de rejet des débats de la signification contestée, l'arrêt retient qu'il s'agit d'un acte rédigé en français par une SCP d'huissiers de justice dont le siège est en France et qu'elle n'a pu altérer la bonne compréhension du juge de l'exécution ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions que les trois dernières pages de cette pièce, relatives à l'accomplissement des formalités relatives à la signification ou à la notification de l'acte par l'entité requise, sont rédigées en langue allemande, la cour d'appel qui a dénaturé cette pièce, a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence nécessaire, l'annulation du chef du dispositif visé par le second moyen :

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société L'Immobilière européenne des mousquetaires aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société L'Immobilière européenne des mousquetaires, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Code 1 ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Code 1 Holding Vermögensgesellschaft MBH

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Code 1 de sa demande de rejet de pièces ;

AUX MOTIFS QUE la société Code 1 sollicite que les documents de signification en langue allemande et non traduits, versés aux débats par l'intimée, soient écartés de ceux-ci, pour n'avoir pas été traduits en langue française ; que la demande de la société Code 1 ne semble en réalité concerner que la pièce numéro 17 de l'intimée et plus précisément le document relatif à la signification en Allemagne de l'ordonnance de référé du 30 septembre 2010 ; que cependant la lecture de cette pièce intitulée expressément : « Acte de transmission de la demande de signification ou de notification dans un autre État membre en application du règlement (CE) 1393 du 13 novembre 2007 », démontre qu'il s'agit d'un acte rédigé en français par une SCP d'huissiers de justice dont le siège est en France ; que cette pièce, comme tout autre pièce de l'intimée, n'a donc pas pu altérer la bonne compréhension du juge de l'exécution ;

ALORS, 1°), QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que la société Code 1 avait sollicité que soient écartées des débats, faute d'avoir été traduites en français, les pièces produites par la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires sous les numéros 11, 15 et 17 ; qu'en considérant que la demande de la société Code 1 ne visait que la pièce adverse numérotée 17, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QUE la pièce produite par la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires sous le numéro 17 était, en partie, rédigée en langue allemande (production n° 5 : quatre dernières pages) ; qu'en affirmant, au contraire, qu'il s'agissait d'un acte rédigé en français, la cour d'appel a dénaturé cet élément de preuve, violant ainsi l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Code 1 de sa demande de caducité de l'inscription d'hypothèque ;

AUX MOTIFS QUE la société Code 1 prétend, en premier lieu, que l'ordonnance de référé du 30 septembre 2010 servant de support à l'inscription d'hypothèque prise par la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires, ne lui aurait pas été régulièrement signifiée à son siège social en Allemagne, faute d'avoir été traduite en langue allemande ; que la signification et la notification des actes judiciaires au sein de la communauté européenne sont régies par les articles 5 (« traduction de l'acte ») et 8 (« refus de réception de l'acte ») du règlement numéro 1393 / 2007 du Conseil européen ; qu'aux termes de l'article 5, il n'est pas obligatoire de traduire une ordonnance ou un jugement lors d'une signification au sein de la communauté européenne, cette obligation ne s'imposant que dans le cas où le destinataire refuserait l'acte au motif qu'il ne serait pas établi dans une langue comprise par lui ; qu'en application de l'article 8, la société Code 1 pouvait par ailleurs refuser d'accepter l'ordonnance du 30 septembre 2010 au moment de sa signification et ce, dans le délai d'une semaine à compter de ladite signification en retournant à l'huissier de justice le formulaire annexé à l'acte de signification, ce qu'elle n'a pas cru devoir faire, acceptant ainsi de manière définitive la signification de l'ordonnance du 30 septembre 2010 ; que la société Code 1 prétend désormais que l'acte de signification dont s'agit ne constituerait qu'une demande de signification de pièces transmise par l'entité requérante, l'huissier de justice Le Honsec, à l'entité requise, le tribunal d'instance de Munich (Allemagne), document qui ne porterait aucune mention de la signification effectivement opérée et qui ne vaudrait donc pas procès-verbal de signification ; que l'article 683 du code de procédure civile dispose que : « Sous réserve de l'application des règlements communautaires et des traités internationaux, la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires à l'étranger est faite par voie de notification ou de signification dans les conditions prévues par la présente sous-section » ; que l'article 684 dispose quant à lui que : « L'acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement communautaire ou un traité international autorise l'huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'État de destination » ; que du seul fait de sa transmission à l'entité allemande requise, à savoir en l'espèce le tribunal d'instance de Munich, la signification de l'ordonnance du 30 septembre 2010 doit donc être considérée comme régulière ; que la société Code 1 prétend cependant que pour démontrer la réalité de la signification de ladite ordonnance auprès de l'entité allemande, l'intimée aurait dû produire aux débats une attestation de signification et une copie de l'acte signifié ; qu'elle se fonde pour cela sur l'article 10 du règlement européen n° 1393/2007 et conteste l'application au cas d'espèce de l'article 684 du code de procédure civile, en expliquant qu'en cas de contradiction de ce texte avec le règlement européen, c'est ce dernier qui devrait seul être pris en considération en application de la hiérarchie des normes ; qu'elle précise ensuite que l'article 693, alinéa 2, du code de procédure civile se réfère expressément au règlement européen n° 1393/2007 en ces termes : « Doivent être également observées, à peine de nullité, les dispositions des articles 4, 6, 7 et 8 paragraphes 1, 2, 4 et 5 du règlement (CE) numéro 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 en cas d'expédition d'un acte vers un autre Etat membre de l'Union européenne » ; qu'elle en conclut que la signification prétendue de l'ordonnance arguée de définitive serait nulle ; que cependant, d'une part, rien n'impose de privilégier au nom de la hiérarchie des normes, les dispositions du règlement européen n° 1393/2007 sur celles des articles 683 et suivants du code de procédure civile, chacun de ces textes ayant vocation à s'appliquer parallèlement et en harmonie ; que, d'autre part, il ne ressort pas des termes sus-rappelés de l'article 693, alinéa 2, du code de procédure civile, que la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires doive faire application de l'article 10 du règlement européen n° 1393/2007 dont se prévaut l'appelante et qui concerne l'attestation de signification, l'article 693 faisant uniquement référence aux dispositions des articles 4, 6, 7 et 8 dudit règlement, lesquelles doivent être observées à peine de nullité ; que l'article 9 du même règlement dont se prévaut également l'appelante et qui concerne l'acte d'attestation de la signification, n'est pas non plus visé par l'article 693 alinéa 2 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune cause de nullité n'est susceptible d'être invoquée sur le fondement dudit article ; que l'article 4 paragraphe 5 du règlement, intitulé « Transmission des actes », précise quant à lui que : « Lorsque l'entité d'origine souhaite que lui soit retourné un exemplaire de l'acte avec l'attestation visée à l'article 10, elle adresse l'acte à signifier ou à notifier en double exemplaire » ; que l'acte d'attestation de signification constitue donc une possibilité et non une obligation « à peine de nullité » pour l'entité d'origine ; qu'enfin, l'arrêt de la Cour de cassation en date du 1er décembre 2010 cité par l'appelante, n'est nullement transposable aux faits de l'espèce, les faits objet de l'arrêt concernant en effet la signification d'une assignation et non pas d'un jugement ou d'une ordonnance de référé, et la décision se fondant en outre sur l'absence de traduction de ladite assignation pour prononcer la nullité de la signification ;

