LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 2 juillet 2013), qu'employé de 1957 à 1985 dans une usine de la société Boussois devenue la société AGC France, Gilbert X... a déclaré une maladie qui a été prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard ; que celle-ci a notifié à la victime un taux d'incapacité permanente partielle porté en dernier lieu à 35 % ; qu'après le décès de Gilbert X... le 23 novembre 2008, également pris en charge au titre des risques professionnels, ses ayants droit ont saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande relative à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, alors, selon le moyen :
1°/ que, selon cet article, lorsqu'une maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a notamment droit, si elle est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, à une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation ; que ces dispositions ne conditionnent pas le versement de cette indemnité forfaitaire à la reconnaissance préalable par la caisse primaire d'assurance d'un taux d'incapacité permanente 100 % ; qu'ainsi, en l'espèce, en retenant que le taux d'incapacité visé par les dispositions de l'article L. 452-3 était celui résultant de la décision de la caisse attribuant un taux d'incapacité, la cour d'appel a violé ces dispositions par fausse application ;
2°/ que, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs des premiers juges, cette dernière a constaté que M. X... était décédé le 23 novembre 2008 d'une asbestose, se caractérisant par une insuffisance respiratoire chronique progressive provoquant un phénomène permanent d'essoufflement, de toux et de fatigabilité ayant nécessité des thérapies de plus en plus lourdes et fréquentes ainsi que des traitement médicamenteux contraignants et que les souffrances endurées du fait de cette pathologie s'étaient prolongées et intensifiées jusqu'à son décès ; que ces circonstances rendaient vraisemblables que le taux d'incapacité permanente de M. X... ait atteint 100 % au moment de son décès ; que c'est dès lors en violation des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que, s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, elle a cru pouvoir débouter les ayants droit de M. X... de leur demande d'expertise visant évaluer le taux d'incapacité permanente partielle au moment de son décès « faute d'éléments rendant vraisemblable une telle évolution » ;
Mais attendu que pour dire la demande d'attribution d'une indemnité forfaitaire non fondée, l'arrêt relève que le taux d'incapacité visé par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale selon lequel, si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 % il lui est alloué une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation, est celui résultant de la décision de la caisse attribuant un taux d'incapacité susceptible de recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité et n'est pas celui résultant des seuls éléments tirés de la gravité estimée, par la seule victime ou ses ayants droit de la pathologie ou même de la prise en charge du décès par la caisse primaire d'assurance maladie ;
Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'indemnisation du préjudice d'agrément subi par Gilbert X..., alors, selon le moyen, que le préjudice d'agrément s'entend non seulement de l'impossibilité de se livrer à une activité sportive ou de loisir spécifique mais également de la privation des agréments normaux de l'existence ; que la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dû à la faute inexcusable de l'employeur peut donc prétendre à une indemnisation de ce chef sans avoir à justifier qu'elle se livrait, préalablement à son accident ou sa maladie, à des activités autres que celles de la vie courante ; qu'en conséquence, en l'espèce, en déboutant les ayants droit de M. X... de leur demande au titre du préjudice d'agrément au motif qu'il n'était pas établi qu'il se soit trouvé dans l'impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisir spécifique du fait de sa maladie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir énoncé que l'indemnisation d'un préjudice d'agrément suppose que soit rapportée la preuve de l'impossibilité pour la victime de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs antérieure à la maladie, relève qu'il n'est pas établi que Gilbert X... se soit trouvé dans l'impossibilité de pratiquer une telle activité dont la maladie l'aurait privée, de sorte que la demande de réparation du préjudice d'agrément doit être rejetée ;
Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les consorts X..., Mme Z... et M. A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leur demande présentée au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et de les avoir déboutés de leur demande subsidiaire d'expertise ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les consorts X... sollicitent l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale selon lequel si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanent de 100%, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation. Ils soutiennent que cet article ne spécifie pas que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie doit avoir notifié un taux d'incapacité de 100% à la victime pour qu'une indemnité forfaitaire soit accordée, et qu'en l'espèce, il est incontestable que Monsieur X... était atteint d'un taux d'incapacité permanente partielle de 100%.Cependant, le taux d'incapacité, visé par ce texte, qui est celui résultant de la décision de la Caisse attribuant un taux d'incapacité, est susceptible de recours devant le Tribunal du contentieux de l'incapacité et n'est pas celui résultant des seuls éléments tirés de la gravité estimée, par la seule victime ou ses ayants droit, de la pathologie ou même de la prise en charge du décès par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie. » ;
ET, par extraordinaire, à les supposer adoptés, AUX MOTIFS QUE « l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ne prévoit l'allocation d'une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation que lorsque la victime est atteinte d'une incapacité permanente de 100%. Or, depuis la décision du 5 octobre 2007, le taux d'incapacité permanente de Gilbert X... était fixé à 35% à compter du 28 mars 2007. Les conditions de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ne sont donc pas réunies et c'est vainement que les consorts X... sollicitent l'institution d'une mesure d'expertise pour rechercher si, depuis le 28 mars 2007, l'incapacité de Gilbert X... était passée à 100%. En effet, il est invraisemblable que le taux d'incapacité fixé à 35% à cette date, soit passé à 100% en novembre 2008 soit vingt mois seulement après. Faute d'éléments rendant vraisemblable cette évolution, ce chef de demande est à écarter. » ;
ALORS d'une part QUE, selon l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, lorsqu'une maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a notamment droit, si elle est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de cent pour cent, à une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation ; que ces dispositions ne conditionnent pas le versement de cette indemnité forfaitaire à la reconnaissance préalable par la Caisse Primaire d'Assurance d'un taux d'incapacité permanente cent pour cent ; qu'ainsi, en l'espèce, en retenant que le taux d'incapacité visé par les dispositions de l'article L. 452-3 était celui résultant de la décision de la Caisse attribuant un taux d'incapacité, la Cour d'appel a violé ces dispositions par fausse application ;
ALORS d'autre part QUE, à supposer que la Cour d'appel ait adopté les motifs des premiers juges, cette dernière a constaté que Monsieur X... était décédé le 23 novembre 2008 d'une asbestose, se caractérisant par une insuffisance respiratoire chronique progressive provoquant un phénomène permanent d'essoufflement, de toux et de fatigabilité ayant nécessité des thérapies de plus en plus lourdes et fréquentes ainsi que des traitement médicamenteux contraignants et que les souffrances endurées du fait de cette pathologie s'étaient prolongées et intensifiées jusqu'à son décès ; que ces circonstances rendaient vraisemblables que le taux d'incapacité permanente de Monsieur X... ait atteint cent pour cent au moment de son décès ; que c'est dès lors en violation des dispositions de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale que, s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, elle a cru pouvoir débouter les ayants-droit de Monsieur X... de leur demande d'expertise visant évaluer le taux d'incapacité permanente partielle au moment de son décès « faute d'éléments rendant vraisemblable une telle évolution ».
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande formée par les ayants-droit de Monsieur Gilbert X... au titre de l'indemnisation de son préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS QUE « l'indemnisation d'un préjudice d'agrément suppose que soit rapportée la preuve de l'impossibilité pour la victime de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs antérieurs à la maladie. En l'espèce, il n'est pas établi que Monsieur X... se soit trouvé dans l'impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs spécifique dont la maladie l'aurait privé de sorte que la demande de réparation du préjudice d'agrément doit être rejetée. » ;
ALORS QUE le préjudice d'agrément s'entend non seulement de l'impossibilité de se livrer à une activité sportive ou de loisir spécifique mais également de la privation des agréments normaux de l'existence ; que la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dû à la faute inexcusable de l'employeur peut donc prétendre à une indemnisation de ce chef sans avoir à justifier qu'elle se livrait, préalablement à son accident ou sa maladie, à des activités autres que celles de la vie courante ; qu'en conséquence, en l'espèce, en déboutant les ayants-droit de Monsieur X... de leur demande au titre du préjudice d'agrément au motif qu'il n'était pas établi qu'il se soit trouvé dans l'impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisir spécifique du fait de sa maladie, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.