ALORS, 1°), QUE la cour d'appel s'étant, pour rejeter la demande de caducité de l'inscription d'hypothèque formulée par la société Code 1, notamment fondée sur les pièces produites par la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, l'annulation du chef du dispositif ayant rejeté ladite demande de caducité, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

ALORS, 2°), QUE les règlements communautaires ont une autorité supérieure à celle des lois internes ; qu'en considérant que les dispositions du règlement européen n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 ne primaient pas celles des articles 683 et suivants du code de procédure civile, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit communautaire, ensemble l'article 55 de la Constitution ;

ALORS, 3°), QUE les dispositions des articles 683 et suivants du code de procédure civile relatives à la notification ou signification des actes à l'étranger s'appliquent sous réserve de l'application des règlements communautaires et des traités internationaux ; qu'en refusant, pourtant, d'appliquer le règlement n° 1393/2007 du 13 novembre 2007, la cour d'appel a violé les articles 683 du code de procédure civile et 7, 9 et 10 dudit règlement ;

ALORS, 4°), QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 17, §§ 3 à 5), la société Code 1 se fondait, pour soutenir que la preuve de la signification de l'ordonnance litigieuse auprès de l'entité allemande ne pouvait résulter que de la production d'une attestation de signification, sur l'article 7 du règlement n° 1393/2007 du 13 novembre 2007, lequel doit, en vertu de l'article 693 du code de procédure civile, être observé à peine de nullité ; qu'en se bornant à affirmer que l'observation des articles 9 et 10 de ce règlement n'étaient pas prescrite à peine de nullité par l'article 693 du code de procédure civile, sans répondre au moyen de la société Code 1 fondé, également, sur l'article 7 dudit règlement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 5°), QUE lorsque l'entité d'origine souhaite que soit annexé, à l'attestation de signification ou notification qui lui est obligatoirement transmise par l'entité requise, un exemplaire de l'acte à signifier ou notifier, elle adresse ledit acte en double exemplaire ; qu'en considérant que la transmission à l'entité d'origine de l'attestation de signification constituait une simple faculté pour l'entité requise, quand seul le retour d'un exemplaire de l'acte signifié présente un caractère facultatif, la cour d'appel a violé les articles 4, paragraphe 5, et 10, paragraphe 1er, du règlement n° 1393 / 2007 du 13 novembre 2007.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-20994
Date de la décision : 25/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 15 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 sep. 2014, pourvoi n°13-20994


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20994
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